12 Avr

Les ombres du Dessoubre victimes de la saproneliose

Un ombre du Desoubre victime de la saproneliose. Photo Hervé Lhomme

Un ombre du Desoubre victime de la saproneliose. Photo Hervé Lhomme

Les pêcheurs du Dessoubre sont inquiets. Les heures sombres de 2014 se profilent à la surface du Dessoubre. De nombreux ombres, juvéniles et reproducteurs, sont de nouveau victimes de la saproneliose, cet espèce de champignon qui ronge leurs écailles. C’est le signe que rien n’a vraiment changé. D’autant plus que les ombres des autres rivières de la région seraient également touchés.


La pollution du Dessoubre

Sur le papier, avril est un mois de réjouissance pour les pêcheurs. Les beaux jours reviennent, les truites les narguent et les ombres les émerveillent. C’est le moment de la fraie pour les ombres, un délice à observer pour les amoureux des cours d’eau. Cette année, la fête est gâchée.

Une mortalité importante atteint la population d’ ombres adultes du Dessoubre, déjà décimée depuis 2014 : il y aura très peu de survivants. Le Doubs Franco Suisse n’est pas épargné. Les mêmes causes produisent les mêmes effets : la qualité de l’eau de nos rivières est toujours aussi déplorable.

L’alerte a été lancée, en autre, par Frédéric Solmon. Le pêcheur demande l’ »interdiction provisoire de la pêche dans le Dessoubre ainsi que de la baignade estivale (danger sanitaire). Un grand débat médiatique, une manifestation d’envergure à Besançon, sont à organiser sans tarder ». Une interdiction que n’envisagent pas les associations de pêche du secteur et la fédération de pêche du Doubs car l’ombre, espèce classée vulnérable sur la liste rouge des espèces menacées en France, est déjà uniquement en no-kill.

Que se passe-t-il exactement ? Les garde-pêches des deux AAPPMA, la truite la Rêverotte et Les deux vallées ont fait le même constat : de nombreux ombres sont atteints de ces tâches blanches et de ces boursouflures, signes extérieurs de la sapronéliose. D’autres sont morts. Après la fraie, les poissons sont fragilisés et les mortalités habituelles mais là l’inquiétude vient de la multitude de cas. C’est d’autant plus visible que le niveau d’eau est particulièrement bas en ce moment. L’étiage est celui que l’on constate habituellement en été. Les rejets que la rivière n’arrive pas à digérer sont d’autant plus concentrés. Au printemps, les épandages sont plus nombreux mais l’agriculture n’est pas la seule responsable de cette concentration excessives de nitrates dans la rivière. Les dysfonctionnements des stations d’épurations, les mauvaises habitudes des particuliers sont aussi à l’origine de ce mauvais état du Dessoubre.

Dans un courrier adressé aux acteurs du monde de la pêche mais aussi aux élus et aux responsables des services de l’Etat, Gérard Mougin, président de l’AAPPMA Les deux vallées confie son désarroi :

Je suis conscient que tout ne sera pas réglé demain mais de grâce prenez le problème à bras le corps et agissez là où il le faut en seriant les problèmes par leur caractère d’urgence. Pourquoi ces phénomènes de mortalités se reproduisent-ils régulièrement ? Des scientifiques devaient nous fournir des explications… La rivière d’Ain est touchée également. Faudra t-il fermer la pêche dans toutes nos rivières ? Ou plutôt pourra t-on encore y pêcher ?
Quel gâchis ! Nos rivières à la réputation internationale ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes …

 

Le mauvais état du Dessoubre en avril 2017. Photo Hervé Lhomme

Le mauvais état du Dessoubre en avril 2017. Photo Hervé Lhomme

Les ombres sont les premières victimes de cet état de fait dénoncé depuis 2010 avec la crise de la Loue. Chaque été, la fédération de pêche du Doubs effectue des pêches électriques pour évaluer le cheptel. Dans son guide 2017, la fédération du Doubs fait justement le point sur « la timide reconquête des Ombres du Dessoubre ».

Après les mortalités du début d’année 2014, la situation de l’ombre était très préoccupante sur le Dessoubre moyen : perte d’environ 70 % de la biomasse en comparaison de la référence 2009, notamment due à la chute drastique des effectifs de sujets adultes, largement décimés. Depuis, la mise en place du réseau de suivi annuel sur la station du Moulin du Dessus permet de caractériser précisément l’évolution de la population. (…) La population d’ombre du Dessoubre se reconstitue lentement, mais reste sur le fil après une année 2016 défavorable au renouvellement: une bonne réussite de la reproduction en 2017 est indispensable ! Dans l’attente, l’espèce reste en No-Kill sur le bassin-versant.

De l’avis des pêcheurs, les ombres ont bien frayé cette année. Maintenant, il va falloir attendre pour savoir si les oeufs vont pouvoir poursuivre leur développement. En 2014, c’est ce qui avait sauvé l’espèce. Mais aucune année ne se ressemble…

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr