15 Déc

L’avenir des rivières comtoises : quelle volonté politique pour le contrat de territoire ?

Le périmètre du contrat de territoire

Le périmètre du contrat de territoire

L’idée d’un contrat de territoire avait été lancée par un membre du collectif SOS Loue et rivières comtoises lors des Assises de la Loue en 2012. Ce 11 décembre 2014, un grand pas a été fait en ce sens et c’est du concret !

La réunion de la Commission locale de l’eau à Doubs a beau avoir eu des allures de grande messe; les présentations institutionnelles doivent donner suite à des actions sur le terrain. La Commission locale de l’eau, sorte de parlement qui décide des actions à mener pour les milieux aquatiques, vient d’adopter à la majorité son contrat de territoire. Une «feuille de route» pour des actions programmées jusqu’en 2017 avec comme objectif l’amélioration de la qualité des rivières comtoises sur un vaste territoire qui reprend totalement celui du SAGE, le schéma d’aménagement  donnant un cadre réglementaire pour les milieux aquatiques. C’est maintenant aux élus de se saisir de cette opportunité.

Au total, 202 communes sur deux départements sont concernées par ce contrat qui a retenu sept axes de travail dont cinq sont directement issus du groupe scientifique des premières assises de la Loue. Avec un budget de 24 millions d’euros HT avec déjà 16 millions d’euros HT approuvés. Les moyens financiers sont donc là. Denis Rousset, de l’Agence de l’eau a été très clair :

«On vous donne des moyens mais cela ne suffit pas. Si personne ne porte les projets, les efforts seront vains. Notre souhait est d’apporter avec ce contrat de territoire des moyens supplémentaires pour améliorer les actions pour les rivières. Nous sommes dans l’attente de projets et nous serons là pour les financer et accompagner techniquement.»

En clair, c’est aux élus de se mobiliser, ce sont eux les porteurs de projet !


Ce message leur a été directement adressé par l’Agence de l’eau puisque que la Commission Locale de l’eau est composée en partie de maires, de représentants de syndicats mixtes, de conseillers généraux.

Impossible de détailler ici les vingt actions prioritaires qui seront pilotées par l’EPTB. L’Etablissement Public Territorial du Bassin Saône Doubs les a publié  sur son site. Voici déjà les 7 axes prioritaires définis en fonction des recommandations du groupe scientifique des Assises de la Loue. Ces actions seront affinées selon les résultats des recherches scientifiques qui devraient être présentées au printemps prochain.

Voici les sept axes de travail du contrat de territoire :

Axe I. Limiter les apports en nutriments (en particulier azote et phosphore) à la rivière

Axe II. Redonner de la liberté à la rivière, engager des actions de restauration de la morphologie

Axe III. Examiner les conséquences des pratiques halieutiques

Axe IV. Mettre en oeuvre des missions d’information, d’éducation et de respect de la Loi pour continuer à améliorer/modifier certaines pratiques ayant cours dans le bassin

Axe V. Agir à la source sur les micropolluants, après avoir ciblé les secteurs et les substances présentant les plus grands risques

Axe VI. (Hors recommandations opérationnelles des experts relatives à la Loue) Améliorer la gestion quantitative

Axe VII. Gouvernance et connaissance

Toutes ces intentions sont louables, logiques et même pour la plupart financées, ce contrat de territoire va-t-il pouvoir être réellement efficace ?

Malgré l’enjeu important d’amélioration de la qualité des eaux ( en particulier pour répondre aux objectifs européens de la DCE, directive cadre sur l’eau,  fixés pour 2015), certaines réticences sont encore manifestes.

Utilisation des pesticides, micropolluants dans les sédiments, traitement du bois en forêt, mobilisation pour conserver les barrages… Ces dossiers montrent que des blocages persistent.

