18 Mar

Magasin sexuel (tome 1), de Turf. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Une chose est sûre, avec son camion rose, tout rose, Amandine ne passe pas vraiment inaperçue sur le marché des Bonbinettes. Et s’il n’y avait que le camion ! Les marchandises qu’elle y expose n’ont rien… comment dire… rien de bien comestible, local ou bio. Rien à voir en tout cas avec les produits que vendait son défunt père dans ce même camion. Aujourd’hui, Amandine vend des jouets pour adultes comme le célèbre canard de bain jaune et quelques autres curiosités du même genre. Des « bizarreries érotiques tout à fait inoffensives » pour reprendre les propos du maire du village, Raymond Orloff. Inoffensives ? Avec un nom pareil, bien de chez nous, le maire n’est pourtant pas homme à aimer la badinerie. Ce personnage un peu bourru, un peu antipathique pour dire la vérité, vient d’ailleurs de refuser à ses administrés le financement d’un club de peinture sous prétexte que les artistes sont des « feignasses ». Sauf bien sûr Léonard de Vinci qui inventa l’hélicoptère en même temps qu’il peignait La Joconde. C’est dire ! Mais le commerce d’Amandine… c’est autre chose. A croire que Raymond a un petit faible pour la jeune femme….

Comme le camion d’Amandine, l’album est rose, tout rose, depuis la couverture jusqu’aux pages de garde. Mais vous ne trouverez rien de bien pernicieux dans ses pages, juste une fable pleine de légèreté et d’humour autour d’une charmante jeune femme et de son « magasin sexuel » ambulant dans le décor d’un petit village de France que l’on croirait figé dans le temps avec ses codes, ses mœurs, ses mentalités d’un autre siècle… Turf, que l’on a découvert il y a quelques années avec la série La Nef des fous, également publiée aux éditions Delcourt, s’amuse ici à confronter deux mondes, deux univers : « … mon challenge d’auteur consiste ici à mêler deux environnements totalement différents, pour un mariage forcé et improbable, et d’observer avec un certain recul ce qui se passe. C’était déjà le cas dans La Nef des fous ou j’organisais un monde chimérique, enfermé dans une bulle plus ou moins étanche au fond de l’océan. Ce qui m’amuse, c’est l’ensemble des paradoxes et anachronismes que provoquent de telles rencontres. Dans Magasin sexuel, je ne cherche pas à présenter un univers réaliste, mais plutôt à exacerber les relations qui peuvent naître de ce genre de combinaison scénaristique ». Une histoire tendre et imaginative, un graphisme à l’image de cette France qu’il veut dépeindre, à la fois gentiment désuet et moderne, des personnages réellement truculents, beaucoup de drôlerie dans le traité… Impossible de ne pas tomber sous le charme de cette histoire prévue en deux tomes ! E.G.

15 Mar

La Garden party, de Thierry Bouüaert. Editions Quadrants. 19 euros.

Chapiteau pour accueillir les invités, bouquets de fleurs, piano, musiciens, petits fours et autres encas… Laura doit penser à tout, veiller à tout. Chargée par sa mère d’organiser la garden party annuelle dans les roseraies qui bordent le château, la jeune adolescente assume ces nouvelles responsabilités avec beaucoup de sérieux. Le temps promet d’être idéal et la fête réussie. Mais derrière les murs de ce petit paradis qui ne connaît par la crise, un autre monde tente de survivre. La crise des subprimes est passée par là et fait déjà des ravages. Des morts même. Comme cet homme qui apprend par son banquier qu’il sera bientôt à la rue et qui se tue en voiture… Il habitait à proximité immédiate du château. Pour Laura se pose une question : comment faire la fête quand d’autres sont dans le malheur ?

Adaptée d’une nouvelle de la néo-zélandaise Katherine Mansfield écrite en 1922, La Garden party se déroule ici dans le contexte de la crise financière de 2008. Une transposition parfaitement réussie qui permet à l’auteur de mettre en exergue des rapports humains et même des rapports de classe qui n’ont pas beaucoup évolué dans le temps. C’est dans un style très différent de ses albums précédents, Le Train fantôme et Le Style Catherine, que Thierry Bouüaert aborde cette histoire, signant au final un ouvrage singulier tant d’un point de vue graphique, avec ces personnages que l’on croirait découpés dans du carton et plaqués sur des décors, que d’un point de vue narratif. Une bonne surprise ! E.G
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09 Mar

Polina, de Bastien Vivès. Editions KSTR. 18 euros.

