30 Nov

REPORTAGE. Fred Duval et Emem sélectionnés pour le festival de bande-dessinée d’Angoulême

La rédaction de France 3 Normandie Rouen a rencontré les deux Normands Fred Duval et Emem auteurs avec le Nantais Fred Blanchard du premier volet de Renaissance, retenu dans la sélection officielle d’Angoulême 2019. Comme les 44 autres albums, le premier des trois volets de Renaissance concourra pour les quatre prix de la sélection officielle, à savoir le Fauve d’Or – Prix du meilleur album, le Fauve d’Angoulême – Prix Spécial du Jury, le Fauve d’Angoulême – Prix de la Série et le Fauve d’Angoulême – Prix Révélation…

 Reportage France 3 Normandie – M. Fourrier / P. Cornily

20 Nov

Angoulême 2019 : la sélection officielle du Festival International de la Bande Dessinée dévoilée

Le Festival International de la Bande Dessinée vient de dévoiler la sélection officielle des albums en compétition pour sa 46e édition qui se tiendra du 24 au 27 janvier 2019…

Extrait de l’affiche 2019 / Taiyou Matsumoto

45 albums ont été retenus dans la sélection officielle, parmi lesquels Andy, Un conte de faits de Typex, L’Arabe du futur tome 4 de Riad Sattouf, Les Grands espaces de Catherine Meurisse, Deux Femmes de Song Aram, Heimat de Nora Krug, Indélébiles de Luz, le tome 1 de Renaissance de Emem, Duval et Blanchard, Bolchoi Arena de Boulet et Aseyn, Charlotte impératrice de Fabien Nury et Matthieu Bonhomme, le treizième tome de Théodore Poussin de Frank Le Gall ou encore le Spirou d’Émile Bravo, L’espoir malgré tout.

Ces 45 albums concourront pour les quatre prix de la sélection officielle, à savoir le Fauve d’Or – Prix du meilleur album, le Fauve d’Angoulême – Prix Spécial du Jury, le Fauve d’Angoulême – Prix de la Série et le Fauve d’Angoulême – Prix Révélation.

Par ailleurs, le festival a également dévoilé les 10 albums qui seront en compétition pour le Prix Jeunesse, les huit albums pour le Prix du Patrimoine et les 5 albums pour le Prix du Polar SNCF. La sélection complète et détaillée est disponible ici

Eric Guillaud

18 Nov

Un bébé à livrer, la réédition du premier album de Benjamin Renner

Ce n’est pas tous les jours qu’on a un bébé à livrer. Aussi, l’auteur Benjamin Renner a-t-il sorti les grands moyens pour cette mission, un trio de bras cassés qu’on a déjà croisé dans l’album Le Grand méchant renard. Et bien sûr, ce qui ne devait être qu’une petite formalité prend soudain une tournure inattendue…

La science ayant considérablement avancé ces dernières années, nous savons tous désormais que les bébés n’arrivent pas par l’opération du Saint-Esprit, ni par La Poste mais grâce aux cigognes. Sauf que celle de Benjamin Renner a une aile cassée qui la cloue au sol. Pas d’aile, pas de bébé !

Le hasard faisant – parfois – bien les choses, un cochon, un canard et un lapin passant dans le coin vont accepter, un peu contre leur gré quand même, de prendre en charge le fameux bébé. Pensant l’affaire facile à réglée, nos trois lascars prennent la direction d’Avignon où Monsieur et Madame Duchamel attendent avec impatience leur progéniture. Mais au fait, « C’est où ça Avignon? », s’interroge le lapin, « Par ici ou par là ? ». Et de demander leur route à un cheval qui a forcément dû voyager dans sa vie…

Un Bébé à livrer est le premier album de Benjamin Renner, initialement publié en 2011 aux éditions Vraoum!. Après le succès du Grand méchant renard, 150 000 exemplaires vendus, Fauve jeunesse au festival d’Angoulême en 2016, le voici donc réédité pour notre plus grand plaisir chez Delcourt. Un road trip complètement déjanté !