Les actions envers les industriels, en particulier ceux du pays horloger, semblent avoir du mal à se mettre en place faute, pour l’instant, de porteur de projet. Le Doubs franco-suisse et le Dessoubre souffrent d’une trop grande concentration de métaux lourds dans leurs sédiments. Même si la situation s’améliore, les seuils sont encore dépassés. Il y a bien en ce moment une opération pilote conduite par la CCI du Doubs mais l’Agence de l’eau voudrait mettre en place une opération collective sur tout le pays horloger, y compris le nord de ce secteur qui ne fait pas partie du périmètre du SAGE. Ce genre d’opération a déjà été conduite avec le parc naturel régional du Haut Jura et la communauté de communes du Larmont. 

Prenons l’exemple de la réduction de l’usage des pesticides . En 2013-2014, aucune commune n’a sollicité l’agence de l’eau pour une aide financière afin de changer ses pratiques. Et pourtant, les aides de l’agence de l’eau peuvent aller jusqu’à 80% des sommes engagées. L’agence soutient fortement ce programme car en 2020, villes et villages ne pourront plus utiliser de pesticides. C’est la loi ! 
Pour le contrat de territoire, 

«l’objectif est que 25 communes lancent une démarche de réduction sur la période 2015-2017, précise Pauline Lepeule, chargée de mission pour ce contrat de territoire.  Sur environ 200 communes du bassin versant, 130 sont potentiellement concernées c’est-à-dire qu’elles ne sont pas passées par une démarche de réduction – potentiellement, parmi elles certaines n’utilisent déjà aucun pesticide – l’objectif de 25 correspond également à la capacité en terme de personnels.»

Plus facile pour des villes comme Pontarlier ou Besançon de ne plus utiliser de pesticides, plus compliqué pour un maire d’une petite commune qui devra répondre directement aux habitants mécontents. Il s’agit bien là d’un changement de cap, de priorités. Quatre journées d’informations sont prévues dans le contrat de territoire pour «sensibiliser les publics aux enjeux liés à l’eau».

Autre secteur où préfet, conseil général et défenseurs de l’environnement voudraient voir des résultats : la filière bois. C’est la seule «fiche» du contrat de territoire qui n’ait pas pu aboutir.. Dans ce cas, il ne s’agit pas de mobiliser des élus mais des professionnels.

Le contrat prévoit d’ «améliorer la connaissance et la gestion des toxiques et des pratiques des activités bois.» En fait, les produits utilisés pour protéger les grumes des attaques d’insectes sont très nocifs pour les rivières surtout en milieu karstique où le sol ne filtre presque rien. Contacté par téléphone, la profession représentée par L’ADIB et la chambre d’agriculture se défend de ne rien faire. «Le traitement est déjà très encadré, des actions ont été déjà mises en place entre 2001 et 2011 », «la démarche Ecophyto est entrain de se mettre en place».  Action, inaction ? Le plus judicieux serait d’obtenir rapidement les résultats d’une étude scientifique sur le sujet, véritable «juge de paix».

La continuité écologique n’est pas non plus acquise sans remous.. Souvenez-vous. Le syndicat mixte de la Loue souhaite modifier le barrage de Renne sur Loue pour améliorer le fonctionnement de la Loue mais une association de riverains s’y oppose. Le dossier est sur le bureau du préfet.

Grains de sable, enlisements des dossiers… La santé des rivières a beau être une obligation réglementaire, il va falloir beaucoup d’énergie pour que les ambitions de ce contrat de territoire se réalisent d’ici 2016.

Isabelle Brunnnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr

VOS REACTIONS :

 « Ce contrat de territoire Haut-Doubs Haute Loue aura un coût total estimé à 24 393 000 euros/HT dont le financement est connu (agence de l’eau ,aides FEADER , conseil régional ,conseil général , collectivités locales ) .Les contours de son schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE)sont délimités et excluent, malheureusement ,le bassin versant du DESSOUBRE .
D’ou viendront les aides publiques pour sauver ce qui peut encore l’être sur ce bassin ?
Au bord de l’eau , le constat est alarmant : sur les frayères de  truites   , la mortalité par saprolégnose est présente précocement ,cet automne, dans LE DESSOUBRE et LE DOUBS FRANCO SUISSE  . Les actes d’atteinte à l’environnement persistent sur le HAUT- DESSOUBRE .
la SANTE PUBLIQUE est de plus en plus menacée … »
Frédéric Solmon , un pêcheur militant et révolté .