Un petit bonheur. Et un grand récit ! De ceux qui vous enveloppent, vous transportent, vous marquent à jamais. Un récit au style narratif et graphique d’une étonnante maturité. Son titre : Polina. Son créateur : Bastien Vivès. Certains d’entres-vous connaissent peut-être cet auteur qui a déjà signé du haut de ses 26 ans, une petite dizaine d’albums parmi lesquels Le Goût du chlore, Elles ou Hollywood Jan, pour ne citer que ceux publiés chez le même éditeur, en l’occurrence KSTR. Polina est donc un petit bijou qui nous entraîne dans le monde de la danse pour une histoire qui parle bien sûr de la danse mais aussi, plus largement, de l’art, de son apprentissage, de la relation intime entre le maître et l’élève. « En fait… », précise l’auteur, « Polina parle de dessin, de transmission. Ce qui parcourt ce livre, c’est ma vision de l’art et de son apprentissage. A la différence de mes précédents livres, je suis moins dans l’émotion et plus dans l’affirmation d’un propos. La danse est ici un moyen pour parler de la création. » Au début de l’album, Polina n’est qu’une petite fille de 6 ans qui passe une audition sans réelle ambition, semble-t-il. Le professeur Bojinski l’a repère et décide de lui enseigner sa passion. « La danse est un art », dit-il, « il ne s’apprend pas. Il faut l’avoir dans le sang. Ensuite, il faut travailler. Et avec moi, vous allez travailler tous les jours et croyez-moi, il va falloir vous accrocher ». Polina le constatera très rapidement. La danse est exigeante. Le professeur Bojinski l’est tout autant. Mais il va lui transmettre l’essentiel, l’envie de danser, de surmonter l’effort et la difficulté pour ne montrer que la grâce et la légèreté. A force de travail et grâce à quelques rencontres providentielles, Polina va devenir une grande danseuse et une chorégraphe… Pour Bastien Vivès, cet album a été une expérience unique. Polina lui a permis pour la première fois de développer une histoire qui se déroule sur une durée de temps très longue. L’album lui aura demandé au total deux années de travail, à capter les poses, les mouvements propres à la danse et les reproduire sur des planches en bichromie tout simplement savoureuses. un album fort qui rend hommage à l’art avec grâce… Magnifique ! E.G.

L’info en +

A l’occasion de la sortie de l’album, la galerie du 9e art propose une exposition-vente des planches de Bastien Vivès jusqu’au 23 mars 2011.
Galerie du 9e art : 4 rue Cretet – 75009 Paris. Tél. 01 42 80 50 67. www.galerie9art.com

08 Mar

Flywires, de Chuck Austen et Matt Cossin. Editions Les Humanoïdes Associés. 12,90 euros.

Warren Fontine est un ex-flic au chômage, un déconnecté du réseau universel, un grillé comme on les surnomme… Et ce matin là commençait mal. Vraiment mal ! Plus d’accès aux plaisirs virtuels, plus rien dans le frigo… et, pour boucler le tout, deux espèces de gorilles qui lui dévastent son appartement à coup de gros calibres en tentant de kidnapper un gamin. C’en était trop, Warren sort les armes, réplique et se retrouve avec le fameux gamin sur les bras. Et quel gamin : une mère disparue, des tueurs aux trousses et un connecteur de contrebande greffé derrière l’oreille. Warren va très vite s’apercevoir qu’il n’a rien d’un cadeau. Et tout d’un cauchemar…

Le scénariste Chuck Austen et le dessinateur Matt Cossin, tous deux américains, proposent avec ce titre, Flywires, un polar d’anticipation cyberpunk dans la lignée de Blade Runner, Minority report ou encore du Cinquième élément. L’histoire, qui se déroule dans une arche stellaire partie il y a plusieurs générations de la Terre, nous plonge dans un monde high-tech effrayant où l’homme n’est absolument rien s’il n’est pas connecté au réseau par l’intermédiaire d’une puce implantée dans le corps. Et gare aux réfractaires ! Le scénario est efficace, le graphisme sobre, le tout plutôt dynamique et assez drôle… Deux auteurs à découvrir ! E.G.
 