Eric Guillaud

Un bébé à livrer, de Benjamin Renner. Delcourt. 19,99€

© Delcourt / Renner

17 Nov

Lou et Julien Neel en route pour de nouvelles aventures

Initialement annoncée pour novembre 2017, la sortie du huitième volet de Lou! avait finalement été retardée d’un an au plus grand désespoir des centaines de milliers de fans. Mais nous y sommes ! Le Jour J, c’est le 21 novembre. Plus que quelques jours, quelques heures, juste assez de temps pour revenir sur l’histoire d’un succès…

Un succès d’édition

Huit tomes, trois millions d’exemplaires vendus, des traductions dans près de 20 langues. Ces trois chiffres parlent d’eux-mêmes. Lancées en 2004 par Julien Neel, alors âgé de 27 ans, les aventures de Lou rencontrent très vite le succès. Le premier tome remporte en 2005 le Prix jeunesse du festival d’Angoulême. Même chose pour le cinquième tome en 2010. Le sixième reçoit le Prix Saint-Michel Humour en 2013. Enfin, la série a été désignée 2e meilleure bande dessinée jeunesse de la décennie 2000-2009 par les internautes.

De la bande dessinée au ciné

Une histoire simple et contemporaine, des personnages attachants, des albums qui se vendent comme des petits pains, des récompenses… Il n’en fallait pas plus pour que la télévision et le cinéma lorgnent sur la série. Une première adaptation est imaginée pour la télévision, 52 épisodes diffusés sur Disney Channel et M6 entre 2009 et 2010.

Et puis c’est au tour du cinéma. Julien Neel en signe lui-même la réalisation. Le film baptisé Lou! Journal infime sort en 2014 avec Lola Lasseron dans le rôle titre et Ludivine Sagnier dans celui de la mère. Huit millions de budget et au bout du compte une adaptation franchement réussie.

En route vers de nouvelles aventures

Avec ce huitième volume disponible le 21 novembre dans toutes les bonnes librairies, Julien Neel opère un tournant. « J’ai voulu le tourner au maximum vers l’avenir… », explique-t-il, « c’est d’ailleurs pour ça qu’il s’appelle En route vers de nouvelles aventures ».

Lou a désormais 18 ans, l’âge de l’émancipation, de la liberté, de la découverte de soi et des autres, l’âges aussi des expériences. C’est le moment pour elle de voyager seule. La voilà partie sur la route pour un road trip initiatique, sans sa mère, loin de son petit frère et de son univers.

Un album de transition

Dans le fond et dans la forme, cette nouvelle aventure s’éloigne sensiblement des précédentes. « J’ai cru pendant longtemps que ce huitième tome serait le dernier. Aujourd’hui, je le vois plus comme un tournant, un départ vers quelque chose de différent et en même temps complètement dans la continuité de la série (…) J’ai eu l’idée de relancer la série pendant l’écriture de ce tome 8 où j’ai trouvé une nouvelle fin, plus ouverte. Et puis comme je le dis toujours, mes histoires sont liées, connectées à ma vie. Il s’est passé un certain nombre de choses pendant les 2 ans que j’ai passés à faire cet album qui font que cette fin a, elle-même, été altérée en plein milieu de l’album! »

L’avenir de Lou… et de Julien Neel

En route vers de nouvelles aventures marque la fin d’un cycle, pas la fin de la série. Mais avant de retrouver l’héroïne dans un neuvième album, Julien Neel à d’autres projets, une série de petits livres jeunesse inscrite dans l’univers de Lou!, des projets audiovisuels et des petites aquarelles elles-aussi tournant autour de l’univers de la série.

Eric Guillaud

Lou!, En route vers de nouvelles aventures, de Julien Neel. Glénat. 10,50€ (sortie le 21 novembre)

16 Nov

Madame, grand reporter : le chat de Nancy Peña sort les griffes

Madame est peut-être un chat de gouttière comme le présument certaines mauvaises langues mais c’est un chat qui a des tuyaux, une patte tranchante et un oeil affuté. Bref, de quoi se faire embaucher comme reporter au journal Le Monde…

Et il s’y est fait embaucher le chat, 9 mois, le temps d’un CDD au sein de La Matinale qui lui a permis de poser son regard et sa griffe sur l’actualité de notre planète et pas seulement dans la rubrique des chiens écrasés. Et même si cette actualité n’est pas toujours drôle, le chat Madame et sa maîtresse Nancy Peña ont le don de nous rendre tout ça un peu plus léger.

