10 Avr

Accord sur l'emploi: Barbara Romagnan s'explique sur son abstention

Barbara Romagnan lors du débat sur l'accord sur l'emploi

Elle fait partie des 35 députés PS à s’être abstenus lors du vote sur l’accord sur l’emploi. Barbara Romagnan a tenu à expliquer son vote aujourd’hui dans un communiqué. Rappelant qu’elle considérait initialement ce texte issu d’une négociation entre partenaires sociaux comme « pas assez favorable aux salariés », la députée du Doubs est à l’origine d’une soixantaine d’amendements, notamment sur la mobilité des salariés ou les contrats à temps partiels. Tous n’ont pas été adoptés. Mais c’est surtout « la philosophie de ce texte (…), qui laisse supposer une nécessité de flexibilité du marché du travail, » qui « à tout le moins (l)’interpelle ».

Voici le communiqué de Barbara Romagnan:

« Hier, mardi 9 avril, avait lieu le vote solennel sur le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi, suite à l’accord national interprofessionnel (ANI) de janvier, et j’ai fait le choix de m’abstenir.

Pour aborder l’ANI, il faut dans un premier temps aborder la question du dialogue social. En effet, pendant les dix longues années où la droite a été au pouvoir, nous avons souvent dénoncé le manque voire l’absence de concertation avec les partenaires sociaux à l’occasion de grandes réformes. François Hollande, pendant la campagne présidentielle, avait pris l’engagement d’associer les partenaires sociaux aux futures grandes réformes du monde du travail. C’est ainsi qu’une conférence sociale a eu lieu les 9 et 10 juillet dernier, débouchant sur une longue période de concertation. En janvier, un accord a été trouvé entre le Medef, d’autres organisations patronales, et une partie des syndicats de salariés.

Après avoir longuement étudié cet accord, j’ai émis des critiques, dans la mesure où il ne me semblait pas assez favorable aux salariés. J’aimerais rappeler que l’objet même du droit du travail est de protéger les salariés justement parce que les rapports entre les employés et les employeurs sont à la base défavorables pour les premiers : en effet, le droit du travail a vocation à compenser le déséquilibre spontané qui existe dans la relation salariale, dont le principe est la subordination du salarié, qui n’a que sa force de travail à proposer, à celui qui a besoin de gens pour travailler, mais qui dispose presque toujours de la possibilité de remplacer un salarié par un autre.

Aussi, j’ai souhaité prendre pleinement part au travail parlementaire pour proposer des amendements susceptibles d’améliorer le projet de loi dans le sens de la protection des salariés. Jean-Marc Germain, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, a fait un travail remarquable pour organiser près de 300 heures d’auditions afin que nous puissions interroger les différents acteurs concernés et prendre en compte les remarques de tous.
C’est ainsi que j’ai déposé ou co-signé avec d’autres, une soixantaine d’amendements qui m’ont paru le plus à même de garantir les droits des salariés. Sur l’article relatif à la mobilité au sein d’une entreprise, qui permet à un employeur d’obliger un ou plusieurs de ses salariés à travailler sur un autre site sous peine de licenciement, des amendements ont été proposés afin d’encadrer plus strictement cette pratique et que la vie privée des salariés soit respectée. Je me suis également beaucoup intéressée à la question des contrats à temps partiel – qui concernent principalement les femmes – afin que ceux-ci soient encore plus encadrés pour éviter les dérives, et que les heures complémentaires soient justement majorées, autrement dit justement rémunérées.

Si 120 amendements proposés par les parlementaires ont été adoptés et ont permis de combler des vides et d’améliorer le projet de loi, celui-ci ne pouvait me satisfaire pleinement pour plusieurs raisons et sans remettre en cause pour autant les avancées progressistes qu’il contient.

La philosophie de ce texte tout d’abord, qui laisse supposer une nécessité de flexibilité du marché du travail, à tout le moins m’interpelle. Au-delà, le débat que nous avons porté n’a pas emporté la conviction sur tous les sujets ; cela fait partie de la vie démocratique… Néanmoins, cela me conduit aujourd’hui à des réserves fortes, concernant notamment deux points qui ont été soulignés avec les justes mots par ma collègue Fanélie Carrey-Conte :

– s’agissant « du fait que les refus des salariés de voir leur contrat de travail modifié par un accord donnent lieu à des licenciements qualifiés d’individuels, épargnant ainsi à l’entreprise la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi lorsque dix personnes au moins sont concernées (articles sur la mobilité interne et sur les accords de maintien dans l’emploi) » ;
– et s’agissant du fait surtout que « le délai de prescription pour la récupération  des salaires soit diminué par rapport au droit commun. Comment justifier qu’un propriétaire ait plus de temps pour récupérer ses loyers qu’un travailleur ses salaires ? »

Enfin, et j’ai eu l’occasion de le souligner en séance, je regrette l’utilisation par le Gouvernement du droit à un réexamen pour un amendement que j’avais soutenu avec la Délégation aux droits des femmes et qui avait été adopté samedi contre l’avis du Gouvernement. Il me semble dommageable d’imposer au Parlement, qui s’est prononcé sur un amendement, de délibérer à nouveau dans un sens plus conforme, deux jours plus tard !

Voici en quelques mots le sens de mon vote sur ce texte.

Barbara ROMAGNAN »

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