31 Mar

Pourquoi les nouvelles règles de l’élection présidentielle font bondir les petits partis

urneenveloppes« Un scandale », « une honte », « totalement hallucinant »… Du Parti communiste à Debout la France, d’Europe Ecologie-Les Verts à l’UDI, la proposition de loi de « modernisation » des règles de l’élection présidentielle provoque une levée de boucliers… Initiée par le groupe PS à l’Assemblée nationale, elle est en discussion au Sénat ce jeudi, avant un retour au Palais Bourbon la semaine prochaine. Si ce texte est contesté par de nombreux partis, c’est qu’il modifie les règles des parrainages et surtout du temps de parole des candidats à la présidentielle. Au détriment des petits… 

La proposition de loi portée par Bruno Le Roux et l’ensemble du groupe PS à l’Assemblée, affiche comme ambition « que la prochaine élection présidentielle se déroule dans un environnement juridique modernisé et incontestable ».

Elle contient deux dispositions majeures:

  • Le temps de parole entre candidats est réparti selon le principe de la stricte égalité seulement sur les deux semaines précédant le premier tour de scrutin. Cette période était de cinq semaines en 2012. L’élection présidentielle est le seul scrutin en France pour lequel est imposée une égalité des temps de parole sur une période donnée. « Cette situation est source de complications, tant pour les chaînes de radio et de télévision que pour les candidats, précisent les auteurs de la proposition de loi. Le nombre important de candidats – 12 en 2007, 10 en 2012 – rend difficile l’application d’une stricte égalité, dissuadant certaines chaînes d’organiser des débats et conduisant in fine à une réduction du temps médiatique consacré à la campagne présidentielle ». A cette règle de l’égalité se substitue la règle de l’équité des temps de parole, fondée sur la représentation des candidats (et notamment ses derniers résultats électoraux) et sa capacité à animer la campagne (lire le détail sur le site du CSA).
  • Les parrainages d’élus seront intégralement publiés. Jusqu’à présent 500 noms seulement (tirés au sort parmi l’ensemble des signatures pour chaque candidat) étaient rendus publics par le Conseil constitutionnel. « Le principe de responsabilité politique et l’exigence de transparence devraient conduire à ce que les élus ayant décidé de présenter un candidat assument ce choix devant leurs électeurs », soulignent les porteurs du texte.

Approuvée le 24 mars en 2e lecture par les députés, cette proposition de loi est discutée au Sénat ce jeudi 31 mars avant de revenir à l’Assemblée le 5 avril. D’après l’AFP, une petite incertitude demeure, car il s’agit d’une proposition de loi « organique » (dédiée à l’organisation des pouvoirs publics), qui doit recueillir la majorité absolue des membres de l’Assemblée, soit 289 voix pour être définitivement adoptée. Or le groupe socialiste ne représente seul que 285 voix, en supposant que l’intégralité de ses membres votent ce jour là.

L’ensemble des autres partis exprime de fortes réserves sur cette modification des règles de l’élection phare en France, comme l’illustrent ces réactions d’acteurs politiques francs-comtois:

Michel Zumkeller, député UDI du Territoire de Belfort et maire de Valdoie

Michel Zumkeller (DR)

Michel Zumkeller (DR)

« C’est un mini scandale cette affaire-là… Cinq semaines tous les 5 ans, on peut quand même permettre à tous ceux qui ont recueilli les 500 signatures de s’exprimer ! C’est un verrouillage des trois grands partis, alors même que les gens veulent de nouvelles têtes. En commission, nos collègues LR ont voté ce texte, Eric Ciotti a défendu ça totalement. A partir du moment où un candidat recueille les 500 parrainages, il doit être traité comme tous les autres ».

Brigitte Monnet, maire de Vincelles (Jura), porte-parole Europe Ecologie Les Verts de Franche-Comté

Brigitte Monnet (©f3fc)

Brigitte Monnet (©f3fc)

« Un certain nombre de partis n’auront plus les mêmes droits de présenter leur projet. C’est vraiment hégémonique de la part du PS, une façon d’éliminer les petits partis dont on fait partie. L’objectif est qu’on soit davantage à la botte des plus grands… les députés écologistes, encore ou plus à EELV, devraient s’opposer. »

Thibaut Bize, élu municipal à Besançon, secrétaire de la fédération du Doubs du Parti Communiste Français

Thibaut Bize (DR)

Thibaut Bize (DR)

« Ce qui me choque le plus, c’est la question du temps de parole. C’est totalement hallucinant, en décalage complet avec ce dont on a besoin en ce moment. On va s’enfermer dans des débats où tout le monde est d’accord, avec ceux qui nous revendent les mêmes recettes depuis les années 80. On ne peut que déplorer l’aspect démocratique. Des gens ont le droit de parler, d’autres pas, en tout cas moins. La campagne présidentielle dure plus d’un an, les trois dernières semaines sont importantes certes, mais la moitié des candidats courra les 100 derniers mètres avec une balle dans le pied. »

Christophe Grudler, conseiller départemental du Territoire de Belfort, responsable régional du MoDem

Christophe Grudler (©f3fc)

Christophe Grudler (©f3fc)

« C’est une manœuvre pour que les grands partis se protègent. Ils sont de plus en plus éclatés, contestés… Ils tentent de maintenir la discipline chez eux. Plus ils se délitent, plus ces partis deviennent caporalistes. A l’heure où les gens dénoncent la politique, n’y croient plus, c’est la meilleure façon faire le lit de l’anarchie et des extrêmes… Le PS a une responsabilité lourde en validant cette mauvaise réforme. Il aurait fallu à l’inverse permettre le plus d’expressions possibles. L’élection présidentielle est confisquée par les grands partis. Ils réduisent le champ démocratique. »

Christine Besançon élue municipale d’Audincourt, membre de Debout la France

Christine Besançon (DR)

Christine Besançon (DR)

« C’est une honte ! On raye l’égalité, on raye la démocratie… Pour moi, c’est de la dictature. C’est inacceptable… Le changement, il ne viendra pas des partis qui ont déjà gouvernés, il viendra d’autres voix. On veut barrer la route à la seule possiblité d’offrir un sursaut, un réveil pour notre pays. Quant aux parrainages, ce n’est pas une bonne chose. Les maires ont le droit de soutenir un candidat sans que cela soit officiel. On va crescendo dans la folie. »

Le reportage vidéo de LCP

A lire aussi: 

Bastien Faudot, candidat du MRC à la présidentielle 2017: « Il manque à gauche une voix qui porte la question nationale »

Quand Pierre Moscovici s’imagine candidat à la présidentielle… en 2022

Un Franc-Comtois de 19 ans veut être candidat à la présidentielle en 2017