10 Mar

La clémence du conseil départemental du Doubs à l’égard d’un agriculteur pollueur inquiète les associations de défense des rivières

Vaufrey : pollution du Doubs à cause d'un agriculteur

Vaufrey : pollution du Doubs à cause d’un agriculteur

Tout acte est sujet à interprétation et, en politique, il peut avoir une portée symbolique forte. L’ancienne majorité du conseil départementale du Doubs avait décidé de porter plainte à chaque fois qu’il y avait une atteinte à l’environnement et en particulier aux milieux aquatiques. Même démarche à la fédération de pêche du Doubs.

Ce fut le cas en février 2014 lorsqu’un agriculteur de Vaufrey répandit du purin et du lisier dans un champs sur le bassin versant du Doubs. L’affaire est passée devant le tribunal de grande instance de Montbéliard le 19 novembre dernier. Et, surprise de la fédération de pêche du Doubs  et de la CPEPESC, l’association de défense de l’environnement qui avait également porté plainte, le conseil départemental n’était pas représenté.

« Le Département a décidé, non pas de de retirer sa plainte, mais de renoncer à une indemnisation (cela signifie que si nous avions été les seuls plaignants, le procureur aurait pu continuer de poursuivre la procédure engagée contre les agriculteurs) »

précise le conseil départemental du Doubs.

Les associations de pêche et la CPEPESC ayant demandé des indemnisations, le GAEC Aebi a fait appel de la décision en civile du Tribunal le condamnant à des amendes pour une somme totale de 1450 euros, estimant qu’il s’agissait d’un accident et non d’un acte volontaire. L’audience est fixée par la Cour d’appel de Besançon au 12 mai prochain.

Pour le collectif SOS/LRC, cette décision du Conseil départemental du Doubs est incompréhensible. D’après les défenseurs des rivières, « elle n’est pas comprise par le grand public et le monde associatif ».

« Le Collectif SOS/LRC considère que cette attitude vis-à-vis de la ressource en eau est un très mauvais signe donné aux pollueurs de tout acabit mais aussi à l’immense majorité des agriculteurs francs-comtois qui depuis plusieurs années ont entrepris des efforts significatifs pour diminuer leur impact sur la pollution des eaux. »

Même réaction à la CPEPESC qui précise que

« même si la plupart des agriculteurs travaillent bien, ceux qui sont négligents sont souvent des récidivistes d’où l’importance des sanctions. Si il n’y a pas de sanctions, ils ne sont pas incités à changer ».

Dans un courrier adressé à la présidente du conseil départemental du Doubs Christine Bouquin, la fédération de pêche du Doubs s’interroge :

« Nous pensons qu’il s’agit là d’un épiphénomène, néanmoins, la Fédération s’interroge donc sur les motivations d’un tel changement de position : votre engagement à nos côtés est-il remis en cause ?
Y-a-t-il une nouvelle politique départementale en matière de lutte contre les atteintes des milieux aquatiques, patrimoine commun ? »

La réponse du conseil départemental du Doubs est pragmatique :

« Cette renonciation à l’indemnisation était assortie de la condition suivante : que le GAEC se mette en conformité avec le règlement sanitaire départemental (RSD) et qu’il accepte une intervention de la chambre d’agriculture du Doubs et du Territoire de Belfort pour réaliser un diagnostic et améliorer ses pratiques agricoles (travaux de mise en conformité agronomique des ouvrages de stockage des effluents, réalisation d’un plan d’épandage individuel, sensibilisation aux bonne pratiques). L’accompagnement et le suivi de ce GAEC démarrent en mars prochain. »

Joint par téléphone, Samuel Aebi confirme l’action de la chambre d’agriculture et précise qu’il va devoir payé 1500 euros pour l’élaboration de son plan d’épandage. « On essaie de faire au mieux pour que cela se passe bien ».

Est-ce que ce renoncement du conseil départemental du Doubs est le signe d’une nouvelle attitude plus clémente à l’égard des pollueurs ? Le conseil départemental du Doubs assure du contraire :

« Cette décision est tout à fait spécifique et a pris en compte la situation du GAEC situé à la fois en France et en Suisse dont les pratiques sont différentes. Car il est important de préciser que l’exécutif en place a la volonté de poursuivre l’action départementale de protection des rivières comtoises et de combattre toute forme de pollution volontaire portant atteinte à la qualité des eaux dans le Doubs ».

