13 Mai

Le jour où Zinzin Reporter s’est pris pour Icare !

3ème édition dimanche de la Course du Viaduc de Millau

1. Entre ciel et terre ce dimanche

15000 concurents au départ ce dimanche de la Course du Viaduc de Millau.

Toutes les informations sur www.course-eiffage-viaducdemillau.org

2. Le reportage sur la 2ème édition en mai 2012

3. Le compte rendu de la première édition par Zinzin Reporter en 2007.

Course du Viaduc de Millau 13 mai 2007

 Le jour où je me suis pris pour Icare

Je me souviendrai toute ma vie de cette seconde inoubliable, celle où je suis devenu Icare. Là-haut, sur le Viaduc de Millau, entre ciel et terre, j’ai volé dans ma tête. Mon esprit a littéralement quitté mon corps. Il était à peu près 9h55 ,vent dans le dos. Oui, j’ai volé comme un oiseau. J’étais en lévitation. Courant à en perdre haleine et la raison, j’ai alors mis mes bras à l’horizontale comme si je déployais des ailes. Puis, j’ai  rentré la tête dans les épaules et pendant quelques mètres, je me suis pris pour un vautour des gorges du Tarn.  » Quand je t’ai vu faire l’avion, je me suis dit, Denis, cette fois, il est complêtement barré. En plus tu criais je ne sais pas quoi, le regard perdu. C’était incroyable de te voir comme ça. » me dira plus tard un copain du club de Vergèze croisé là au milieu du Viaduc. Lui était encore dans la partie montante, le vent de face, de l’autre côté de la chaussée entouré de milliers de concurrents. J’avais amorcé le retour depuis un bon km, euphorique. Il y avait à ce moment là , une telle force, une telle communion entre ceux qui montaient et ceux qui descendaient le viaduc…Le résultat a été magique. Quelques jours plus tard,  ma poitrine se gonfle toujours, prête à décoller, j’en ressens encore les effets, physiquement. Je n’ai toujours pas attérri. L’émotion a été à la hauteur de cette course unique. 

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 En première ligne

 « Tu le crois ça ! Nous sommes  vraiment vernis. Je ne réalise même pas. On est carrément en première ligne de la course du Viaduc de Millau» me dit une heure plus tôt en rigolant Ludovic, mon pote marathonien de l’éveil Mendois.

« Pfut. Ouais. C’est dingue ce qui nous arrive. On a toujours de ces plans nous. Non, mais, t’imagines ? Il y a 10500 personnes derrière nous. Et regardes, juste derrière toi, c’est David Ramard, le meilleur marathonien français l’an dernier ( record à 2h10.) Fais attention de ne pas te faire renverser au départ  ! »

Avec Ludo, journaliste au Midi Libre, nous sommes des privilégiés. C’est comme ça. On a du bol. Nous voici aux avant-postes d’une course déjà mythique alors même qu’elle n’a pas encore débutée. C’est la course du viaduc de Millau 1ère et dernière édition. 23km550 de long, 390 mètres de dénivelé. Les inscriptions sont closes depuis mi-décembre. Tous les départements français sont représentés ( hormis le territoire de Belfort !) et nous sommes en première ligne…

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Je vois quelques copains journalistes qui sont là eux; les pauvres, pour suer et travailler. Ils sont surpris de me voir en si belle compagnie comme Fred Guibal, cameraman à France 2 :  » T’es là toi ? Et tu pars devant ? T’as pas honte ? » Plus loin, voilà l’équipe de France 3 Sud Millau. Des fans en puissance. Bisous et interview dans la foulée.

« Denis, tu me feras un coucou au départ. C’est pour la photo » me demande ensuite Mathilde, ma consœur adorable de France 3 . Ca la fait bien marrer de me voir habillé en coureur à pied. Avec mes poils et mes gambettes de gringalet, c’est sur, je ne postule pas pour le titre de Monsieur Univers.

