07 Mar

Cinq minutes avec Juan Leal

IMG-20160307-WA0001On peut me voir sur la photo blanc & noir de Maurice Berho. Je suis au fond de l’image, dans un coin de burladero, une minuscule caméra dans les paluches. Mais personne ne me voit. Ce qu’on regarde bien sûr, c’est Juan Leal : tout un torero en appui sur la pointe d’un pied.

Le jeune toro revendique sa puissance de tous ses naseaux. Plus ses cornes cognent le vide, plus ses sabots labourent le sol. Il fulmine tellement qu’on le croit disposé à foncer la tête la première dans le sable.

Juan Leal, ployé au dessus de lui, semble au contraire sur le point de prendre son envol. Cette muleta, pour l’instant, montre à la bête le chemin. Qui sait si un jour elle ne se transformera pas en aile?

Il fait un froid de gueux. Nous sommes dans les installations de la ganadería Tierra d’Oc à Cardet, dans le piémont cévenol. C’est un pur dimanche d’hiver. Les gens du club taurin de Rieumes ont fait le voyage depuis la région de Toulouse pour passer une journée taurine. Sévillanes, paella, discours. Plus tienta de deux vaches et lidia de trois novillos.

Les toreros invités?  Mehdi Savalli et Juan Leal. Le bétail de Tierra d’Oc vient tout droit de la prestigieuse ganadería Sánchez Arjona.

Les vaches sont faiblotes, mais elles coopèrent.

Les deux novillos de Mehdi sont des brutes incertaines. Mehdi est sapé comme un milord. Il les torée sans transpirer. Il part bientôt pour le Pérou, c’est là-bas qu’il a des contrats. Il ne reviendra en France qu’au mois d’août, son premier engagement est à Béziers.

Juan Leal s’est habillé comme un jeune gentleman qui se disposerait à passer une journée tranquille à la campagne. Son novillo est un sparring-partner de premier choix. Il a la fougue et la noblesse caractéristiques du sang Domecq.

Il y a peu de monde pour assister à ce corps à corps qui dure un peu plus de cinq minutes. Les gens de Rieumes, le ganadero Damien Donzala, les cuadrillas, moi.

C’est un spectacle poignant. Le toro charge comme si ça vie en dépendait. Juan Leal torée comme si la suite de sa carrière dépendait de ce moment. La semaine prochaine, il torée la première corrida espagnole de sa saison à Fitero, Navarre. En mai il confirmera l’alternative à Madrid.

Il tient du bout des doigts sa muleta grâce à quoi il prendra peut-être cette saison son envol. Moi, je m’accroche à ma petite caméra pour vous montrer ça.