Et tout y passe : Les Euroseptiques, les JO de 2024, le Brexit, Harvey Weinstein, la Catalogne, les nourrissons contaminés par du lait en poudre, les inondations, les Zadistes de Notre-Dame-des Landes, la grève des cheminots, Trump bien sûr…

C’est drôle, c’est surtout très lucide et un brin narquois. Après L’année du chat, Un temps de chien, ce troisième volume devrait vous permettre de voir le monde, la vie, le quotidien, d’un œil félin. Et si vous n’avez pas assez des 80 pages et autant de strips proposés dans ce mignon petit format broché en bichromie, vous pourrez toujours vous rabattre sur le blog de Madame toujours actif.

Eric Guillaud

Madame, grand reporter, de Nancy Peña. La Boîte à bulles. 9,90€

© La Boîte à bulles / Le Monde / Nancy Peña

15 Nov

Batman White Knight : quand l’homme chauve-souris joue les méchants

On ne le répétera jamais assez, aussi cliché soit-il : entre les mains d’un auteur, un vrai, même le plus rabâché des sujets peut (re)devenir passionnant. Sean Murphy est l’un de ses petits génies : preuve en est ici avec le mythe pourtant vu et revu du ‘Batman contre le Joker’ revisité d’une manière fascinante car osant remettre en question la question universelle du bien et du mal.

Certes, axer son récit sur la relation haine/amour qui semble unir d’une façon quasi-perverse depuis toujours l’alter-ego de Bruce Wayne avec son plus grand adversaire n’est pas exactement une nouveauté en soit. Dès 1986, le grand Frank Miller avait fait basculer le héros masqué dans l’âge adulte avec la cultissime mini-série Dark Knight où pour la première fois, il apparaissait presque aussi paranoïaque et psychotique que son ennemi, rendant ainsi volontairement flou la frontière séparant les bons des méchants on va dire.

Ici, aux commandes à la fois des dessins et du scénario, le surdoué Sean Murphy qui nous avait très impressionné il y a quelques années avec le tortueux Punk Rock Jesus reprend à peu près comme point de départ le même postulat mais lui fait ensuite prendre une tournure inattendue : alors qu’il l’arrête pour la xième fois le Joker, pris de fureur, Batman le tabasse quasiment à mort sous les yeux des caméras, choquant l’opinion publique.

Mais surtout, grâce à une surdose de médicaments expérimentaux, ce dernier redevient alors Jack Napier, l’individu posé et intelligent qu’il était avant de sombrer dans la folie et de devenir le plus grand criminel de Gotham. Et alors que le super-héros est rejeté par la population et s’isole encore plus, Napier devient le ‘chevalier blanc’ (d’où le titre) de la ville qu’il a décidé de purger de sa corruption généralisée. Ce que ne l’empêche pas de jouer un double-jeu dangereux…

Rendre le Joker – ou plutôt ici Jack Napier – tour-à-tour pathétique puis touchant et enfin amoureux (si) tout en inscrivant le tout dans un contexte politico-social résonnant terriblement avec l’époque actuelle, il fallait oser. Ou avoir un sacré talent. Murphy a les deux. Son trait à l’ancienne, le côté très effilé de ses personnages et sa maitrise du clair-obscur (bien mis en valeur par le coloriste Matt Hollingsworth) donne déjà une belle épaisseur supplémentaire au récit.

Mais c’est bien son écriture qui fait toute la différence, même si on le sent un chouia moins inspiré lorsqu’il se sent obligé d’insérer quelques bastons obligatoires (on reste dans du comics, n’oublions le cahier des charges !). Tout en évitant le manichéisme, il réussi à nous faire découvrir plus d’un demi-siècle après leur création une nouvelle facette de ce duo iconique de la pop culture. Chapeau bas donc, White Knight rejoignant Dark Knight (notez la complicité des titres) au panthéon des meilleures relectures jamais écrites du culte crée par Bob Kane et le scénariste Bill Finger en 1939.

