04 Sep

Visa inquiet croit en l’avenir du photojournalisme

Soirée de projection au Campo Santo DR

Des soirées de projection sont organisées tous les soirs au Campo Santo, pendant la première semaine de Visa pour l’image. © Mazen Saggar.

Des paysages dévastés, des bateaux surchargés, des hommes et des femmes qui pleurent, qui crient, qui sourient. Les vingt-six expositions proposées cette année à Visa pour l’image ont encore une fois offert un reflet lucide du monde.

On lui reproche parfois de trop mettre en avant des photographies brutales, violentes : Jean-François Leroy, directeur du festival, assume pleinement. Il a d’ailleurs eu l’occasion de rappeler sa conception du photojournalisme lors du débat, jeudi matin, face à Lars Boering, directeur du World Press Photo (non exposé à Perpignan cette année). Sa critique du World Press Photo of the year résume sa pensée : « Pour moi, la photo de l’année aurait dû traiter de ce qui se passe avec Ebola, Daech. L’actualité ne se déroulait pas dans la chambre d’un homosexuel russe. »

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Webdocumentaire : Sarcellopolis, « voyage dans un village monde »

Sébastien Daycard-Heid, co-réalisateur avec Bertrand Dévé de Sarcellopolis, a reçu le Visa d'Or du webdocumentaire 2015.

Sébastien Daycard-Heid a travaillé durant trois ans sur son projet de webdocumentaire. © Bastien Vachon

Lauréat du Visa d’Or du webdocumentaire ce mercredi, Sébastien Daycard-Heid, co-réalisateur avec Bertrand Dévé de Sarcellopolis, propose une virée interactive à Sarcelles, dans le Val-d’Oise. L’utilisateur, à bord du bus 368, sillonne la ville à la rencontre de ses habitants et à la découverte de ses quartiers cosmopolites.

Qu’avez-vous cherché à montrer à travers ce webdocumentaire ?

« Il n’y avait pas la volonté de démontrer quelque chose, mais surtout de rendre hommage à Sarcelles. J’ai eu un coup de cœur pour sa diversité, pas simplement d’identités et de communautés, mais aussi de vécus et d’histoires extraordinaires, dans un petit espace de 60 000 habitants. C’est un village monde où l’on retrouve toutes les vagues d’immigration en France depuis les années 50. »

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Photojournaliste, un métier qui s’uberise

Photojournaliste, un métier en pleine mutation. © Justin Mourez

Le métier de photojournaliste est en pleine mutation. © Justin Mourez

De plus en plus précaires, les photojournalistes sont-ils les « sacrifiés » du monde de la presse ? Pour alerter les pouvoirs publics, la Société civile des auteurs multimédia (Scam) publie une enquête alarmante présentée à Perpignan, vendredi 4 septembre à Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication.

« S’il faut tapiner devant une mairie pour prendre des photos de mariage, je le ferai. » Georges Bartoli, photojournaliste depuis 30 ans, est prêt à tout pour travailler. Il est photographe avant d’être photojournaliste. Et il n’est pas le seul à accepter ce qui aurait paru inacceptable il y a quelques années. Sur Wedding photojournalist association, une plateforme en ligne, créée en 2002 dans le Connecticut, des photographes de presse proposent leurs services : les mariages y sont traités comme des reportages et les mariés comme les héros d’une histoire. Ils travaillent aussi pour des institutions, des comités d’entreprise ,ou des ONG. « Le savoir-faire est le même. Par définition, le métier est chaotique », résume Georges Bartoli. « Le métier est un champ de ruines », surenchérit Patrick Bard.

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Le Top 5 des pires phrases entendues par les photojournalistes

Petit florilège des pires phrases entendues par les photojournalistes au cours de leur carrière à propos de leur profession ou de leurs travaux.

Comme Edouard Elias, énervé d’entendre toujours les mêmes clichés sur la retouche photo. « Ça se faisait au temps de l’argentique et encore maintenant. L’important, c’est que ça ne dénature pas l’info », rabâche-t-il. Ou comme lorsque Gilles Favier, dans les années 1980, est venu présenter au Nouvel Obs le fruit – en noir et blanc – de dix ans de travail sur le conflit en Irlande du Nord et qu’on lui a répondu qu’il aurait été parfait… en couleurs ! Dur.

