11 Avr

« On est dans une forteresse ou quoi ? »

LE GRAND (DÉS)AMOUR – Pierre Gattaz, le président du MEDEF, est venu à Toulouse pour rendre visite « à [ses] pairs ». C’est aux espaces Vanel, au dernier étage de l’Arche Marengo, que le patron des patrons est venu défendre les intérêts des dirigeants du pays.

Sous un soleil de plomb, une ambiance festive. Ce jeudi 10 avril, les manifestants, qui sont principalement des intermittents du spectacle, viennent de terminer leur AG dans le hall du TNT. A l’extérieur du théâtre, une femme avec son chien interroge les JRI de leur présence sur le trottoir. Personne ne la reconnait puis elle décline son identité, il s’agit de la co-directrice du Théâtre National de Toulouse.

Les policiers en civil sont là, pas moins de 6 policiers motocyclistes encadrent le cortège de moins d’une centaine de manifestants. Du TNT, les intermittents du spectacle se dirigent vers l’Arche Marengo pour se faire entendre auprès du président Gattaz.

De toute façon nous ne sommes pas pressés, nous sommes au chômage !

Sur la route, les manifestants scandent « Medef partout, justice nulle part! », sur les pancartes on peut lire « ça sent le Gattaz! ». Allées Jean Jaurès, le cortège s’arrête et s’allonge au sol. Les passants se saisissent de leur smartphone pour figer l’instant, on entend aussi quelques mots en allemand passer par là: « Die Französisch sind nie glücklich » (« Les français ne sont jamais contents »). Quelques soupirs s’échappent discrètement du côté des forces de l’ordre. « De toute façon nous ne sommes pas pressés, nous sommes au chômage ! », fait entendre un manifestant dans cette forêt de pancartes. A mi-parcours, après encore une pause, les manifestants font un sprint final avant de se retrouver devant un cordon de policiers d’une CRS à hauteur de la statut de Pierre-Paul Riquet. « Restez ici, les amis arrivent avec le barbecue! », il est midi.

La zone tampon

L’Arche Marengo et ses alentours sont complètements bouclés par les cordons policiers. Après avoir franchi le premier, un second cordon sous l’Arche nous amène dans « la zone tampon ». Là, des manifestants ont pu se faufiler à travers les mailles du filet du dispositif de sécurité plus tôt en matinée. Stoppé près de la médiathèque par les policiers, un barbecue et des chaises ont été installé par les intermittents. Au dernier étage des espaces Vanel, des individus sur la terrasse panoramique observent avec curiosité.

La médiathèque José Cabanis qui fait partie intégrante des espaces est fermée, sous couvert d’anonymat une personne qui y travaille s’interroge sur la « fermeture [d’un] service public, [pour des] intérêts privés? ».

Bienvenue à Gattacaz !

Une conférence de presse de Pierre Gattaz est organisée à 16h. Pour y accéder, il faut y montrer patte blanche. Là encore au cordon policier il faut montrer sa carte de presse. Après avoir franchi cette étape, plusieurs personnes du service de presse du Medef 31 relèvent votre identité pour savoir si vous êtes bien accrédité pour la conférence de presse. La logique peut paraitre absurde d’un certain point de vue: devoir se faire accréditer journaliste pour un moment consacré exclusivement à la presse. C’est un peu comme si on demandait à un policier en uniforme de prouver qu’il est bien fonctionnaire de police.

Comme un ministre

Au Medef 31, on sait bien recevoir. Pour monter au 6e étage, un agent de sécurité s’assure bien que vous montiez au bon niveau. Au préalable, on vous aura remis un bracelet de couleur rose très gay-friendly ! Au dernier étage des espaces Vanel, tout a été personnalisé: kakémono « Bienvenue au Medef 31 », goodies, fascicules. Un seul journal trône partout, c’est l’Opinion et les machines à café sont toutes proches. Dans l’espace principal où trône une tribune pour les tables-rondes, des stands d’entreprises dites innovantes. Robot, équipement militaire, alimentation à base d’insectes etc … Il est même possible d’acheter des œuvres d’arts contemporaines éparpillées dans tout le salon. Il faut débourser 1.300€ pour cette statuette éfilée à l’aspect humaine; « Tu veux l’acheter Kevin ? Par contre, il faudra un peu la nettoyer, c’est un peu rouillé! » me dit-on avec humour.

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Toutes les personnes ici sont costumées, iPhone visé à l’oreille pour certain. Aux endroits stratégiques, un agent de sécurité est placé. L’heure approche bientôt et là pas moins de 7 hommes, dont un policier du Service de la protection, entourent le président du Medef Pierre Gattaz. Les policiers en civils sont toujours présents et le dispositif est digne d’une visite ministérielle.

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Alors que le président Gattaz déroule le fil de sa pensée pour protéger les intérêts du patronat, on entend en fond sonore de la musique crachée par les sono à l’extérieur. Après plusieurs dizaines d’images, la curiosité nous envahit et nous descendons au RDC pour constater les faits. Sous l’Arche Marengo, les manifestants dansent, chantent, font du bruits avec tous les objets autour d’eux. Les hauts-parleurs dirigés vers les policiers assourdissent les oreilles. Musiques électro, Johann Sebastian Bach, musiques folks, tout y passe. Là, un manifestant ironise en souhaitant au public la « bienvenue à Gattacaz », néologisme entre le film Bienvenue à Gattaca et le patronyme du président du Medef Pierre Gattaz.

Dans la cohue sonore, une dizaine de jeunes collégiens s’interroge et parle avec les policiers en faction. Les ados voulaient aller à la médiathèque. 17h, nous décidons de quitter les lieux, je croise une consœur rédactrice qui nous interroge de manière spontanée: « On est dans une forteresse ou quoi ? »