Olivier Badin

Batman White Knight, de Sean Murphy et Matt Hollingsworth. Urban Comics/DC Comics, 22,50€

© Urban Comics/DC Comics – Sean Murphy et Matt Hollingsworth

Belzebubs : quand musique metal, BD et humour font bon ménage

Le bonhomme a beau être finlandais et avoir le sang froid, on détecte tout de suite le clin d’œil et le sourire amusé lorsqu’on le rencontre au dernier Comic Con à Paris en Octobre dernier. Allez oui, on ne va pas se mentir, on a sciemment choisi un t-shirt de metal (vous voulez tout savoir ? De Darkthrone, allez hop) histoire d’être reconnu comme l’un des siens. Car même si ce trentenaire qu’est JP Ahonen a dû récemment sacrifier ses cheveux longs, ses tatouages trahissent très vite sa passion pour la musique metal. Une passion qu’il a décidé de mélanger avec l’autre grande entreprise de sa vie, le dessin. Et le résultat est détonnant…

© Marjaana Malkamäki / Daily Hero

Après Perkeros traduit en 2014 en français, Belzebubs réunit tous ses strips d’une page d’abord publié sur internet et tournant autour d’une drôle de famille et sa façon de gérer les petits problèmes du quotidien, des relations avec la belle-famille en passant par la crise d’adolescence de leur fille ainée ou les vacances. Â cela près que papa est un musicien de black-metal (littéralement, le ‘métal noir’, terme désignant une forme très véloce et agressive du heavy-metal) et que toute la famille est habillée en noir et a fait copain-copain avec les (soi-disantes) forces obscures. C’est totalement décalé, très drôle et a le mérite surtout de ne pas s’adresser qu’aux fans de ce style de musique, même si les plus chevelus d’entre vous qui se sont par exemple déjà rendus une fois au Hellfest seront ceux qui se marreront le plus…

 ma connaissance, cette bande-dessinée est l’une des toutes premières tentatives de marier BD, humour et le monde très codifié et pas du tout humoristique pour le coup du black-metal. Tu savais quand même qu’a priori, les fans de ce style assez extrême de musique ne sont pas réputés pour avoir un énorme sens de l’humour non ?

JP Ahonen. (sourire) Oui, on me l’a beaucoup dit et j’en suis bien conscient mais je voulais faire mon truc malgré tout. J’aime ce côté complètement décalé, cet écart entre cette famille un peu bizarre portant des corpsepaints (littéralement ‘peintures de cadavres’, désignant le maquillage monochrome outrancier dont sont affublés les musiciens de black-metal-ndlr) et adorant les démons confrontée aux petits soucis très banals de la vie de tous les jours. Et d’après ce que m’ont dit pas mal d’amis, à ma propre surprise il semble que pas mal de fans ou de musiciens de la scène trouvent le résultat très drôle donc…

© Glénat / JP Ahonen

N’as-tu pas été à un moment toi-même musicien de metal ?

Oui, au début des années 2000 mais je ne jouais pas un style aussi extrême, c’était plus proche de l’état d’esprit d’un Sentenced par exemple, un groupe alors très populaire chez nous en Finlande qui mélangeait metal, rock traditionnel et rock gothique (http://www.sentenced.org). Mais lorsque je suis parti à l’université, j’ai décidé de me concentrer sur le dessin plutôt. Après, même si je n’ai pas joué de black-metal, j’en connais les codes et je pense que cela m’a donné une certaine légitimité. Je comprends cette musique si tu vois ce que je veux dire et je suis tout à fait, je pense, capable d’en voir les bons côtés comme les plus, disons, risibles… Mais je reste avant tout un fan de musique et Belzebubs est une sorte de déclaration d’amour au genre metal dans son ensemble.