ZOE BARBIER et BENJAMIN CHAUVIRE

Femmes yézidies, images d’une résistance contre Daech

Berivan, 18 ans, est membre de la brigade des combattantes yézidies du Sinjar. Sans demander la permission de ses parents, elle s’est enrôlée après l’attaque de Daech contre son village et se bat désormais en première ligne dans la ville de Sinjar, Irak, 13 mai 2015. © Alfred Yaghobzadeh pour Paris Match

Berivan, 18 ans, est membre de la brigade des combattantes yézidies du Sinjar. Sans demander la permission de ses parents, elle s’est enrôlée après l’attaque de Daech contre son village et se bat désormais en première ligne dans la ville de Sinjar, Irak, 13 mai 2015.© Alfred Yaghobzadeh pour Paris Match

Grâce à l’exposition Le corps des femmes yézidies comme champ de bataille du photographe iranien Alfred Yaghobzadeh, le public découvre ces combattantes kurdes qui ont pris les armes pour défendre leur village, encerclé par les forces de l’état islamique. 

L'exposition d'Alfred Yaghobzadeh est visible à l'ancienne unviersité. @Caroline Malczuk

L’exposition d’Alfred Yaghobzadeh est visible à l’ancienne université, à Perpignan. @Caroline Malczuk

Novembre 2014 et mai 2015. Le photographe iranien Alfred Yaghobzadeh et la journaliste française Flore Olive se rendent au Kurdistan irakien où la résistance contre Daech s’organise dans les villages Yézidis (une minorité religieuse monothéiste) de Dihuk et Zakho. Des femmes combattantes, âgées de 16 à 30 ans, se préparent à se battre contre les jihadistes qui ont exécuté, violé ou réduit en esclavage des membres de leur famille, depuis l’offensive menée contre leur village sur le mont Sinjar, en août 2014. Elles constituent la première brigade de combattantes yézidies : l’YPS.

Elles n’ont pas d’autres choix que de prendre les armes. « Au sol, il n’y a pas grand monde. Les forces internationales agissent par les airs », rappelle Flore Olive. « Le courage de ces jeunes femmes, de celles qui se battent sur le terrain comme de celles qui tentent de se reconstruire pour continuer à vivre, a été une source d’énergie et d’inspiration », explique Alfred Yaghobzadeh. « Elles ont été faciles à photographier, ce qui n’était pas le cas des femmes ayant été captives et violées. C’est une question d’honneur. » Selon Flore Olive, près de 3 500 femmes et enfants yézidis sont encore détenus par Daech.

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Juan Manuel Castro Prieto : « Mes photos sont intemporelles »

Deux péruviennes posent devant une toile, munies de leur sac de laine de lama. A travers ce fond photographique, Juan Manuel Castro Prieto rend hommage à celui qui lui a donné l’envie de se rendre au Pérou, Martin Chambi. Ce pays lui a inspiré « Pérou, la vallée sacrée », une série de clichés exposés à Visa pour l’Image cette année, dans lesquels on retrouve ce cliché que le photographe décrypte ici.

LISA SANCHEZ & CAMILLE HISPARD

« Elle doit être triste car sans futur »

Vicenzo a une otite et de la fièvre, Stacy a dû le récupérer à la crèche pour l’amener chez le médecin. Ils vivent tous les deux dans un logement du Dahlia, un établissement d’accueil mère-enfant à Hellemmes. Mars 2015. © Viviane Dalles

Vicenzo a une otite et de la fièvre, Stacy a dû le récupérer à la crèche pour l’amener chez le médecin. Ils vivent tous les deux dans un logement du Dahlia, un établissement d’accueil mère-enfant à Hellemmes. Mars 2015.© Viviane Dalles

Chaque jour, les festivaliers de Visa pour l’Image commentent une photo dont ils ne connaissent ni l’auteur, ni le contexte. Il s’agit aujourd’hui d’un cliché issu de l’exposition Devenir mère ado de la photographe française Viviane Dalles.

« C’est une jeune femme seule… Ah non, regarde elle a un enfant ! », fait remarquer Julie à son compagnon Rémi. « Elle a l’air malheureuse, dans ce qui ressemble à une rame de métro », commentent les deux trentenaires de Perpignan. « Malheureuse », mais aussi « seule » ou « triste ». C’est ce que les festivaliers remarquent lorsqu’ils observent la photographie de Viviane Dalles.

« Elle est doit être triste car elle est sans futur », avance Eugénie, une Allemande de 59 ans, venue au festival en famille. Sa fille, Patricia, mère d’une petite fille de 5 mois, continue : « Elle doit téléphoner à sa mère pour avoir de l’aide. »

Pour les visiteurs, le lieu du cliché fait débat. Selon Eugénie, parce que Stacy – la jeune femme de la photo – a « le teint très pâle » et que les couleurs ambiantes sont « grises », c’est en Russie. D’autres voient ça dans une « grande ville européenne », voire en région parisienne pour Rémi. La photographie a en réalité été prise à Hellemmes, une petite ville du Nord-Pas-de-Calais.