Dont acte. Mais il aurait été possible de demander un euro symbolique de dommages et intérêts en expliquant devant le tribunal et les associations de défense des rivières les exigences d’amélioration des pratiques demandées à l’agriculteur. Un acte symbolique d’autant plus important qu’il était, pour les dossiers des rivières, le premier de la nouvelle majorité départementale depuis son élection.

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr

VOICI LA REPONSE DE L’AGRICULTEUR SAMUEL AEBI : 

Je viens de lire votre article et constate à nouveau
– Premièrement, vous n’avez toujours pas compris qu’il n’est pas interdit d’épandre du lisier ou du purin sur les parcelles agricoles. Si c’était le cas, faites-moi savoir ce que nous devrions en faire! Je vous rappelle au passage qu’il s’agit d’engrais de ferme, produits naturels donc, visant à fertiliser le sol.
– Deuxièmement, vous écrivez que nous avons pollué le Doubs. Avez-vous des preuves?

Les agriculteurs sont soumis à quelques règles bien précises pour épandre (pas d’épandage sur la neige, sur sol gelé en profondeur ou détrempé, où aux abords d’un cours d’eau) qui ont toutes été respectées. Si vous aviez bien voulu vous entendre ce que nous voulions vous dire, et venir vous rendre compte par vous-même des faits, vous auriez pu constater que les conditions d’épandage étaient favorables. Le tuyau s’est percé sur 4à 5 centimètres de longueur (pour une raison restée inconnue malheureusement) et la fuite représentait environ 4-5 m3 de purin qui s’est écoulé dans un champ sans cours d’eau, à au minimum 700m en amont du Doubs! Constatant un problème de débit, la pompe a été arrêtée tout de suite par nos soins. Nous avons dû chercher quelle était la cause du problème. Mais aucun des promeneurs ayant remarqué le problème ne nous l’aurait signalé !

Je ne comprends encore pas aujourd’hui l’absence totale de cohérence et de volonté de communication des personnes ayant découvert les faits, et surtout des médias qui les ont relayés, sans avoir pris aucunement contact avec nous ! Il est tellement aisé de publier des phrases choc et de susciter les émois des lecteurs sans chercher à relayer les faits et versions de toutes les parties prenantes, en surfant sur la vague que suscite la pollution des eaux en ce moment…

Nous prenons très à cœur notre métier, et nous côtoyons la nature 365 jours par an. Nous vivons et nous adaptons à son rythme sans compter nos heures. Cela est vraiment blessant de se voir traiter de pollueurs, pour ne pas dire qu’il s’agit de propos diffamatoires !

De plus, il serait peut-être temps d’avoir une vue plus globale et efficace pour préserver la nature en général et les eaux en particulier, que de placer systématiquement les agriculteurs en boucs émissaires. Qu’en est-il de l’absence de stations d’épuration dans certains villages, des eaux usées déversées dans le Doubs, … Mais cela ne se résout pas d’un claquement de doigts et ne fait pas si bien la une des journaux…

Je souhaiterais aussi vous faire comprendre qu’afin de travailler à un but commun, à savoir préserver la nature et en tirer de bons produits pour le consommateur, il serait judicieux que les agriculteurs aient la possibilité de faire leur travail correctement, et qu’ils ne perdent pas leur temps inutilement à se battre contre des propos erronés ou disproportionnés. Les instances politiques et gouvernementales se doivent de dénoncer les abus, et aussi de faire preuve de bon sens dans leur jugement et l’appréciation des situations. Il serait bon qu’elles gardent une mesure juste, ainsi que les médias. Mais peut-être est-ce illusoire ?

Je me laisse un temps de réflexion pour réagir publiquement à votre article, mais sachez, Madame Brunnarius, que je ne tolérerai pas indéfiniment que l’on distorde la réalité des faits évoqués.

Aebi Samuel