 8h59, le départ est imminent. Le maire de Millau et ex- ministre Jacques Godfrain arme son fusil de chasse. J’espère qu’il n’est pas trop maladroit. Feu.

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 Sur toutes les télés

 C’était écrit vu la position sur la ligne, départ à fond sur les 100 premiers mètres. Je lève les mains à gauche pour faire plaisir à Mathilde. Sans m’en douter, l’image est filmée par tous les cameramen et fait le tour de France. Avec du recul, je suis franchement ridicule. On dirait un diable sorti de sa boite avec des petites jambes et une grosse tête. D’entrée, 2 gars du club de Vergèze se portent en tête pour être sur les photos et dire plus tard à leurs petits enfants : » Tu sais, gamin, quand pépé était jeune, il a été premier d’une course de 10500 coureurs. » C’est carrément dément quand on y pense. Philippe, un grand sec tout en longueur va tenir 400 mètres avant d’exploser ! L’autre se prénomme Jérôme, un amateur du tout ou rien, ça passe ou ça casse. Il mène le train 1 km avant de mettre le clignotant suite à une surchauffe générale du moteur. Ils sont marrant les copains. Du coup, tout le monde est parti au max. Le futur vainqueur, un Kenyan engagé dans la légion me double après 600 mètres. Comme les autres, je ne suis pas raisonnable. Premier km avalé en 3’25 » puis les 5 suivants en 3.40. Ce n’est pas sérieux même si la première partie, rive droite du Tarn est en léger faux-plat descendant. Devant moi, il y a maintenant, Jean-Marie, le meilleur vétéran de Vergèze. Un petit chauve plein de nerf. Une bête de sport. Un intouchable pour un amateur de mon acabit. Ce sera l’un de mes repères pratiquement toute la course.

Pour l’instant, je suis derrière lui avec mon ami Ludovic, 29 ans. Ce dernier me donne le rythme. Il en a sous la semelle le gaillard. Il est de plus en plus costaud le Mendois d’adoption. Le train d’enfer ne semble pas le gêner. « Trabuch » garde les idées claires alors que je fleurte déjà avec la zone dangereuse.  » Eh, Denis. Relève la tête «  me conseille t-il.

Il a raison de me botter les fesses. Au détour d’un virage, je vois 300 mètres au dessus de nous, le tablier du viaduc de Millau :

 » Ben, mon gars, on est pas arrivé » rajoute-il .

Au 6ème km commencent les choses sérieuses : voici la piste nord tant redoutée, utilisée par les engins lors de la construction. C’est une petite route de montagne en lacet qui serpente au dessous de l’ouvrage. Dès l’entame, la pente est sérieuse  mais sans à-coups. Ce n’est pas une difficulté insurmontable à condition d’en garder sous la semelle.

« Pfft, Pfft. Ludo, vas-y ! pfft. Ne m’attends pas, tu as l’air bien mieux que moi. Je ne veux pas me mettre dans le rouge Pfft, Pfft ». Mon collègue me regarde. J’ai l’impression d’être dans une étape du Tour de France. Il jauge mes capacités, se retourne plusieurs fois sans parler mais avec un regard interrogateur genre  » ça va ou quoi ? ». A voir ma tête toute rouge, il décide à mi-pente de prendre quelques longueurs d’avance. Je m’accroche sans puiser dans mes réserves. Il reste encore 16 km de course. Je crains d’être rattrapé par la meute de poursuivants mais même pas. Tout le monde met le frein à main.

A flanc de colline, nous montons sur le causse en passant plusieurs fois sous le tablier. Je jette un coup d’oeil au dessus. Le viaduc paraît toujours aussi haut. Je regarde la route au dessous et le spectacle est aussi saisissant. Des milliers de concurrents sur plusieurs niveaux. On dirait un cortège de chenilles processionnaires.