Est-ce que tu penses que le fait que tu sois finlandais ait joué aussi ? Tout le monde ne sait pas forcément mais chez vous, le metal est pratiquement un style ‘grand public’… Pas plus tard qu’au mois de Septembre, un groupe de chez vous de pur black-metal tout ce qu’il y a de plus sérieux du nom d’Archgoat (archgoat666.bandcamp.com) voyait même son quatrième album The Luciferian Crown atterrir directement à la deuxième place des charts !

Bien sûr ! En Finlande, personne ne te regarde de travers si tu dis que tu écoutes du metal, bien au contraire. On a envoyé Lordi gagner l’Eurovision et tu peux entendre dans les supermarchés des chansons  de Nightwish (www.youtube.com/user/Nightwishofficial) pendant que tu fais tes courses… En fait, c’est tellement accepté et rentré dans les mœurs que cela en devient presque plus cool du tout d’aimer le metal, du moins depuis une dizaine d’années. Heureusement, depuis peu de nouveaux styles de musique absolument horrible style du hip-hop chanté en Finnois sont en passe de le supplanter donc avec un peu de chances, le genre va redevenir underground et plus cool… (sourire)

© Glénat / JP Ahonen

Avec plus de 200,000 habitants, ta ville de résidence Tempere est la troisième du pays et a une bonne petite scène black-metal. En connais tu personnellement certains membres ?

Pour être honnête, non. Je sais qu’un groupe comme Horna par exemple (horna666.bandcamp.com) qui existe depuis plus de vingt ans est de Tempere mais c’est tout. En fait, même si j’aime bien le black, je suis avant tout pus friand d’un style de metal plus classique et progressif, moins extrême disons. Mais l’ironie de l’histoire est que depuis que je fais Belzebubs, je reçois régulièrement de la part de lecteurs des suggestions et très souvent, elles sont plutôt bonnes je dois dire. J’ai par exemple découvert grâce à ça Diadem of Dying Stars, un groupe grecque assez planant…

 partir de quel moment t’es-tu dit que mélanger BD et musique metal serait une bonne idée ?

Dès l’adolescence pour tout te dire. J’étais au collège avec KP Alare (avec lequel il a co-signé ‘Perkeros’ qui parlait déjà de metal-ndlr) et je me souviens très bien qu’on nous a demandé de réaliser un exposé sur les religions. Les autres ont choisi l’hindouisme, l’islam ou encore le judaïsme mais KP et moi, on a préféré prendre le satanisme ! Sauf qu’en guise d’exposé, nous avons réalisé un faux documentaire sur un ado soi-disant possédé, avec des interviews de ses parents, de sa petite amie etc. Sauf que c’était à chaque fois moi ou KP déguisé et cela a bien fait marré les gens de notre classe. Je me souviens m’être dit à ce moment là que mélanger l’occulte et l’humour était une formule qui marchait bien.

© Glénat / JP Ahonen

Belzebubs a commencé d’abord sur internet. Pourquoi ?

On peut parler d’un bel accident en gros. Belzebubs a commencé il y a trois ans environ : je souffrais alors d’une sorte de dépression lié à un sentiment d’épuisement général. Cela faisait des années que je faisais des caricatures pour des journaux locaux ou nationaux et je me sentais de plus en plus harassé par toutes les contraintes que cela impliquait de devoir fournir un dessin par jour ou par semaine.

Mon inspiration était devenue trop fluctuante et je butais sur des détails stupides… J’avais adoré faire Perkeros et j’ai alors ressenti le besoin de faire quelque chose de plus personnel où je n’aurais pas à me prendre la tête. J’ai alors décidé de participer à un concours en ligne et j’ai très spontanément commencé à dessiner deux musiciens de black-metal tenant à bout de bras un t-shirt – noir, évidemment – en essayant d’en déchiffrer le logo, vu que dans ce style la tradition veut que les groupes aient, justement, des logos tellement tordus qu’on ne puisse pas les lire… (sourire) Cela m’a fait marrer or sans le savoir, j’avais alors donné naissance à Belzebubs car ces personnages alors pas tout à fait définis ont commencé à trotter dans ma tête.

