15 Avr

« Fermez la porte ! »

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Dans le cadre de l’Euro 2016, les autorités publiques ont organisé à Toulouse une simulation d’attaques multi-sites et simultanées pour tester la coordination des services de santé et jauger les besoins en matière de forces de l’ordre. Une démonstration ouverte, en (petite) partie, à la presse.

Sur le papier, une « démonstration du RAID dans le stade, spécialement pour les médias » est prévue pour illustrer la séquence d’intervention de l’unité d’élite de la police nationale. A l’instar des neuf autres villes hôtes, Toulouse réalise dans la nuit du 14 au 15 avril un exercice de simulation d’attaques terroristes multi-sites et simultanées. Pour « cet exercice en grandeur nature », près de soixante journalistes sont accrédités dont des journalistes irlandais. Il faut dire que rencontrer les policiers du RAID, ce n’est pas tous les jours. C’est l’occasion pour les médias TV et photojournalistes de réaliser « des images d’illustrations » de ces policiers surentrainés et surarmés. Sur place, la presse est cantonnée derrière des barrières métalliques qui forme un « L » à l’extérieur du Stadium. Là, un véhicule blindé d’intervention du RAID réalise un parcours de trois cents mètres et s’arrête devant l’une des entrées du stade.

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La scène suscite des rires sinon de l’incompréhension pour plusieurs journalistes

L’imposante porte arrière du blindé s’ouvre et libère au moins six policiers du RAID, venus spécialement de Bordeaux. Évoluant en deux colonnes, les hommes pénètrent avec précaution dans l’enceinte sportive. Depuis l’intérieur du blindé, un homme crie « fermez la porte! ». Le blindé réalise un demi-tour et les fonctionnaires du RAID extraient « une personnalité » interprétée ici par une stagiaire de la préfecture. Une fois tout le monde dans le camion, ce dernier regagne son emplacement d’origine. La scène suscite des rires sinon de l’incompréhension pour plusieurs journalistes. L’exercice réalisé par cette unité d’élite déçoit et ressemble davantage à une démonstration « pour le grand public lors d’une journée portes ouvertes » qu’à une simulation « en grandeur nature ». Plusieurs journalistes présents imaginaient « voir des policiers hélitreuillés et intervenir dans les gradins ». Rien de tout cela. Pour les besoins des médias, cette séquence d’intervention est reproduite à la quasi-identique. La seule différence est qu’un pétard explose lors du transfert de la « personnalité », soit sur une distance d’une dizaine de mètre entre le stade et le blindé. Au même moment, la simulation qui se déroule à l’intérieur du Stadium démarre et reproduit une fusillade avec une prise d’otages. Un scénario qui n’est ouvert à la presse pour des « raisons de confidentialité ». Ainsi s’achève la séquence avec le RAID.

Les poupées gonflables

Sur les allées Jules-Guesde, à l’emplacement de la Fan zone à hauteur du Muséum, une attaque de deux kamikazes dotés de ceinture explosive provoque plusieurs dizaines de victimes. Au sol, des figurants. Certains crient ou interpellent les forces de l’ordre. « Qu’est-ce que vous faîtes? Pourquoi vous m’embarquez?! Je viens aider les blessés… », hurle une femme emportée manu-militari par deux policiers de la sécurité publique. Là, une discussion s’improvise entre une personne blessée et un membre des secours. « – Et sinon, vous faîtes quoi dans la vie? – Je travaille chez Airbus! ». On entend parfois quelques rires. Ici, un jeune homme de la sécurité civile transporte avec l’un de ses bras un nourrisson remplacé par une poupée bébé en plastique. Alors que les secours interviennent, les forces de l’ordre sécurisent les alentours pour éviter un risque de sur-attentat. Histoire de montrer que toutes les forces de l’ordre travaillent dans une parfaite coordination, il y a une colonne de gendarmes mobiles et une colonne de policiers de la sécurité publique équipées de protections pare-balles renforcées. Toujours au sol, deux poupées gonflables symbolisent les restes des kamikazes. Ces derniers sont sécurisés par des gendarmes mobiles dont l’un esquisse un sourire, peut-être amusé par la silhouette assez improbable des mannequins. A quelques mètres des cadavres, un commandant de police judiciaire prend des notes de la scène de crime. Arrive enfin le procureur de la République qui est informé en temps réel des opérations en cours.

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Pendant la conférence de presse avec le préfet de la région, le procureur de la République et le maire de Toulouse, le représentant de l’État a expliqué qu’une simulation à l’aéroport de Toulouse-Blagnac était en cours. Une séquence là-aussi non ouverte à la presse. Le site est considéré comme une cible potentielle des terroristes avec des projets « de fusillades et d’attentats-suicide », comme le révélait en janvier dernier France 3 Midi-Pyrénées.

Au « PMA » (Poste médical avancé), les figurants allongés sur des brancards ou marchant à cloche-pied affluent vers le gymnase Daniel Faucher. Sur le parking, pas moins d’une vingtaine de camions de pompiers et d’ambulances stationnent. A l’intérieur, c’est une véritable fourmilière. En plus des services de secours, des fonctionnaires de la police scientifique et technique interrogent les victimes et les identifient au moyen de leurs empreintes digitales. Si tout semble vrai, il manque une part de réalité. Dans le gymnase, hormis le bruit des brancards et le chuchotement des médecins et autres infirmiers, l’atmosphère est silencieuse.

A travers « cet exercice en grandeur nature », les autorités locales et judiciaires veulent tester leurs capacités de coordination. Il s’agit aussi de rassurer l’opinion publique et les étrangers. Les résultats de cet exercice d’attentats multi-sites et simultanés ne seront jamais communiqués par les autorités. Cette opération de communication, puisque qu’ouverte à la presse, n’a montré qu’une infime partie des coulisses de la réalité. « Ils nous montre des choses tout en masquant l’essentiel », explique un journaliste présent.

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