21 Nov

A vos pleumes !

Le Prix de littérature en picard 2014 vient d’être officiellement lancé par son organisateur, l’Agence pour le picard. Une édition à la tonalité particulière : un prix spécial sera décerné cette année à la plus belle lettre d’amour. Le règlement précise qu’il peut s’agir d’une déclaration ou d’une rupture….

Des mots en picard, facilement glissés dans les conversations courantes, des échanges parfois plus nourris quand on sait que l’interlocuteur saura s’y retrouver. Le picard est encore oralement bien présent. C’est aussi une langue écrite, avec des auteurs de talent, régulièrement distingués. Jean Leclercq, Jean-Marie François, Jean-Luc Vigneux, Micheline Waquet et bien d’autres encore manient avec bonheur la plume picarde.

En 2009, l’Agence pour le Picard a créé ce Prix de Littérature, digne héritier du Saint-Quentinois Prix de la nouvelle, né au sein de l’association Tertous quinze ans auparavant. Chaque édition de ce prix mobilise en moyenne une cinquantaine d’auteurs. Les élus accèdent à une édition de leur texte, fable ou nouvelle. L’Agence pour le picard abonde ainsi un fond littéraire qui devient patrimonial.

Ces dernières années, le picard a connu des succès de librairie. Mais les traductions remarquées de Tintin et d’Astérix ne doivent pas occulter les difficultés de l’édition en langue régionale. Il faut toute la ténacité de Philippe Leleu, éditeur du Labyrinthe, à Amiens, celle de l’équipe éditoriale de la revue Ch’Lanchron, en Picardie maritime ou encore celle des éditions Engelaere pour porter aujourd’hui des projets artisanaux dans une distribution dominée par les grands groupes industriels.

Un prix littéraire distingue un auteur, mais suscite aussi une dynamique de création, assure une émulation et invite à une production régulière. Les textes ainsi livrés chaque année au jury viennent de toute la grand Picardie linguistique. Ils sont écrits en tournaisien, en ch’timi, en rouchi en picard du Vimeu ou de Thiérache, par des auteurs qui vivent ici ou qui de loin ont gardé l’écriture de leurs racines.

Il peut s’agir de contes, de de nouvelles, de fables, de poèmes ou de pièces de théâtre. Les textes proposés doivent être inédits et ne jamais avoir été publiés.

La coutume initiée par l’Agence, est de nommer président du jury le lauréat de l’année précédente. Pour cette édition 2014, c’est donc Jean-Luc Vigneux qui conduira la réflexion des jurés. Les textes sont à remettre avant le 28 février 2014.

A vos pleumes !

18 Juil

Saint-Valery-sur-Somme : la mémoire retrouvée de Ch´Coin meinteu

À côté de l’ancien tribunal de commerce de Saint-Valery, se retrouvaient les anciens, entourés d’enfants, de pêcheurs ou de chasseurs de retour de la Baie.
Chacun y avait sa place et tenait son rang. Lieu de bavardages et d’échanges, de bravades et de commentaires, à Ch´Coin meinteu, on refaisait le monde.
Un auteur Valéricain, Adrien Huguet, né à la fin du XIXème siècle, tenait, à partir des années vingt, en picard, une chronique régulière dans le journal du Littoral de la Somme et du Vimeu républicain.
Ces chroniques ont été retrouvées par Mathieu Maggi, jeune étudiant, chasseur en Baie et picardisant.


La baie, vue depuis le calvaire des marins, Saint-Valery-sur-Somme

Les textes, traduits avec l’aide de Jean-Michel Ansart et Jean-Marie François, sont publiés par les Editions Engelaere.
L’ouvrage sera disponible en librairie en fin de semaine. En avant-première, Mathieu nous en parle….

