12 Déc

La Loue vue par Roland Gaudillière et Jean-Paul Pequegnot : un texte visionnaire

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Souvent, les idées d’articles viennent grâce à des rencontres… En tournant le reportage sur l’exposition « Une vie de peintre Roland Gaudillière (1931-1998) à la ferme de Flagey, j’ai pu rencontrer le fils et l’épouse du peintre franc-comtois. Une belle rencontre pour mieux appréhender cette exposition. Je ne résiste pas longtemps et leur parle de mon intérêt pour la vallée de la Loue. Renaud Gaudillière me confie alors que son père a illustré un livre de pêche à la mouche écrit par Jean-Paul Pequegnot… C’est le début d’une belle découverte !

Je trouve cet ouvrage à la bibliothèque universitaire de Besançon. Impossible de l’emprunter, je comprendrais plus tard pourquoi. Faute de temps, je ne peux pas le lire en entier mais ce que je parcours me fascine. Qui est le docteur Pequegnot ? Un talentueux pêcheur à la mouche amoureux inconditionnel de la Loue qui a arpenté ses rives pendant vingt ans avant d’écrire ce livre en 1981 :

« Je n’échangerais la Loue contre aucune d’entre elles ( les autres rivières françaises et européennes). La Loue est la reine. Elle est physiquement la plus belle, elle contient beaucoup de superbes poissons sauvages, truites et ombres, et , surtout, elle est de loin la plus riche en insectes aquatiques. Aussi est-elle la plus passionnante à pêcher à la mouche ».

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Tout l’ouvrage est consacré à la Loue, Le médecin de profession s’est appuyé sur les travaux de Jean Verneaux, professeur de l »université de Franche-Comté, dont les études sont particulièrement précieuses aujourd’hui. Roland Gaudillière était lui aussi pêcheur à la mouche, ses illustrations le prouvent !

LES COUPS DU SOIR

Le plus succulent est de lire les récits de pêche.. L’un d’entre eux m’a captivé. L’auteur rappelle que la « situation orientale de la Franche-Comté permet de pêcher réglementairement de nuit pendant au moins dix minutes ». Quelques instants qui doivent être incroyables à vivre …

« On ferre évidemment au son. Il y faut une certaine habitude et j’ai beaucoup d’amis qui détestent cette pêche, mais je la trouve excitante. Elle nécessite surtout l’aptitude à surmonter l’anxiété qui saisit toujours l’homme seul dans la nature au moment de la tombée de la nuit »

L’auteur de ce précieux ouvrage décrit dans le détail les « trois » Loue : la haute, la moyenne et la basse. Un chapitre est même consacré aux « pêches publiques et pêches privés », une particularité de la rivière.  Jean-Paul Pequegnot tire à boulet rouge sur ces pêcheurs qui n’hésitent pas à prélever des poissons sans se soucier de la « bonne gestion ».

« Je ne vois pas d’autre principe de gestion que de ne pas abuser de cette générosité et d’imposer à tous des restrictions nettement plus sévères que celles qui sont actuellement en vigueur. Ce n’est pas du tout anti-démocratique de sélectionner les pêcheurs pour leur aptitude à se contrôler et à respecter un réglement conservateur. C’est beaucoup plus juste qu’une sélection par l’argent »

UNE CONCLUSION VISIONNAIRE

 Visionnaire, le pêcheur à la mouche l’est également lorsqu’il écrit son dernier chapitre « La Loue demain ». L’auteur tire la sonnette d’alarme en dénonçant les pollutions qui affaiblissent la Loue, il parle même de l’intérêt de mettre sur pied d’une association de défense de la Loue et poursuit avec cette proposition qui a tout son intérêt aujourd’hui :

« Une mesure plus efficace consisterait à faire classer la Loue modèle à l’échelon européen, ce classement s’accompagnant d’un plan unique de gestion rationnelle de la source au confluent avec le Doubs.
Malheureusement, les autorités responsables, assaillies par les responsabilités économiques ou politiques immédiates ne sont pas enclines à s’extasier devant la beauté d’une rivière et à considérer l’immense richesse que, sur le plan de la joie de vivre, elle constitue pour beaucoup d’hommes. Elles ont encore bien moins la volonté d’arbitrer les dissensions entre pêcheurs.
Les gens lucides sont sans illusion. La Loue n’est plus ce qu’elle était. Que sera-t-elle dans dix, dans vingt ans ? Aux plus vieux, restera les souvenirs d’une splendeur passée. Mais les jeunes, que connaîtront-ils ? A très long terme, je suis pourtant optimiste. Dans cent ans, les excès et les mauvais choix de notre civilisation seront peut-être eux-mêmes oubliés. Et la Loue coulera toujours ».

Plus de trente ans ont passé, SOS Loue et rivières comtoises a vu le jour, un label est entrain d’être mis en place mais il est réservé aux rivières sauvages comme la Valsérine. En Franche-Comté, un contrat de territoire devrait mieux prendre en compte l’ensemble du parcours de la Loue… Des indices qui mesurent un début de prise de conscience. La Loue et les autres rivières seront peut-être sauvées comme l’espérait Jean-Paul Pequegnot.

Isabelle Brunnarius
Isabelle.brunnarius@francetv.fr

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Vous pouvez vous procurer cet ouvrage, il est disponible sur internet.. Mais son prix est élevé. Le prix des exemplaires que j’ai trouvés est d’environ 300 euros… Il vous reste la Bibliothèque d’études, rue de la Bibliothèque à Besançon ! Sa rareté et son prix expliquent que nous ne pouvons pas emprunter cet ouvrage.

Voici le reportage tourné le jour du vernissage de l’exposition « Roland Gaudillière » à la ferme de Flagey visible jusqu’au 31 janvier prochain.

Et si voulez voir les archives qui sont utilisées dans ce reportage, elles sont publiées sur cette page de l’article du site de France 3 FC