05 Sep

La photo du jour : « Quand j’ai lu la légende, j’ai eu froid dans le dos »

Rebelle libyen exhortant les habitants à fuir alors que des obus tirés par les forces kadhafistes atterrissent sur la ligne de front à Ben Jawad, à 150 km à l’est de Syrte. Centre de la Libye, 29 mars 2011. A Libyan rebel urging people to leave as shells fired by Gadhafi's forces landed on the front outside Bin Jawaad, 150 km east of Sirte. Central Libya, March 29, 2011. © Anja Niedringhaus / Associated Press

Rebelle libyen exhortant les habitants à fuir alors que des obus tirés par les forces kadhafistes atterrissent sur la ligne de front à Ben Jawad, à 150 km à l’est de Syrte. Centre de la Libye, 29 mars 2011. © Anja Niedringhaus / Associated Press

Chaque jour, les festivaliers de Visa pour l’image se prêtent au jeu de commenter une photo dont ils ne connaissent ni l’auteur, ni le contexte. Il s’agit aujourd’hui d’un cliché issu de l’exposition Hommage de Anja Neidringhaus, photojournaliste allemande tuée en Afghanistan en avril dernier.

« Cet homme pousse un cri de joie. » En découvrant la photo, William, 19 ans, est sûr de lui. « Il vient de libérer quelqu’un, c’est certain. » L’étudiant scrute le visage de l’homme. « Il exulte. Comme un soldat après une victoire, c’est pour ça qu’il est à genoux sur le toit d’une Jeep. » À ses côtés, Anthony est du même avis. « Il célèbre quelque chose, ça se voit à la façon dont il tend les bras. » « Comme un joueur de foot à la fin d’un match que son équipe aurait gagné », ajoute en souriant William. Loin de la réalité.

Angélique, 33 ans, est plus prudente que les deux étudiants. « Je ne pense pas que ce soit un cri de joie mais plutôt d’encouragement, comme quelqu’un qui va au combat. » La jeune femme est sur la bonne voie. À côté d’elle, Sterenn ne dit rien. Elle a déjà vu l’exposition d’Anja Niedringhaus et connaît donc le contexte de la photo.

« Vu l’actualité, je dirais que c’est en Syrie »

En observant les vêtements de l’homme, tous sont unanimes : il ne s’agit pas d’un militaire appartenant à une armée « officielle », mais plutôt « d’un civil embrigadé », comme l’affirme William. « Il n’est pas très bien équipé, ne porte ni casque, ni gilet pare-balles… Regarde, il a un simple T-shirt en dessous de sa veste ! », fait-il remarquer à son ami en lui tendant la photo. « Je dirais que c’est un rebelle. » Bien vu. Reste à savoir dans quel pays.

Aucun détail ne permet d’identifier le lieu où le cliché a été pris mais, « vu l’actualité de ces dernières années, je dirais que c’est en Syrie », avance Anthony. Cuell, venu de Londres pour assister à Visa, penche plutôt pour l’Afghanistan. « Ou l’Irak. » Finalement, c’est encore William qui trouve la réponse : « La Libye. »

Arrive le moment de lire la légende. L’homme est donc un rebelle libyen. Mais, loin de se réjouir, c’est un cri d’alerte qu’il lance, exhortant des habitants à fuir alors que des obus tirés par les forces kadhafistes atterrissent sur la ligne de front. Les quatre festivaliers tombent des nues. « On a l’impression que c’est la fin d’un combat alors qu’en fait, c’est le début… », observe Sterenn. « Quand j’ai lu cette légende, j’ai eu froid dans le dos. »

Maud COILLARD