J’ai commencé à dessiner un certain nombre de strips autour d’eux, sans véritable objectif si ce n’est d’en accumuler suffisamment pour, si possible, ensuite proposer à un journal plus tard. J’ai fini par les publier moi-même un par un sur le net à partir de Septembre 2016, justement pour rester en phase avec cette idée de ne pas se prendre la tête, mais sans rien n’en attendre de plus. Et puis je ne sais même pas comment, au bout de six mois, les connections ont décollées presque d’un coup sans que je fasse quoi que ce soit, à part profiter du bon vieux bouche-à-oreille.

J’imagine que ce succès est aussi dû au manque de contrainte que t’offre internet : contrairement à mes autres travaux, je ne dois absolument respecter ni un format ni une date butoir. Il peut se passer trois semaines sans que je ne mette rien en ligne ou au contraire, si je suis inspiré, je peux en publier trois d’un coup si je veux. Et puis je rajouter un peu d’animation, faire un grand format ou à l’inverse un petit etc. Et cette liberté m’a fait un bien fou !

© Glénat / JP Ahonen

Belzebubs se partage en deux axes bien précis : d’un côté la vie de famille et de l’autre, celle du groupe du papa et ses difficultés à donner des concerts etc. Pourquoi insistes tu sur cette double facette ?

Parce que j’aime m’amuser avec ces types très sérieux qui veulent faire des chansons à la gloire des forces des ténèbres avec des pentacles et des clous dans tous les sens et les confronter à des problèmes très basiques de la vie de tous les jours. J’adore ce contraste et c’est ce qui est le plus drôle à réaliser.

Oui mais on pousse le bouchon encore plus loin car si j’ai bien compris, un album de Belzebubs – le groupe – est prévu pour Mars prochain… C’est vrai ?

Oui, tout à fait ! D’ailleurs ils ont déjà sorti un premier morceau pour lequel j’ai réalisé un clip (www.youtube.com/watch?v=sxzb00dqNg4) et je travaille actuellement sur le script d’un deuxième. Le disque est enregistré et est en cours de mixage…

Mais qui joue dessus ? Toi ?

Je ne peux rien te dire, à part que non, je ne joue pas dessus car je n’ai pas le niveau… (sourire) Officiellement, ce sont les quatre personnages de la BD qui seront crédités, c’est tout ce que je peux te dire.

Est-ce que l’on peut considérer ce futur album comme une sorte de bande originale de film ?

Pas exactement, je les vois plutôt comme deux entités bien séparées, même si elles sont très liées. Tu peux apprécier l’une sans aimer l’autre mais disons que si tu fais attention, tu trouveras sur ce disque plein de clins d’œil et de détails qui expliquent un peu la ‘mythologie’ Belzebubs telle qu’elle est présentée sur la BD. J’aime beaucoup cette idée de lier plusieurs médias entre eux autour du même univers et si j’en ai les moyens et que le succès est au rendez-vous, j’espère bien amplifier ce mouvement. Bref, il y a du boulot et c’est tant mieux, je ne fais que commencer.

Propos recueillis par Olivier Badin

Belzebubs par JP Ahonen, Glénat, 9,95€

14 Nov

Moi en double : un témoignage sur l’obésité morbide signé Navie et Audrey Lainé

Le titre pourrait le laisser penser mais Moi en double ne parle pas de schizophrénie ni d’une quelconque histoire d’agents doubles mais de l’obésité. Une histoire vraie, un combat douloureux de tous les jours, un témoignage de l’auteure Navie illustré par Audrey Lainé…

Navie pourrait se dire qu’elle est en bonne santé. Après tout, elle n’a pas de diabète, un rythme cardiaque impeccable, une tension parfaite, pas de souci de thyroïde, pas de mal de dos non plus… Elle pourrait effectivement se le dire mais son médecin, lui, ne pense absolument pas la même chose. Il faut dire que Navie mesure 1m54 pour 127 kg, ce qui lui fait un IMC, indice de masse corporelle, de 53.

« C’est très grave… », lui dit son médecin, « c’est de l’obésité morbide ». Mais Navie a appris à vivre avec depuis longtemps, multipliant les visites chez les nutritionnistes, enchaînant les régimes… jusqu’au jour où une « nutritionniste-psy-sauveur » comme elle l’appelle lui fait comprendre qu’elle porte sur ses épaules le poids moyen d’une femme.  » C’est comme si vous portiez des packs d’eau lui dit-elle, vous vivez avec un double ».

