07 Jan

Une association pour défendre le barrage de Rennes-sur-Loue

Le barrage de Rennes sur Loue

Le barrage de Rennes sur Loue

C’est un dilemme. Comment préserver le patrimoine tout en restituant la continuité écologique des rivières ? L’exemple de Rennes-sur-Loue est éloquent à cet égard. A la fin de l’année 2013, l’association ADELOUE vient de se créer à Rennes sur Loue pour défendre son patrimoine et en particulier son barrage. Une retenue d’eau qui fait la fierté des habitants mais pas les affaires des poissons…

La loi sur l’eau, votée en 2006  découle directement de la directive cadre européenne sur l’eau. Elle impose le bon état des eaux pour 2015. C’est pourquoi la restauration  du fonctionnement naturel des cours d’eau est une priorité de l’Agence de l’eau. Actuellement, deux tiers des cours d’eau du bassin Rhône-Méditerranée n’atteignent pas le bon état écologique du fait des aménagements réalisés. C’est le cas de la Loue. Une cinquantaine de barrages ont été recensés entre sa source et Rennes sur Loue.

Lors des Assises de la Loue, en octobre 2012, il était déjà question du dérasement ( arasement partiel) ou de la destruction de ce barrage. Au cours du débat sur les « leviers d’action pour l’amélioration de l’état de la Loue », un des adjoints au maire de Rennes-sur-Loue rappelait que « Le conseil municipal avait fait des délibérations depuis des mois pour s’y opposer et il est en plus dans un plan d’eau classé et dans un site classé. » En fait, ce projet remonte à la crise de la Loue. C’est une des premières propositions d’actions pour améliorer la circulation des poissons et des sédiments. Au cours des Assises,  Maurice Demesmay, président du syndicat mixte de la Loue, rappelait que le barrage appartenait au syndicat mixte. Il détaillait surtout les raisons de cette volonté de modifier cette structure :

« Les intervenants précédents ont montré dans leur exposé qu’il était indispensable de redonner vie à cette rivière, la Loue. On doit lui redonner de la vitesse, lutter contre le réchauffement etc. Donc, il est absolument indispensable que certains barrages soient aménagés. Il existe plusieurs manières d’aménager un barrage, on a parlé d’écrêtement, d’arasement. De toute manière, les études de faisabilité (..) sont en cours ; c’est effectivement très important pour l’environnement de voir à quoi on peut aboutir. »

Plus d’un an plus tard, Où en est-on ? Le dossier traîne, une réunion publique a bien eu lieu en mai 2013 et les opposants à ce projet se sont regroupés dans l’association ADELOUE.

ADELOUE affiche clairement ses objectifs dans ses statuts :

« L’association ADELOUE a pour objet d’assurer la préservation de l’environnement sur le territoire de la commune de RENNES-SUR-LOUE et des communes situées à proximité de la LOUE, notamment en luttant contre toute décision administrative qui serait susceptible de porter atteinte au patrimoine historique, architectural et paysager ou à la protection de la faune et de la flore. »

Dans ces conditions, comment « préserver l’environnement »  en conciliant les intérêts et des autres tout en respectant la loi ?

BATAILLE D’ARGUMENTS

Le barrage de Renne-sur-Loue fait partie du patrimoine du village depuis le Moyen-Âge. « La création de moulins est mentionné en 1319 » précise ADELOUE, présidée par le propriétaire du château de Rennes-sur-Loue, Bertrand de Guillebon. L’atout touristique de ce village est également mis en avant  « Nos investissements privés et publics liés au tourisme (campings, gîtes, chambres d’hôtes, circuits pédestres, etc…) risqueront la faillite par la disparition de notre patrimoine » clame l’association de défense.

L'effet miroir à Rennes sur Loue

L’effet miroir à Rennes sur Loue

L’effet miroir créé par les deux seuils du barrage sont appréciés aussi bien par les riverains que les touristes. C’est pourquoi ce secteur est un site inscrit au titre de la protection des paysages tout comme la vallée de la Loue entre Mouthier et Quingey. Le barrage est également dans le périmètre classé du château. Mais, la qualité de l’eau de la rivière est également un atout pour attirer les touristes. Autre incompréhension de ces habitants de Rennes-sur-Loue : pourquoi commencer par araser ce barrage alors que les problèmes de pollution (Stations d’épuration, épandage) ne sont pas réglés ?

D’après le président du syndicat mixte de la Loue, Maurice Demesmay, ces travaux ont de vrais effets positifs sur la rivière, de nombreux exemples en France le prouvent. Ils sont régulièrement mis en avant par l’Agence de l’Eau qui cofinance des travaux pour rétablir la continuité écologique. Un aménagement de passe à poissons est possible et une diminution de la hauteur du seuil plutôt qu’une destruction complète est aussi envisageable. Tout est une question de budget et de choix. Le syndicat mixte a plus d’une raison pour avoir choisi d’aménager le site de Rennes-sur-Loue plutôt que d’autres. Il est propriétaire de ce barrage, il n’y plus d’usages hydrauliques et le potentiel en hydroélectricité est faible. Enfin, par rapport à d’autres endroits, les enjeux sur les infrastructures sont moindres même si elles existent. Le propriétaire du château s’inquiète des conséquences de la suppression du barrage sur les fondations de sa propriété. Des sondages géotechniques vont permettre de calculer les effets de la baisse de la niveau de l’eau. Dernier argument, des Aprons ont été recensés dans le secteur. Un  petit poisson protégé qu’il faut préserver. 

 Toutes ces raisons ne parviennent pas à convaincre les membres de l’association et les élus du conseil municipal (Le maire de Rennes-sur-Loue Thierry Maire-du-Poset soutient ADELOUE ). Pour parvenir à un accord,  la solution passe sans doute par le temps de la négociation. Les arguments des uns et des autres étant recevables. Faire les bons choix, une responsabilité politique qui explique parfois les prises de décisions tardives. Quoiqu’il en soit, les travaux devront avoir lieu. Selon l’arrêté pris récemment, le site fait partie de ceux qui doivent être aménagés par leur propriétaire. C’est une obligation. Légalement, le syndicat mixte n’a pas besoin de demander l’autorisation de la municipalité. Il y aura de toute façon une enquête publique dans le cadre de la loi sur l’eau. Une procédure utile pour mesurer le poids des oppositions au projet.

 

Isabelle Brunnarius
isabelle.brunnarius@francetv.fr