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Diana Zeyneb Alhindawi : « Les femmes étaient voilées pour être protégées des militaires »

Cachées sous un voile, 47 victimes de viol se succèdent à la barre du tribunal militaire de Minova (République démocratique du Congo). Du 12 au 19 février 2014, pas moins de 39 soldats étaient jugés pour des viols et violences commis dans cette ville en novembre 2012.

Diana Zeyneb Alhindawi a suivi ce procès et ces témoins au visage et au nom restés secrets pour préserver leur anonymat et les protéger de représailles. Deux soldats ont été reconnus coupables de viols par la cour, le 5 mai 2014, les autres ont été acquittés pour ces faits.

Photo de l’exposition « Viols : procès de Minova », présentée lors de l’édition 2015 de Visa pour l’image © Diana Zeyneb Alhindawi

VIRGINIE BOQUIN et JERÔME ROBILLARD

Nancy Borowick : « Ma vie personnelle et professionnelle ont fusionné » 

Howie parle des fauteuils « duo » dans le cabinet de l’oncologue où ils font leur chimiothérapie hebdomadaire. Howie et Laurel sont mariés depuis 34 ans. Greenwich, Connecticut, janvier 2013. © Nancy Borowick

Howie parle des fauteuils « duo » dans le cabinet de l’oncologue où ils font leur chimiothérapie hebdomadaire. Howie et Laurel sont mariés depuis 34 ans. Greenwich, Connecticut, janvier 2013. © Nancy Borowick

Nancy Borowick présente à Visa pour l’image l’exposition « Le cancer, une histoire de famille ». Une série de photos en noir et blanc de ses parents, atteints de cette maladie. Photojournaliste, l’Américaine raconte leur combat en attendant la mort. Interview.

Pouvez-vous nous expliquer cette photographie qui ouvre l’exposition ?

Nancy Borowick : « La première photographie représente mes parents qui sont en chimiothérapie. Je leur rendais visite pour être à leur côté. Mais c’était très dur de les regarder car ce sont mes parents. Ensuite, je me suis dit : « Je suis photographe ». Et j’ai vu la symétrie de l’image. J’ai dû penser à une composition. Je me suis servie de ça pour me détacher de la réalité. »

Vos parents étaient-ils gênés par votre appareil photo ?

« Cela ne leur posait aucun problème. Il y a des moments où mon père me disait : « Tu es encore en train de prendre des photos ! » Mais il sentait que si cela pouvait aider des gens à s’en sortir, cela valait le coup. Mes parents savaient qu’ils étaient en train de mourir. Ils n’avaient rien à perdre. D’une certaine manière, ils m’ont donné beaucoup en faisant ça. D’autres personnes ont pu en profiter. Chacun cherche un sens à sa vie avant de mourir. J’imagine que c’est le but qu’ils s’étaient fixés. »

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Visa pour l’image, un coup de projecteur qui dure

Diana Zeyneb Alhindawi vient d'être récompensée du Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge.

Diana Zeyneb Alhindawi a reçu mercredi soir le Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge. © CAROLINE MALCZUK

Que deviennent les lauréats de Visa pour l’image, après avoir reçu leurs prix ? Tous poursuivent les projets engagés grâce à l’argent reçu. Mais le festival est aussi et surtout le moyen d’acquérir une notoriété. Car les jeunes photographes, habituellement derrière leur appareil, sont soudain mis sur le devant de la scène.  

Pour certains, l’impact a été immédiat. En juin 2015, Diana Zeyneb Alhindawi apprend qu’elle est lauréate du Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix-Rouge pour son travail sur le procès pour viol à Minova de militaires de la République démocratique du Congo. Les mois suivants, ses photos ont été publiées dans Paris Match, The Toronto Star, sur Newsweek.com. Elles sont actuellement visibles à Visa pour l’image, à Perpignan. Cette travailleuse humanitaire, qui était basée en République démocratique du Congo au moment de la prise des clichés, fait de la photographie professionnelle depuis deux ans. Elle ne s’attendait pas à gagner . « Je ne réalise pas encore ! Je n’étais pas du milieu. J’ai juste envoyé mon travail. Je voulais que les gens sachent ce qu’il se passait. J’ai été surprise quand j’ai reçu l’appel. » Ce prix lui a été remis en main propre mercredi soir.

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