04 Sep

Pascal Maitre sur « l’autoroute » du fleuve Congo

Pascal Maitre a réalisé ce reportage sur le fleuve Congo pour le magazine National Geographic. Le photojournaliste français s'est rendu quatre fois sur place.

Pascal Maitre, à l’issue de sa conférence à Visa pour l’image, jeudi 3 septembre. © Benjamin CHAUVIRE

Pour le magazine National Geographic, Pascal Maitre a remonté le fleuve Congo à plusieurs reprises en 2013. Il nous raconte le quotidien à bord des imposantes embarcations, véritables vecteurs d’une économie régie par ce cours d’eau légendaire. 

« Je veux juste montrer ce que j’ai vu. » Sans parti pris. Le photojournaliste français Pascal Maitre est un habitué de l’Afrique et du festival Visa pour l’image à Perpignan, où il expose pour la huitième fois. Le Soudan, l’Erythrée, le Cameroun, la Somalie, Madagascar : autant de reportages qui ont construit sa vision du continent et qui l’ont amené à s’intéresser plus particulièrement au fleuve Congo en 2013. Alors qu’il présente son exposition à Perpignan, le photojournaliste tient à mettre en garde : « Il ne faut pas cantonner le continent à la guerre, les tribus, la nature. » L’Afrique, c’est aussi et surtout, pour lui, un potentiel économique.

Le fleuve Congo est particulièrement important, d’un point de vue géopolitique, mais également économique. 4 500 kilomètres, 30 millions de personnes vivant autour du fleuve et de ses affluents : le cours d’eau est la principale « autoroute » de la République démocratique du Congo. Derrière son objectif, Pascal Maitre montre l’importance du transport fluvial, avec ses grandes barges mesurant jusqu’à 450 mètres de long et pouvant accueillir 2000 personnes. Un paradoxe puisque depuis 1997, le transport de voyageurs est interdit sur le fleuve, ce qui a compliqué le travail du photographe. Avec ses images, il décrit le quotidien à bord : le troc entre villageois, l’attente, les problèmes mécaniques et les dangers de la navigation. « Entre 2008 et 2013, 6 000 personnes sont mortes. Le cours d’eau n’est plus dragué et balisé », rapporte le photographe.  

Les passagers parmi les marchandises 

Une situation qui n’empêche pas les propriétaires des embarcations d’entasser les passagers parmi les marchandises. Ce business leur rapporte jusqu’à 100 000 dollars par voyage, pour un investissement de 700 000 dollars par barge. Chargés de matériaux de construction et de babioles chinoises lorsqu’ils remontent le fleuve, les bateaux redescendent ensuite vers Kinshasa, remplis de céréales, d’huile de palme, de caoutchouc et de voitures. Les voyages peuvent durer jusqu’à sept mois, dans des conditions éprouvantes. 

Fleuve Congo, Maluku. Un bateau chargé de rondins de bois et de passagers arrive de Kisangani. Février 2013. © Pascal Maitre / Cosmos / National Geographic Magazine

Fleuve Congo, Maluku. Un bateau chargé de rondins de bois et de passagers arrive de Kisangani. Février 2013. © Pascal Maitre / Cosmos / National Geographic Magazine

Pascal Maitre a effectué plusieurs trajets pour son reportage. Quatre voyages, dont deux sur des barges et deux sur des pirogues. Sur ce type d’embarcation, le photojournaliste saisit un peu plus la situation économique de la région. « On s’était arrêté manger sur un banc de sable. Des villageois en pirogue ont abordé un membre de notre équipage. Ils ne comprenaient pas pourquoi un blanc était à cet endroit précis. Pour eux, si j’étais là, c’est parce qu’il y avait forcément un trésor sous le sable… » Pascal Maitre revient alors sur les années de pillage et de guerres civiles subies par le pays et le continent. « Ils ne comprennent pas que l’on vienne juste pour un reportage. Ces régions-là sont très éprouvées. » Il a fallu de longs mois pour obtenir les autorisations nécessaires pour naviguer sur le fleuve. « Tout doit passer par le responsable du renseignement militaire, le chef de la Navy congolaise », entre autres.

Ces conditions, il les accepte pour faire ce qu’il sait faire de mieux : « Scruter l’Afrique du XXIe siècle [] Ausculter ce continent qui va vers l’avant et possède un véritable potentiel économique ». Parce qu’il ne faut pas l’oublier, il y aura bientôt deux milliards d’Africains.

MARINE LANGEVIN et BENJAMIN CHAUVIRE