Je crache. J’ai la gorge sèche. Il fait soif dans le coin et toujours rien à boire. C’est une volonté des organisateurs. Pas de marquage au sol, seulement 3 ravitaillements. C’est comme dans un trail en pleine nature. D’ailleurs, sur le site internet de la course, ils conseillaient aux concurrents d’être autonomes et de prendre à boire. Bien fait!

 J’y suis

 Après 3 km de montée et 240 mètres de dénivelé, la route s’élargit enfin au niveau de l’aire d’autoroute pour le premier ravitaillement. J’attrape à la volée une bouteille et 2 gels. Il y a du vent dans le coin. Je me dis  » Zut, on va attaquer le viaduc par la face nord avec le vent en pleine poire « . Ludo est maintenant 30 mètres devant. La course est limpide et devient subitement magique. Face à nous, le Viaduc de Millau, immense et ses 7 pilônes d’acier dont le plus haut culmine à 343 mètres au dessus du Tarn. C’est comme un mirage dans le désert. La lumière est blafarde, la visibilité moyenne mais la vision reste majestueuse. On prend la voie de droite direction Montpellier. Dans ce sens, même si on ne le sent pas en voiture, ça monte vraiment sur 2,5km. La pente est de 3%. Dit comme ça, cela n’a l’air de rien  mais avec ce zef de Sud Est dans le pif, l’effort est violent. Sur la chaussée de gauche, il y a un boudin gonflable qui marque la fin du viaduc au retour. Les rafales sont tellement fortes que l »ensemble manque de s’envoler. A cet instant, on s’en moque comme de notre première chaussure de running.

  » Houa, c’est génial » me dit un compagnon de course anonyme.

 » Oui, je lui répond, c’est vraiment le moment qu’on attendait tous depuis des mois. C’est pour ça que l’on est venu de si loin. J’en ai la chair de poule. On a de la chance d’être là Pfft,Pfft »

Je crie alors de toutes mes forces au groupe qui nous précède :

 » Eh Ludo, t’as vu le panneau. Vitesse limitée 110 km/h« .

 » Pourquoi tu dis ça  » me demande l’inconnu.

 » Parce que mon copain lozèrien là-bas, il a l’habitude de rouler sur le viaduc à 160 km/h. Il y passe toutes les semaines « .

Bon, il faut se remettre à courir sérieusement. Je suis maintenant dans un groupe de 4 coureurs, tous concentrés. On se relaie pour se protéger du vent. Je regarde sur la droite puis à gauche. Je suis bien trop petit pour voir le paysage. Les barrières anti-vent en plexiglas gênent notre vision et puis, ordre de l’organisation, nous ne pouvons courir sur la bande d’arrêt d’urgence le long du vide.

Je m’attends en revanche à voir plus distinctement, Mathilde, ma copine journaliste. Elle est montée sur le tablier dans un bus réservé à tous les confrères qui suivent l’épreuve. Au milieu du pont, je tombe d’abord sur Régis, le cameraman qui filme au raz du sol :

 » oh,oh,  bonjour à Mathilde ! » je gueule à la caméra.  Plus con que ça tu meurs ! Quant tu filmes, il n’y a rien de plus énervant qu’une personne qui prend à partie le journaliste de la chaîne. t’es certain ensuite que le plan est ensuite jeté à la poubelle, inutilisable. Régis me regarde alors, incrédule. Je m’excuse pour tout. Plus loin, je croise Mathilde et son appareil photo. Sympa, elle m’attend  » Bravo Denis. C’est bien, t’es dans les premiers« . Elle a l’air agréablement surprise. Moi aussi. J’espère bien l’épater. Mathilde vise du mieux qu’elle peut pour faire une photo. Je prend la pose du mec pas fatigué du tout. Sans me rendre compte, je cours maintenant plus vite et je suis revenu sur les 2 gars qui me précède, maillots rouge, 2 coureurs des « Furets d’Eiffage », le groupe de BTP exploitant l’oeuvre de Norman Foster. Plus tard, dans un reportage télé, un salarié d’Eiffage dira avoir été surpris par le calme régnant sur le viaduc. C’est vrai. On l’a zappé, le temps de la course, mais des milliers de voitures empruntent chaque jour le viaduc de Millau.

