27 Oct

L’élégance de Frascuelo

Frascuelo chapeauJ’ai demandé son âge à Frascuelo, c’est une faute de goût évidente, on ne pose pas cette question aux toreros qu’on chérit. Ni aux dames. Je n’ai pas d’âge, a-t-il répondu. Il marchait sur un chemin bordé de roseaux où les voitures d’aficionados étaient garées en désordre. Il était 17h30, le soir tombait selon le nouvel horaire inauguré le matin même.

Un type qui venait de s’éloigner pour faire pipi dans la roubine avant de reprendre sa voiture nous croisa et félicita le maestro qui le remercia et reprit la conversation avec moi.

On finit tous par devenir vieux, me dit Frascuelo qui s’était arrêté au soleil, mais si on devient vieux en continuant à toréer, c’est vraiment mieux. D’ailleurs il ne dit pas « devenir vieux », je traduis mal, il dit « prendre de l’âge ». Les rides de son visage parurent avoir un relief plus fort dans la lumière.

Il venait de toréer, mano a mano avec Camille Juan, 4 méchants novillos de l’élevage « La Cravenque » dans les petits arènes de Gimeaux pleines à craquer d’un public venu là pour passer un bon moment de détente. De ce point de vue, ça a été plutôt raté. On a distribué en tout et pour tout une oreille, et encore n’était elle pas totalement méritée. Ni Frascuelo ni Camille n’ont été à proprement parler « heureux avec les aciers » comme on disait dans les revues taurines du temps où Frascuelo était jeune (et moi aussi). Et les toros n’étaient pas du genre à autoriser la fantaisie.

Mais pour l’émotion, nous fumes servis! Carlos Escobar Frascuelo, tellement préoccupé par la perfection de sa silhouette qu’il en est presque raide, a donné une faena pleine de défauts sans doute, mais basée sur la très haute idée que cet homme se fait de l’élégance en général et de la sienne en particulier. Un régal.

J’ai laissé l’interview qui suit la faena en version originale. Je suis persuadé que même ceux d’entre vous qui ne parlent pas le castillan comprendront tout.

26 Oct

JB et la 246

JB et la vacheSamedi 25 octobre, Saint Martin de Crau.

J’ai pris le temps de flâner pour arriver jusqu’à Farinon, le mas des frères Granier à deux pas de l’autoroute qui file d’Arles à Salon, le long de ce qui fut la nationale 113.

J’ai longé le Vaccarès. La route était déserte. Mon auto a levé quelques oiseaux qui roupillaient dans les talus.

J’ai traversé Arles où le marché hebdomadaire déborde de chrysanthèmes, c’est la période.

Puis Raphèle où les réclames vantent alternativement le saucisson d’Arles véritable (à droite de la route)  et le vrai saucisson d’Arles (à gauche). Inutile de choisir, il y a belle lurette que cette spécialité n’est plus fabriquée dans le coin. Au point qu’on peut se demander si elle a jamais vraiment existé. Arles, après tout, excelle à faire vivre ce qu’on ne voit jamais.

Philippe Lapeyre « San Gilén » m’avait convié à une fête intime où on célèbrerait la fin de la saison de l’école taurine de Béziers en compagnie de quelques uns de ses élèves, de leur famille et de Juan Bautista. « On sera entre nous », m’avait-il précisé.

Au fond de la solennelle allée de platanes, le mas Farinon est encerclé de bagnoles. Il y a 100 personnes au bas mot, 150 peut-être. Comme il n’y a que cinq élèves de l’école taurine, il faut croire qu’ils ont chacun une très nombreuse famille.

Le troupeau des vaches grises a l’air de se régaler dans la luzerne.

Juan Bautista arrive pile à l’heure du rendez-vous. Pendant que les gardians trient les vaches qui devront être tientées, je constate qu’il est le seul à s’étirer. Longuement. Scrupuleusement. Les élèves de Philippe, magnifiquement vêtus « de campo » attendent, debout à l’ombre d’un arbre. Les familles s’esquichent sur une remorque posée en plein champ.

La seconde vache porte le numéro 246. Juan Bautista la torée à merveille.