04 Sep

Femmes yézidies, images d’une résistance contre Daech

Berivan, 18 ans, est membre de la brigade des combattantes yézidies du Sinjar. Sans demander la permission de ses parents, elle s’est enrôlée après l’attaque de Daech contre son village et se bat désormais en première ligne dans la ville de Sinjar, Irak, 13 mai 2015. © Alfred Yaghobzadeh pour Paris Match

Berivan, 18 ans, est membre de la brigade des combattantes yézidies du Sinjar. Sans demander la permission de ses parents, elle s’est enrôlée après l’attaque de Daech contre son village et se bat désormais en première ligne dans la ville de Sinjar, Irak, 13 mai 2015.© Alfred Yaghobzadeh pour Paris Match

Grâce à l’exposition Le corps des femmes yézidies comme champ de bataille du photographe iranien Alfred Yaghobzadeh, le public découvre ces combattantes kurdes qui ont pris les armes pour défendre leur village, encerclé par les forces de l’état islamique. 

L'exposition d'Alfred Yaghobzadeh est visible à l'ancienne unviersité. @Caroline Malczuk

L’exposition d’Alfred Yaghobzadeh est visible à l’ancienne université, à Perpignan. @Caroline Malczuk

Novembre 2014 et mai 2015. Le photographe iranien Alfred Yaghobzadeh et la journaliste française Flore Olive se rendent au Kurdistan irakien où la résistance contre Daech s’organise dans les villages Yézidis (une minorité religieuse monothéiste) de Dihuk et Zakho. Des femmes combattantes, âgées de 16 à 30 ans, se préparent à se battre contre les jihadistes qui ont exécuté, violé ou réduit en esclavage des membres de leur famille, depuis l’offensive menée contre leur village sur le mont Sinjar, en août 2014. Elles constituent la première brigade de combattantes yézidies : l’YPS.

Elles n’ont pas d’autres choix que de prendre les armes. « Au sol, il n’y a pas grand monde. Les forces internationales agissent par les airs », rappelle Flore Olive. « Le courage de ces jeunes femmes, de celles qui se battent sur le terrain comme de celles qui tentent de se reconstruire pour continuer à vivre, a été une source d’énergie et d’inspiration », explique Alfred Yaghobzadeh. « Elles ont été faciles à photographier, ce qui n’était pas le cas des femmes ayant été captives et violées. C’est une question d’honneur. » Selon Flore Olive, près de 3 500 femmes et enfants yézidis sont encore détenus par Daech.

Alfred Yaghobzadeh lors de la conférence "Le martyre des femmes yézidies" le 3 septembre 2015 ©AmandineLeBlanc

Alfred Yaghobzadeh lors de la conférence « Le martyre des femmes yézidies » le 3 septembre 2015 ©AmandineLeBlanc

Réalisées pour Paris Match, ces photos prises lors des entrainements militaires des femmes yézidies ou pendant les cours d’idéologie, de politique et d’enseignement général qu’elles suivent en parallèle, ont été publiées en mai 2015. Ces adolescentes jouent un rôle décisif alors qu’elles sont issues d’une communauté plutôt conservatrice. « En 2007, une femme a été lapidée parce qu’elle était tombée amoureuse d’un musulman sunnite », raconte Flore Olive.

Beaucoup sont « des gamines qui ne sont jamais allées à l’école ». Mais grâce à la résistance, « elles apprennent la confiance en elle, l’estime de soi. Une vraie révolution s’opère dans la société yézidie », explique la journaliste. De plus, selon une légende qui circule parmi les Yézidies, elles font peur aux djihadistes : se faire tuer par une femme interdirait l’entrée au paradis. « On n’a pas pu le vérifier auprès des djihadistes, précise Flore Olive. C’est ce qu’elles se disent entre elles. Cela les fait rire, leur donne du courage. »

La tentation est forte de « glamouriser » ces modèles de beauté et courage. Des figurantes les représentent dans un clip de la chanteuse Helly Luv, surnommée la « Shakira kurde », Risk it all (Risque tout). Elles apparaissent dans des combinaisons militaires vertes, les mêmes que les kurdes, et maquillées. Ces combinaisons ont aussi inspirées la marque H&M. En octobre 2014, la marque a du s’excuser d’avoir voulu vendre un vêtement ressemblant étrangement à leur tenue de combat.

Sur ce point, les avis d’Alfred Yaghobzadeh et Flore Olive divergent. La journaliste rappelle qu’il n’y a « rien de glamour dans la guerre. On travestit le sens de ce qu’elles font. » Pour le photographe, que l’image de ces femmes soit utilisée à des fins commerciales ne le dérange pas. « Au moins, on parlera d’elles ! »

Caroline Malczuk