Le Général Belzébuth, Maximum & Minimum (tome 1), de Jerry Frissen et Walder. Editions Les Humanoïdes Associés. 12,90 euros.

Little Tokyo, Los Angeles, 2009. Kenny a disparu ! Comme une centaine d’autres enfants. Et la police n’a aucune piste. Vraiment aucune. Le mystère est total ! Mais Maximum et Minimum, deux héros masqués et dépassés, mis au placard ou plus exactement à la plonge dans un restaurant minable du quartier, vont reprendre du service bien involontairement et découvrir ou sont cachés tous ces enfants. C’est dans le sous-sol de la ville qu’ils vont les retrouver et déranger du même coup les plans d’un empereur fou qui veut revendiquer le trône du Japon…

Attention, le scénariste Jerry Frissen, créateur de Lucha Libre, et le dessinateur Walder qui travaille aussi dans l’univers du jeu vidéo et de l’animation télévisuelle, nous offrent ici une aventure ultra-décoiffante à base d’action, de répliques tueuses, de scènes de bagarres mélangeant le catch et le kung-fu et d’humour grinçant. Pour les amoureux de héros masqués tendance déjantés ! E.G.

07 Mar

Brigande, Rani (tome 2), de Van Hamme et Alcante. Editions Le Lombard. 13,95 euros.

En un épisode, et un seul, Jolanne est devenue une héroïne phare du Neuvième art et pas seulement. En effet, le célèbre Jean Van Hamme a créé Rani pour la télévision avant de demander à un autre scénariste, le Belge Didier Alcante, d’en faire l’adaptation en BD. Le tournage des 8 épisodes de 52′ est actuellement en cours en Inde et en Dordogne avec pour actrice principale Mylène Jampanoï que l’on a pu voir dans Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar ou dans Hereafter de Clint Eastwood. Autant dire le sérieux de l’affaire ! Côté BD, le second épisode vient donc d’être publié au Lombard et les amoureux d’épopée romanesque devraient être comblés. Jolanne que l’on avait découvert dans le premier volume aux prises avec son demi-frère pour une histoire d’héritage se retrouve accusée de trahison et condamnée à mort. Mais la jeune femme parvient à s’évader et rejoint un groupe de brigands…

Retour au 18e siècle pour une aventure pleine d’action, de passion, de complots et de vengeance… Rani est une saga de haut niveau animée par Alcante et le fameux scénariste Jean Van Hamme, auteur notamment des séries cultes que sont Thorgal, XIII ou encore Largo Winch. Au dessin, on retrouve le dessinateur Francis Vallès qui avait déjà travaillé avec Jean Van Hamme sur la série Les Maîtres de l’Orge. Une grande série au graphisme racé ! E.G.

05 Mar

La Boussole, de Lambour et Springer. Editions Quadrants. 17 euros.

Après On me l’a enlevée et La Rebouteuse, deux chroniques provinciales mettant en scène la France profonde, Séverine Lambour et Benoît Springer abordent avec La Boussole un genre plus proche du fantastique même si la réalité, et même la réalité la plus dure comme celle des enlèvements et des disparitions, est le fil conducteur du récit. Le personnage principal est un jeune homme prénommé Dan mais que tout le monde appelle La Boussole. Un jeune homme aux allures de beau gosse mais qui a quelque chose de différent des autres, d’extraordinaire même. Régulièrement, sur son corps apparaissent des blessures, griffures, plaies, trous et douleurs diverses sans qu’il ne leurs trouve une explication rationnelle. Jusqu’au jour où il comprend enfin que ces blessures apparaissent lorsque quelqu’un est enlevé et torturé. Ce corps qui ne lui appartient plus va alors donner des indications de premier ordre aux policiers chargés d’enquêter sur ces fameux disparus… Scénario efficace, narration limpide, graphisme élégant, couleurs savoureuses, personnages attachants… La Boussole est un agréable roman graphique navigant quelque part entre le polar et le fantastique. E.G.

03 Mar

Le Loup-garou de Solvang, de Jerry Frissen, Christophe Gaultier et Bill. Editions Les Humanoïdes Associés. 12,90 euros.

