07 Mar

Découverte d’un tableau inédit de Gustave Courbet au musée d’art et d’histoire de Granville

Gustave Courbet, Vue du Lac Leman, 1876. Musée d'art et d'histoire de Granville

Gustave Courbet, Vue du Lac Leman, 1876. Musée d’art et d’histoire de Granville

C’est une belle histoire, une de celles que rêvent de vivre les conservateurs de musée. Une Vue du Lac Léman vient d’être attribuée à Gustave Courbet. Le tableau est signé de son nom et daté de 1876, l’année précédente de sa mort lors de son exil en Suisse.Le tableau était conservé dans les réserves d’un des musées de Granville. Il a été redécouvert par Alexandra Jalaber, conservatrice adjointe des Musées de Granville et ses collègues à l’occasion de l’organisation de l’exposition « Côté coulisses. Les tableaux retrouvent leurs couleurs » au musée d’art moderne Richard Anacréon. Bruno Mottin, conservateur en chef du patrimoine, chef de la filière peinture du C2RMF, l’a authentifié comme étant de la main du maître et non de l’un de ses élèves. Le spécialiste a observé la façon de déposer les empâtements, les similitudes avec des tableaux réalisés à la même époque et d’autres détails propre à Courbet. Un travail d’observation nécessaire car de nombreux faux Courbet existent. C’est d’ailleurs la restauration d’une Cascade signée Courbet mais finalement attribuée à Cherubino Pata qui est à l’origine de cette redécouverte.

Pour préparer l’exposition sur les coulisses du musée, Alexandra Jalaber entreprend des recherches sur un tableau présenté dans l’exposition permanente et présenté comme la  « Cascade de Mortain », une cascade située à une soixantaine de kilomètres de Granville. Le tableau est signé Gustave Courbet, il n’est pas daté. En 1995, l’Institut Courbet l’avait identifié comme un faux. Pour mieux faire connaître son travail de coulisses, le musée d’art et d’histoire détaille la restauration de trois oeuvres dont la Cascade dite de Mortain.

Cherubino Pata. Cascade dite de "Mortain". Fonds ancien du musée d'art et d'histoire de Granville

Cherubino Pata. Cascade dite de « Mortain ». Fonds ancien du musée d’art et d’histoire de Granville

Cette oeuvre a été donnée à Granville en 1892 par Louis Boisnard, au décès de son frère Thomas Victor Boisnard, lieutenant de vaisseau granvillais, chevalier de la Légion d’honneur et collectionnaire. En fait, ce don comportait trois tableaux attribués au maître d’Ornans : cette cascade, un paysage, faux lui aussi, et une Vue du lac Leman. Le paysage et la vue du lac Leman demeuraient dans les réserves car à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le musée de Granville avait pris un tournant ethnographique en se recentrant sur le Vieux Granville.

Paysage ayant appartenu Thomas Victor Boisnard. Fonds ancien du musée d'art et d"histoire de Granville

Paysage ayant appartenu Thomas Victor Boisnard. Fonds ancien du musée d’art et d »histoire de Granville

En décidant de faire restaurer la Cascade attribuée à Courbet pour l’exposition temporaire de 2016, Alexandra Jalaber est donc tombée sur une pépite insoupçonnée. La conservatrice contacte le musée d’Orsay et le C2RMF, Centre de recherche et de restauration des musées de France. Bruno Mottin se pique au jeu et cherche à en savoir plus. La Fabrique de patrimoines en Normandie est chargée d’analyser le tableau grâce à l’imagerie scientifique. Radiographie, lumière infrarouge, rayon ultraviolet, tous ces outils permettent d’en savoir plus sur « a « vie » de ce tableau. L’oeuvre bénéficie également d’un allègement de vernis.

La Cascade est finalement attribuée à Cherubino Pata. « Dans son abondante production, Courbet est aidé par le Franc-comtois Marcel Ordinaire et le Tessinois Cherubino Pata qui jouent, de plus, un rôle d’intermédiaires lors de la vente des toiles. Certaines sources laissent entendre que, sur la base de propos qu’aurait tenus Pata, Courbet aurait signé à la fin de sa vie des toiles dont la préparation par ses aides dépassait largement le stade de l’esquisse… » précise Didier Erard dans sa brochure sur les années d’exil du peintre d’Ornans à la Tour-de-Peilz, au bord du lac Leman. Un point de vue partagé par le spécialiste helvétique Pierre Chessex.

Si la représentation de paysage n’a rien d’un tableau de maître, reste la Vue du Lac Leman. Là, Bruno Mottin est formel. C’est bel et bien un Courbet.Le spécialiste a détaillé ses recherches lors d’une conférence, donnée le 1er mars dernier à Granville, sur l’oeuvre de Courbet.

Le tableau, à la touche délicate, mêle dans le même scintillement, les reflets du lac, le ciel et les nuages qui couvrent les sommets. Cette ouverture particulière à la lumière rapproche ici Courbet de la peinture impressionniste.

détaille le musée de Granville. Cette oeuvre tardive est proche de celle retrouvée par Laurence Madeline. L’ancienne conservatrice du musée Rath de Genève avait présenté pour la première fois au public ce splendide et imposant « Panorama des Alpes » lors de l’exposition « Gustave Courbet, les années suisses » en 2015.

Grâce à la générosité d’un donateur anonyme, le Panorama des Alpes entre dans les collections des Musées d’art et d’histoire de Genève. Ce tableau, qui n’a jamais été exposé, n’a été publié que dans le Catalogue raisonné de l’œuvre de Courbet établi par Robert Fernier en 1977. Il est inscrit dans l’inventaire après décès de l’artiste (document inédit), dans la liste des œuvres remises par le Dr. Blondon à Juliette Courbet – héritière du peintre – en 1882 et dans l’inventaire de ses biens en 1915. Le panorama des Alpes porte par ailleurs le sceau en cire de l’atelier Courbet apposé au verso des dernières œuvres de l’artiste que Juliette Courbet, décédée en 1915, avait conservées.

précisait à l’époque le musée suisse.

Gustave Courbet. Panorama des Alpes vers 1876. Musée Rath, Genève.

Gustave Courbet. Panorama des Alpes vers 1876. Musée d’art et d’histoire, Genève.

En Normandie, les recherches pour mieux connaître l’histoire de ce tableau vont se poursuivre. L’oeuvre va être étudiée par la Fabrique de Patrimoine en Normandie. Cette Vue des Alpes sera présentée pour la première fois au public cet été au musée d’art moderne Richard Anacréon de Granville. Un jour, elle traversera peut-être la France pour être accrochée sur les cimaises franc-comtoises du musée d’Ornans.

 

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr

Voici le reportage tourné par mes confrères de France 3 Normandie :


Redécouverte d’un Courbet à Granville