Un double ? « Je peux dire à mon mec qu’on fait souvent des plans à trois alors ? » L’humour est nécessaire et inée chez Navie mais la vie de tous les jours n’est qu’une souffrance, un mensonge à soi-même et aux autres. 

C’est le quotidien douloureux que raconte l’album Moi en double, le combat de Navie pour retrouver un corps qui lui permette d’aller mieux dans sa tête, de s’accepter enfin, de s’aimer, de se regarder dans le miroir. Mais la perte de ces kilos de trop réglera-t-elle tout ?

Un témoignage fort et intelligemment mis en images par Audrey Lainé dans un noir et blanc – et rouge pour le double – dynamique et inventif.

Eric Guillaud

Moi en double, de Navie et Audrey Lainé. Delcourt. 15,50€

12 Nov

Le petit théâtre de Spirou : Al adapte en BD les pièces jouées par le théâtre du Farfadet pendant la Deuxième guerre mondiale

Après Spirou sous le manteau et À tous les coups c’est Spirou!, le discret, rare mais précieux Alec Severin, alias Al, est de retour aux éditions Dupuis avec Le Petit théâtre de Spirou, l’adaptation en BD de saynètes écrites sous l’occupation par Jean Doisy pour un théâtre de marionnettes…

Durant la Seconde guerre mondiale, le journal de Spirou alors très sérieusement menacé de censure par l’occupant allemand, cherche une façon de garder le contact avec ses lecteurs. Il tente de le faire sous un format mensuel inauguré par un almanach sorti en décembre 1943. Sans lendemain ! L’occupant veille…

Il le fait aussi dès 1942, et l’histoire est moins connue, par l’intermédiaire d’un théâtre de marionnettes ambulant fondé par André Moons avec le soutien des éditions Dupuis. Les marionnettes à l’effigie des vedettes du journal, Spirou, Spip, Fantasio ou encore de Tif et Tondu, ont pour objectif d’entretenir la flamme de Spirou et de véhiculer ses valeurs humanistes dans une succession de pièces écrites par Jean Doisy, alors rédacteur en chef du journal de Spirou.

Mais ce n’est pas tout, « dans les coulisses… », écrivent Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault pour les excellents Cahiers de la BD, « se cachait un important réseau clandestin. Dès le début, Doisy, l’homme de toutes les manigances, avait perçu la double opportunité qu’offrait la création de cette compagnie itinérante : par son intermédiaire, des résistants pouvaient sillonner la Belgique munis d’Ausweis en bonne et due forme, sous couvert de prospections de nouveaux spectacles ».

À la Libération, le journal de Spirou retrouve son public et les pièces du Farfadet sont remisées dans un coin de grenier avant d’être miraculeusement retrouvées il y a quelques années par les mêmes Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault alors plongés dans l’écriture de l’ouvrage de référence La Véritable histoire de Spirou.

L’idée de les ramener à la lumière et de les mettre en images trouve en Alec Severin, alias Al, un allié de poids. Avec son trait malicieux, savoureusement rétro, l’auteur avait déjà signé Spirou sous le manteau, un recueil de dessins mettant en scène Spirou et Fantasio pendant la fameuse période d’interdiction du journal en 1943 et 1944.

Un graphisme étonnant de virtuosité, des planches de toute beauté, une construction intelligente, un texte respecté à la virgule près, un dos toilé rouge à l’ancienne, un très grand format, le tout accompagné du programme du Farfadet en fac-similé, Le Petit théâtre de Spirou est un album essentiel pour tous ceux qui s’intéressent un tant soit peu à l’univers du groom, un album qui aurait très bien pu être écrit au lendemain de la guerre comme un passage de témoin entre le créateur de Spirou, Rob-Vel, et celui qui hérite de ses aventures entre 1944 et 1946, Jijé. Une vraie curiosité !

Eric Guillaud

Le petit théâtre de Spirou, de Al. Dupuis. 24,95€