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Je vole

 Nous arrivons à la moitié de l’ouvrage long de 2km450. De l’autre côté des glissières, dans le sens Montpellier-Paris, on aperçoit déjà la voiture chronométrique qui retourne vers Millau. Elle annonce l’arrivée imminente des leaders. Je ne pensais pas être si près de la tête de course. Pour la première fois de ma vie, je vais croiser  les cadors.  » Je vais essayer de compter ma place au général « . Les 2 premiers déboulent, 2 Kenyans engagés dans la légion étrangère. Ils semblent avoir chaussé les bottes de 7 lieues tant leurs foulées sont fluides et aériennes. C’est beau. Clic-Clac, je photographie l’image intérieurement  .

 » Plus qu’un km et on fait nous aussi demi-tour  » me glisse l’un des « furets » qui connaît bien le coin. Donc, on a 2 km de retard sur la tête de course soit en gros 8 minutes. Puis je compte les concurrents : 1,2,3,4 etc avant d’arrêter vers la cinquantaine.

A 100 mètres du changement de direction, je vois aussi de la compagnie de l’autre côté :

 » Et oh, Ludo, ça va. Jean-Marie, c’est moi, Jean-Marie ». Les 2 me regardent sans répondre. Ils doivent calculer leur avance sur moi. Attention les mecs, je suis tout proche et en pleine forme.

Après 12,7km de course, à notre tour de prendre la rampe de lancement vers le retour. Le 1/2 tour se fait par une glissière de sécurité démontée pour l’occasion. A partir de là, c’est le bonheur total. On ne sent plus les jambes. On déroule comme des cabris. Ca donne un gros moral et surtout on peut regarder la concurrence, yeux dans les yeux. Je reconnais les copains du club. David, Olivier puis Alain. D’habitude, je ne vois que le dos de ces bons coureurs. Ca me donne un bon coup de fouet. C’est sur, ils vont tous me reprendre dans la descente. Plus loin, il y a Philippe, Pascal, Bernard.

J’en profite souvent pour balancer une vanne ou un encouragement.  » Dépêchez vous de monter, vous verrez comme c’est bon le vent dans le dos« ,  » Bravo à tous« . Je suis en train de devenir complêtement euphorique. A cette altitude, 270 mètres au dessus du Tarn, j’ai du avaler trop d’air. J’entends aussi les amis en contrechamp  » Allez Denis, Allez France3″.  Au niveau des photographes officiels, je prends naturellement la pose de l’aigle en position piqué. Je vole au dessus de la chaussée. On doit courir à 17 km/h.

En face, les concurrents sont de plus en plus nombreux mais je distingue encore facilement le maillot bleu azur du club de Vergèze. Il y a aussi Corinne, l’institutrice de ma fille. Au moment où je la cherche dans la foule, la voilà  » Eh, Corinne, c’est moi« . Elle me sourit. « Denis, Denis » Elle semble contente de me voir. Plus loin, je croise Julien son mari puis tant d’autres. Cette partie de la course est formidable. Et il y a toujours plus de coureurs. c’est affolant. Là où nous, nous courons à 10 dans la même minute, eux, ils évoluent dans des paquets compacts de 100, 200, 300 concurrents. En arrivant vers la fin du viaduc, le cortège devient incroyable. On dirait un énorme serpent qui semble monter de la vallée. Tous ces joggers ne font qu’un. On dirait un bouchon sur l’autoroute le jour de grands chassés-croisés.

Derrière moi, il y a aussi un Serge apparemment très populaire dans le milieu. « Allez Serge, allez« . C’est un V2 des « Furets d’Eiffage ». Il me prend alors 5 mètres d’avance. Je lui balance : » Eh, Serge, tu peux m’attendre quand même ! ». Sans rire, il me rétorque  » Non! Tu parles trop « .

