23 Jan

« Maman, c’est des journalistes?! »

La présidente du Front National, Marine Le Pen, était samedi dernier dans les environs de Toulouse pour apporter son soutien aux têtes de liste du département.

Intentionnel ou non, le FN31 a organisé la venue de Marine Le Pen non pas dans un restaurant considéré par certains de «repaire de facho» mais dans un restaurant asiatique, le WOK 31 situé à Blagnac. Sur le parking de l’établissement trois membres du «Département protection sécurité» [Le service d’ordre du FN, NDLR] observent sagement le ballet incessant des véhicules. Je reconnais parmi les voitures garées celle qui est utilisée par les policiers du renseignement intérieur.

L’eurodéputée frontiste est déjà arrivée, il est trop tard pour faire des images de la descente de l’élue. Sa grosse berline française cocardée des étoiles européennes, immatriculée dans le Gard, semble avoir fait beaucoup de kilomètres.

C’est comme si elles venaient de rencontrer une star

La salle du restaurant est décorée avec des affiches du parti. «Unis, la France est invincible» ou encore «Une autre voix» avec pour visage celui du leader du parti d’extrême-droite. Dans chaque recoin un homme du DPS surveille son espace attribué, ils sont au moins une bonne dizaine.

On lui sert un café, elle discute avec des têtes de liste puis se fait prendre en photo avec des employés du restaurant. Caméras et objectifs sont constamment braqués vers Marine Le Pen. Les serveuses semblent être très enthousiastes et rigolent avec une main devant leur bouche, c’est comme si elles venaient de rencontrer une star.A l’écart, une autre femme de petite taille qui travaille dans l’établissement embarque la présidente pour lui offrir un cadeau, il s’agit d’une peinture abstraite d’influence contemporaine. De larges sourires s’échangent, tout comme les remerciements.

La conférence de presse commence. Marine Le Pen s’installe au milieu de la table largement dominé par des hommes fringués en costumes aux couleurs et aux tissus des années 90. La présidente disserte sur les sujets d’actualités qui animent la France. Sous ses yeux, une chemise cartonnée qui renferme plusieurs autres chemises. Elle sort ses fiches et balaie de gauche à droite et inversement son regard à travers la salle. Sauf pour les questions qui suivront, l’eurodéputée ne regarde jamais droit dans les yeux les journalistes. Elle sera seule à dérouler le fil de sa pensée dans un langage peaufiné pendant un peu moins de 30 minutes.

Les yeux scotchés à ses fiches

Derrière elle, un téléphone sonne. Une fois, deux fois puis trois fois. «Quand c’est comme ça, je le coupe complètement», rétorque Marine Le Pen. Visiblement confus, le candidat transmet son portable à un homme du DPS qui lui-même l’envoie dans les airs à son collègue pour répondre à l’appel incessant. Les minutes s’écoulent et les journalistes constatent que le drapeau tricolore est en train de tomber. Des rires discrets s’échangent. «Merde, la France est train de se casser la gueule là ?», s’interroge l’un d’entre-nous.

La cheffe de file du parti a les yeux scotchés à ses fiches. Quand on lui pose des questions plus locales, elle cherche parmi les documents la bonne feuille et énumère les villes potentiellement gagnables par le FN.

Les journalistes s’agitent, les flashs crépitent. Marine Le Pen répond aux dernières questions des radios et TV. Son garde du corps l’emmène vers la salle principale du restaurant, les militants déjà installés l’applaudissent. A défaut d’un meeting et sans doute d’argent, la fédération haut-garonnaise compte sur la générosité de ses militants pour se garantir financièrement pour les différentes campagnes. Les 380 couverts seront facturés à 25€ par tête.

Fin de partie pour la presse, on nous invite tranquillement à sortir de l’établissement. Dehors, une longue file patiente dans la fraicheur hivernale. Des militants pour grand nombre d’entre-eux, pour d’autres des clients étonnés. «Maman, c’est des journalistes ?! ».

Kevin Figuier // @Keu20Figuier