30 Jan

Des agriculteurs transgressent l’interdiction d’épandre sur la neige

Epandage près de Chouzelot. Photo prise par un promeneur le 22 janvier 2017. La Loue est en contrebas précise SOS Loue LRC

Epandage près de Chouzelot. Photo prise par un promeneur le 22 janvier 2017. La Loue est en contrebas précise SOS Loue LRC

Comment est-ce encore possible ? Des agriculteurs du secteur de Chouzelot ainsi que celui situé entre Arc-et-Senans et Cramans (Doubs) ont épandu ces jours-ci leurs effluents d’élevage sur des sols enneigés. Une pratique totalement interdite pour protéger les milieux aquatiques : les plantes n’étant pas là pour absorber les éléments nutritifs dont elles ont besoin, les nitrates vont directement dans la rivière… Les photos ont été diffusées aujourd’hui par la Fédération de pêche du Doubs et le collectif SOS Loue et rivières comtoises. Les défenseurs des milieux aquatiques sont en colère car cette pratique se reproduit généralement chaque hiver.

Les épandages sur sol gelé et enneigés au bord de la Loue continuent comme si de rien n’était. Il est vrai que les coupables ne risquent absolument rien de la justice qui classe en général ces affaires, ou se contente d’un rappel à l’ordre. Les tonnes de lisiers qui ont été épandues ici finiront dans la Loue qui est à moins de 300 mètres, entrainant un colmatage des fonds en pleine période de maturation des œufs de truites, qui mourront sans doute étouffés.
Cette pratique quotidienne, répandue dans tous les bassins versants de nos rivières  se reproduit d’hiver en hiver en toute impunité. C’est de la délinquance pure et simple résultat de la tolérance coupable de la justice envers le monde agricole. C’est également en contradiction totale avec les appels répétés des responsables agricoles, qui il faut le reconnaitre, se mobilisent pour faire cesser ses pratiques, sans avoir beaucoup plus de résultats sur le terrain que les associations ! ( extrait du communiqué de SOS LOUE LRC).

Pour Didier Tourenne, de la Chambre d’agriculture du Doubs, ces photos ont de quoi atteindre son moral. Son quotidien est de conseiller les agriculteurs pour bien gérer les épandages et améliorer sans cesse leurs pratiques. « C’est sûr que c’est rageant mais il faut tout de même relativiser. Il y en a beaucoup moins qu’il y a dix ans ». Oui, mais ces dernières années, les rivières, et la Loue en particulier, ont donné de sérieux signes de faiblesse d’où la mobilisation des défenseurs des milieux aquatiques.

Comment cela est-il encore possible ? Pourquoi ces épandages sont-ils encore si fréquents ? Sont-ils sanctionnés ? J’espère qu’à l’avenir nous ne verrons plus de telles images… On finira bien par y arriver… écrit Gérard Mougin, le président de la fédération de pêche du Doubs aux responsables de l’Etat et des chambres d’agriculture.

Effectivement, ces photos ruinent les efforts de la majorité des agriculteurs, conscients de l’impact de leur activité sur l’environnement. Didier Tourenne rappelle aux agriculteurs qu’il rencontre quotidiennement sur le terrain que, si ils épandent sur la neige, il est fort probable que leur champ finisse en photo sur les réseaux sociaux … Vous pouvez lire ci-dessous la brochure de la  chambre d’agriculture envoyée en décembre dernier à la profession. Les interdictions sont rappelées en rouge et les conseils sont nombreux.

Qui sont ces agriculteurs qui prennent un tel risque ? A chaque fois que Didier Tourenne reçoit des photos de ce genre, le technicien prend contact avec les agriculteurs. « Ce sont souvent des agriculteurs proches de la retraite qui ne veulent pas investir, leur ferme n’étant pas modernisable ». Cette année, Didier Tourenne a été saisi par un agriculteur d’Abbans-Dessus qui a pris les devants. L’exploitant avait sa fosse saturée et les fuites inévitables allaient être plus préjudiciables à l’environnement qu’un épandage sur neige. D’autre part, l’agriculteur est en train de construire une nouvelle fosse. La DDT lui a donc accordé une dérogation pour épandre sur sols enneigés. Les parcelles ont été choisies avec la chambre d’agriculture pour privilégier les sols profonds éloignés des milieux aquatiques. Les prairies naturelles sont également privilégiées.

Mais la chambre n’a pas été contactée par les agriculteurs des secteurs où les photos ont été prises les 22 et 23 janvier de cette année. Il faut dire que pour obtenir cette dérogation, il faut prouver sa bonne foi et son engagement à l’amélioration de ses pratiques, ce qui peut impliquer une mise aux normes généralement coûteuse.

Il faut rappeler que depuis 2014 la réglementation sanitaire est plus contraignante dans le Doubs que dans d’autres départements. Alors qu’il est normalement demandé d’avoir une installation capable de stocker 4 mois d’effluents; dans le Doubs, le nombre de mois de stockage est de 4, 5 ou 6 mois en fonction de l’altitude de l’exploitation. Toutes les exploitations doivent être aux normes d’ici 2020 et 2019 pour celles basées dans le territoire du SAGE Haut-Doubs Haute-Loue.

En 2015, le pourcentage d’animaux dans des bâtiments aux normes 4, 5 ou 6 mois est de 70 % pour le territoire du SAGE Haut-Doubs Haute-Loue et dans le reste du département, cette proportion est de 65 %.

SOS Loue LRC et la fédération de pêche du Doubs ne déposeront pas de plainte, les condamnations étant rares, ils préfèrent diffuser ces photos en espérant que la prise de conscience de la fragilité des milieux aquatiques soit de plus en plus importante. Persuader et dissuader, deux actions qui pourraient être plus efficaces qu’une hypothétique répression.

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius(a)francetv.fr

Les photos transmises à SOS Loue LRC :

 

Les différentes zones d’épandages pour le Doubs :

Le dernier bulletin technique épandage avec les rappels réglementaires sur les conditions d’épandage et en dernière page les échéances pour la mise aux normes des bâtiments d’élevage.