Fin de la récréation. Le Serge me remet dans le droit chemin. J’ai du en énerver plus d’un avec mes conneries. C’est mon côté italien à toujours gesticuler dans tous les sens. A la sortie du viaduc, je suis de nouveau dans la compétition. Où sont mes copains? Ils ne m’ont toujours pas repris?

COURSE DU VIADUC DE MILLAU - Photo VO2 MAGAZINE

 Mauvais pour les tendons

 Nous retrouvons l’aire d’autoroute pour un 2ème ravitaillement. Je prends un gel malheureusement …en pleine figure. J’ai serré trop fort sur l’enveloppe et le contenu s’est éclaté sur mon visage et le bras droit. C’est marron, tout gluant et pas marrant. La bouteille que je devais boire me sert à me rincer.

Je me fait alors doubler par David, un solide triathlète de mon club.

« Pfft, pfft,  j’arrivais pas te rattrapper, m’avoue t-il  T’es allé vite dans la descente sur la viaduc. J’ai attaqué trop tard. Il est loin devant Jean-Marie ?« . Les 2 coureurs se tirent généralement et amicalement la bourre dans les petites courses du Gard.

 » Non, je lui réponds, il est juste devant à 300 mètres, pas plus. Tu peux le reprendre. Il reste encore 7 km de descente. » Et il me dépose. Je reverrais d’ailleurs Jean-Marie en contrebas dans un virage, pas si loin. c’est donc possible de le reprendre.

25 minutes plus tard, les deux finiront main dans la main à l’arrivée. Jean-Marie a signé l’armistice avant le final.

 » David, tu veux faire le sprint ou pas« 

« Non, on finit ensemble ». 63ème et 64ème en 1h37’52 » ! Sur 10500, c’est beau !

Je suis content de sortir du viaduc. J’avais peur qu’il s’écroule avec tous ses coureurs. D’ailleurs, derrière, les amis qui s’arrêtent pour prendre des photos nous le dirons:  » C’était incroyable de ressentir les vibrations des pieds qui tapent en cadence »

Sur le Causse, avec ce vent,  il commence à faire froid. Dans un virage, avant d’entamer le retour sur Millau, un groupe de spectateurs semble frigorifier derrière une barrière. Mon  » Bravo à tous les supporters courageux  » soulève l’enthousiasme général et rechauffe tout le monde.

La descente n’est pas technique mais cassante pour les tendons. La petite route magnifique qui surplombe Millau à un gros pourcentage négatif. Les talons s’écrasent sur le goudron. Les muscles vont en prendre un coup. Je me sens toujours aussi gaillard mais j’ai hâte d’arriver maintenant. Il n’y a plus grand monde autour de moi.

Au dernier ravitaillement, j’attrape au vol une bouteille d’eau et je bois de travers. Je tousse devant tout le monde. J’entends distinctement un mec qui rigole : «  et bien dis donc, il n’a pas l’air en forme celui-là « .

Pas du tout, ça va très bien. C’est la course parfaite. Plus loin, un spectateur fait le décompte à haute voix :  » 79 ème, 80ème » Quoi ? Je suis dans les 80 premiers de la course. J’en ai presque le vertige. Plus tard, au téléphone, mon petit frère marathonien qui ne s’étonne jamais de mes performances( il est meilleur que moi) aura vite fait de me rabajoiter :

 » Y-avait-il des primes à gagner dans cette course ? » me demande t-il

 » Nonl’organisateur n’a offert aucune prime de départ ni d’arrivée. c’était pour tout le monde pareil. Un tee shirt à l’arrivée et c’est tout. »

  » Alors, ne cherches pas ailleurs les raisons de ton classement. Les bons sont allés chasser des primes ailleurs. Mais bravo quand même! »

La fin de la descente commence à peser. Je veux maintenant assurer une place dans les 100 premiers et je ne force pas trop. Je me retourne et je ne vois personne à moins de 10 mètres. Où sont les gars de mon club ? Bon, je vais gérer maintenant.