Solvang, petit village paisible du sud des Etats Unis bâtit pas des immigrants danois en 1911 est depuis peu la proie d’un loup-garou. Plusieurs habitants attaqués, des propriétés mises à sac, des magasins vandalisés… Bref, c’en est trop pour le maire, Jasper Rundetarn, qui aimerait une aide du gouvernement. Mais plutôt que l’armée ou la police fédérale, c’est El Gladiator qui débarque, le El Gladiator des Luchadores Five, un héros qui n’a peur de rien ou presque. En compagnie de la féline Madame Belle, il va tout faire pour mener l’enquête jusqu’à son terme, une enquête sur fond de secret de famille…

Délirant, décalé, drôle… Le Loup-garou de Solvang a été publié en feuilletons dans l’anthologie Lucha Libre. Il est ici livré dans son intégralité. Aux manettes, Jerry Frissen, créateur et scénariste de la majorité des séries de Lucha Libre, Christophe Gaultier, auteur notamment de Banquise et Kuklos, et Bill qui a fait ses débuts dans Métal Hurlant et publié avec Gobi deux albums de la série Zblu cops chez Glénat. E.G.

01 Mar

Qui a tué le président ? Jour J (tome 5), de Pécau, Duval et Wilson. Editions Delcourt. 13,95 euros.

Que seraient devenus les Etats Unis et même le monde si le fameux assassinat de Dallas avait eu lieu 10 ans plus tard, le 22 novembre 1973, et si le président alors visé s’était appelé Nixon et non Kennedy ? Pour ce cinquième volet de la série Jour J qui a pour principe de changer le cours de l’histoire en revisitant ses moments clés, Fred Duval, Jean-Pierre Pécau et Colin Wilson s’attaquent donc à un événement mondial majeur et toujours enveloppé d’une aura de mystère. L’histoire de cet album commence en 1965 alors que le président des Etats Unis vient d’être réélu et lance une offensive terrestre déterminante sur le Nord-Vietnam communiste, offensive qui aboutit à la chute d’Hanoï le 5 juin 1967. Membre des Hells Angels, enrôlé dans les troupes américaines, French abat un officier supérieur de son propre camp pendant les combats. Il se retrouve en prison avec peu de chance d’en sortir debout, avant finalement de se voir proposer un sale contrat. Le 22 novembre 1973, French se retrouve à Dallas, au cinquième étage d’un immeuble, un fusil dans les mains…

Après avoir imaginé la conquête de la Lune par les Russes, placé l’épicentre de la Guerre froide à Paris plutôt qu’à Berlin ou encore extrapolé sur une Première guerre mondiale gagnée par l’Allemagne, ce nouvel opus propose une histoire alternative, autrement appelée uchronie, parfaitement ficelée et documentée. Le scénario, signé par les Rouennais Duval et Pécau, est solide, peut-être un peu complexe pour les cancres en histoire, et le dessin de Wilson est réellement agréable et d’une grande fluidité, avec des pages de combat au Vietnam particulièrement fortes. Un album réussi et une série passionnante. Prochain album en mai 2011 sur… Mai 68. Et si l’imagination avait vraiment pris le pouvoir ? E.G.
 

28 Fév

Le Frisson, de Jason Starr et Mick Bertilorenzi. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Dark Night… et le monde est subitement plus noir ! Noir comme les polars que cette nouvelle collection des éditions Delcourt promet de nous faire découvrir. Des polars écrits par les plus grands auteurs américains du genre, nous prévient-on. Et pour commencer, Dark Night nous offre un grand frisson dans la nuit avec cet album signé Jason Starr pour le scénario et Mick Bertilorenzi pour le dessin. L’histoire ? Celle d’un serial killer qui fait trembler toute la ville de New York avec des meurtres particulièrement sadiques. Le FBI tient bien une suspecte, la belle Arlana Flaherty, mais les témoins des multiples homicides donnent tous une description différente de la jeune femme. L’enquête s’enlise quand survient Martin Cleary, un officier de Boston, d’origine irlandaise comme Arlana. Cleary connaît la jeune femme et prédit un bain de sang si rien n’est fait pour l’arrêter…

C’est la première incursion dans le monde de la bande dessinée pour Jason Starr, romancier américain spécialisé dans la fiction criminelle et le triller. Il signe un scénario vif, original, merveilleusement bien mis en images par l’Italien Mick Bertilorenzi qui a notamment travaillé pour Marvel, DC ou Chimaera Comics. Prochain album à paraître dans la collection : Sale fric, de Brian Azzarello et Victor Santos. E.G.

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