24 Avr

Macadam Toro, avril. Chapitre 4.

Samedi 23 avril 2016. Alcalá de los Henares, province de Madrid, hôtel AC, 10h05, 9°9.

Il y 400 ans jour pour jour mourait Miguel de Cervantes y Saavedra, l’auteur du célèbre « Don Quichotte de la Mancha ». Il était né ici à Alcalá, le 29 septembre 1547. Je suis photographié avec un gars sympa qui me dit être de la famille de Don Quichotte. Il n’y a aucune raison que je ne le crois pas.

Selfie pour collectionneurs. Zocato avec un prétendu descendant de Cervantés. Ou de Don Quichotte lui-même. Après tout, pourquoi pas?

Selfie pour collectionneurs. Zocato avec un prétendu descendant de Cervantés. Ou de Don Quichotte lui-même. Après tout, pourquoi pas?

Le surréalisme de ce tournage qui s’achève demain à Burgos, a atteint aujourd’hui son zénith.

Il n’est plus question de caniche albinos et hurlant, de patou en laisse, de toros au campo ou de lapins qui filent fissa. Nous avons quitté la faune pour la race des hommes et tout cela n’est pas très joli-joli. Explications, montre en main :

10 h10

Devant l’hôtel, le fourgon d’El Cid. Tiens, tiens, que fait-il-là vu qu’il n’est pas au cartel ? On apprend qu’il remplace Rafaelillo.

11 h 05 guichets des arènes.

Je récupère les accréditations. Je jette un coup d’œil dans le bureau, la pancarte annonçant la substitution traîne sur la table…

11 h 45 

Interview contre la barrera de Victorino Martin sur « Cobradiezmos », son toro gracié à Séville. Il est ému, se rappelle de sa vuelta avec Manuel Escribano, confirme qu’il ne sera jamais à vendre mais que dans quelques temps, il enverra des « paillettes » à ses amis ganaderos mexicains pour rafraichir leurs lignées.

12 h 30 

Montée sur les corrals pour assister au sorteo. Ambiance bizarre. Tout le monde semble en « statu quo ». Les pros parlent entre leurs lèvres, il se murmure que l’impresario doit des sous à Rafaelillo, d’où le bulletin médical. L’entourage d’Escribano et du Cid (peut-être aussi Victorino), veulent des garanties avant de toréer.

13 h 08

On profite de ce temps mort « financier » pour interroger face à la caméra, Félix, le mayoral de Victorino, Manuel Escribano et son père, toujours à propos de Séville. C’est en boite, mission accomplie, on était d’abord venu pour cela et ceux-là, vu qu’on les reverra à Vic pour pentecôte.

13 h 37 

Agitation, sorteo, mises en box. Le différent boursier a semble-il-été résolu. Tiré du chapeau, non pas un lapin, mais un ami de l’impresario (un riche de l’immobilier local, nous dit-on) qui signe les « pagarés », les traites, afin de garantir le paiement tous les acteurs. On sait par expérience, ce qu’il en est des traites mais aussi des traîtres dans le toreo…Le père Escribano me raconte qu’il a neuf kilos de chèques sans provision dans son coffre de Gerena.

15 h 40 

Retour à l’hôtel après gamelle au resto sous les gradins. L’épaule d’agneau de lait dépasse l’assiette de 10 cm de chaque bord. Bon, à manger pour quatre affamés de Cro-Magnon. Ticket moyen, 20 euros. Recommandable à souhait. Si pas satisfait, remboursé.

16 h 17 

Ascenseur, 3ème étage, surréalisme à gogo. Dans le couloir, Manuel Escribano galope. Il essaie sa taleguilla version époque de Cervantès. Un boléro impossible plus « opérette du Chatelet » que torero. Un truc avec des épaulettes argentées du style de celles dorées de Gaston Ouvrard chantant : « j’ai la rate qui se dilate, j’ai le foie qu’est pas droit… ». Fou-rires général. Michel lui remet le DVD de notre tournage du golf à Salamanque, il y a deux ans. Manuel (handicap 7) est ravi. Cela déconne plein tube, on perçoit déjà que la corrida n’aura pas lieu.

Costumes à paillette, de style "goyesque" ou "cervantesque" : les toreros d'une manière ou d'une autre sont toujours déguisés

Costumes à paillette, de style « goyesque » ou « cervantesque » : les toreros d’une manière ou d’une autre sont toujours déguisés

17 h 30, patio de caballos

El Cid arrive avec un costard d’Arlequin vert pomme. Je me planque derrière l’ambulance pour ne pas m’esclaffer devant lui. Un à un, les peones franchissent la porte, tous de noir vêtus, costumes loués à Madrid, époque Cervantes. À David Saugar  Pirri , je demande s’il n’a pas trouvé une pièce en or dans une des poches. Je pose la même question à l’Alcalarreño, il me répond finement : « oui mais je l’ai déjà revendue ».

18 h 00

Les trois toreros tâtent le sable du bout de leurs mocassins. C’est cousu de fil blanc, combiné depuis le matin. La corrida « Cervantina » n’aura pas lieu, la location a été un désastre, à peine 1000 places vendues, un 10ème de plaza, à vue de nez prés de 80.000 euros à perdre.

18 h 42

Les toreros sont repartis. Quelques spectateurs ont sifflé. Peu en comparaison de ce hold-up. Ici, les gens sont gentils mais on ne les y reprendra plus, surtout qu’il a fait beau à l’heure du paseo et jusqu’à la nuit tombée. Si nous voulons bousiller notre passion, continuons ainsi à se moquer du peuple. Inutile de convoquer Brigitte Bardot, les phoques et les végans.

20 h 58

Les fourgons des toreros quittent l’hôtel. Le Cid rentre à Séville, Escribano part à Saragosse pour la corrida-concours où l’attend Rafaelillo qui va beaucoup mieux. Chechú reste chez lui à Alcala. C’était son unique contrat, il n’a pas eu droit à la parole.

Nous partons dîner. En laisse, passe un chien.

Macadam toro, Zocato