 800 mètres ?

 Comme les km ne sont pas marqués, le temps devient long sur la fin. A un moment quelqu’un dit  » Allez, courage, plus que 800 mètres« . Il y a de plus en plus de monde sur le bord de la route. Nous sommes acclamés et j’essaie de répondre par un sourire ou un salut de la main. Un peu plus loin, un autre spectateur m’annonce :  » Arrivée à 1km200« . Bon, faut se mettre d’accord ! A cet instant, un concurrent me rattrape et me met les mains sur les épaules amicalement. «  Ca va France 3. Bravo ! » Et ce téléspectateur du Languedoc-Roussillon me largue tranquillement.

L’arrivée vers Millau se fait par la Parc de la victoire, au nord de la ville. Le dernier kilo est un faux plat montant difficile après 23 bornes dans les pattes. 2 autres gars me dépassent. Je les félicite en leur tapant dans le dos. Il y a un monde fou derrière les barrières. Quant on est au milieu, c’est très émouvant. On aurait envie de tous les embrasser pour les remercier d’être là. Je croise le cameraman de France 2. Je lève le poing et il me balance :  » Bravo, je crois que tu es 84 ème ! »

arrivée

84 ème sur 9487 classés en 1h39’02 ». Ce classement tient du miracle pour un coureur de mon niveau. C’est vraiment un bon jour pour moi.

Sur France 3 Sud

A l’arrivée, je tombe de suite sur ce sacré Ludo. Il m’attend rayonnant. Lui aussi, on dirait qu’il a trop fumé. Souvent, on nous dit que nous sommes piqués, drogués aux endorphines. Franchement, ce jour là, c’était de la bonne, de l’Aveyronnaise de première qualité, de celle qui envoie en l’air , attention à la redescente. On se tient par les épaules. Nous venons de vivre quelque chose de grand. Avant même de comparer nos temps,( il finit 50ème en 1h36’22), on veut parler de la course, du viaduc. Mathilde et Régis, nous filment sur le vif. Nous sommes en sueur, l’œil hilare comme si nous avions un peu trop bu.

« Alors Denis, c’était comment ? »  me demande t-elle en pointant son micro.

« J’avais jamais vécu ça, dis-je la voix complêtement enjouée, le regard pétillant de bonheur.( Je sais qu’elle recherche une bonne réaction de coureur. Je sais ce qu’elle veut. Une réponse en 15 secondes. je connais les ficelles du métier ! )

« Le top, franchement, c’est sur le viaduc de Millau. En fait, tu ne regardes même pas le paysage, tu regardes les gens qui sont de l’autre côté de la chaussée. Tu vois tous les copains de ton club, tu fais des signes comme ça. Puis, en plus ce qui est génial, c’est que tu es en pleine descente, le vent dans le dos. J’avais jamais vécu ça. Franchement, je me suis régalé. J’ai même des frissons rien qu’a y penser. »

Mathilde et Régis se regardent, contents. «  Et ben dis donc, c’est un bon client ! ».

avec ludo2

L’interview sera retenue le soir dans le journal.

 Le lendemain, après avoir visionné le reportage diffusé la veille, ma rédactrice en chef adjointe m’accueillera avec ces mots :

 »  Et ben dis donc Denis, je ne te connaissais pas sous cet aspect. Si seulement, tu pouvais venir à la rédaction avec ce sourire et avec la même energie pour travailler. » Ce qu’elle ne sait pas en fait, c’est que je viens à la rédaction pour me reposer !

 Voilà. je pourrai dire,  » j’y étais pour la première édition de la course du Viaduc de Millau « . Car, il y aura d’autres édition dans le futur, c’est tellement évident.

Une course mythique est née. Merci aux organisateurs.

avec ludo