Pour le plaisir de la langue et en guise de mise en appétit, un court extrait de Ch’ Coin Meinteu :
— Chés veints d’équinosques sont des mauvais veints…
—Est vrai !… Grand-père, conte nous ein molet ch’l’histoire dé ch’coup qu’t’os manqué d’rester deins chés passes, corps et biens…
—Veux bien ! J’avoés à mein bord t’n’oncque qu’est mort y o dix-huit ans, qu’sein surpiquet ch’étoét Veint- Arrière. Ch’étoét ein viu mat’lot comme mi, ein des pu hardis, et pi point ein manchot, tu sais, piot !… Ch’soér- lo, l’veint cornoét, ch’étoét eine anordie à décorner des bœufs. « Cré coquin, qu’ége dit à Veint-Arrière, ein arrivant deins chés passes, el’mer à l’einberque, cargue toute, et pi attention à ch’coup d’temps qui s’prépaire-lo. »

Adrien Huguet, 9 octobre 1920. Le Littoral de la Somme.


Saint-Valery-sur-Somme, quartier du courtgain, quartier des marins.

Ch’Tchot Capuchon Rouge et d’autres contes de Perrault en picard.

Des histoires et des contes pour enfants, comme les grand-mères les racontaient au coin de la cheminée. Jean-Marie François, auteur abbevillois, nous livre, en picard et en français les plus connues des pages de Charles Perrault. Pour le plaisir des oreilles, un CD de six titres accompagne le livre.


Jean-Marie François dans son bureau préféré.

Ritchet la toupette (Riquet à la houppe), Pieu d’beudet (Peau d’âne), Ech Cot coeuchè (Le Chat botté), Chindrillon (Cendrillon), Bérbè bleu (Barbe bleue), Ech tchot peuchet, (Le petit Poucet), les classiques des classiques…
L’idée de l’ouvrage lui est venue après une animation en picard au collège de Breteuil. « J’avais mis le doigt dans l’engrenage : un conte en appela un autre. Tous les souvenirs de mon enfance, enfouis dans mes « boéyeux d’chervelle » affluèrent: les sortilèges, les fées, les ogres, les géants, les nains, les sorcières, les rois, les reines, les princesses se bousculèrent… Je relus des trames, le picard fit le reste », nous confie Jean-Marie.

Véronique Groseil a illustré l’ouvrage. De beaux dessins en noir et blanc pour rester dans l’esprit des livres d’antan. Le Conseil Régional de Picardie a apporté une aide financière à ce livre. L’éditeur Philippe Leleux pour la Librairie du Labyrinthe a su fixer un prix d’achat accessible : 16 euros avec le CD.
Le lectorat, présent ces dernières années pour les Tintins et Astérix en picard, devrait se retrouver, ici, pour Perrault et aussi pour la truculence, l’humour d’un conteur érudit et attachant.

Reportage, au pays des contes de Perrault, en picard :

22 Nov

Léopold Devismes. Chint ans. Incomparable mémoire de la langue picarde

Léopold Devismes attendait cette date avec impatience. Il a confié à une jeune femme -« c’est le deuxième plus beau jour de ma vie, avec mon mariage. Ma mère, ce jour là, m’avait bichonné…. »


Léopold, le jour de ses cent ans, à la maison de retraite de Saint-Valery-sur-Somme

Léopold Devsimes est né à Bouillancourt-sous-Miannay, en Picardie maritime. Il y a passé toute sa vie. Petit garçon, il a connu la guerre de 14. Il a mené une vie de paysan. « C’était un beau métier, a-t-il l’habitude de dire. Dur, mais un beau métier ».


Bouillancourt-sous-Miannay, octobre 2012

Léopold Devismes est une mémoire vivante de la langue picarde. Il l’a parlée avant d’apprendre le français. Un vocabulaire précis, riche. Un talent de conteur et aussi d’écrivain. Il a publié des textes, récits de sa ruralité ou romancés. Pour dignement fêter ses cent ans, les Picardisants du Ponthieu et du Vimeu ont lui ont offert un livre, SON livre, un recueil de ses plus beaux texte. Dans l’un d’eux, Léopold écrit « Quante oz est viu, o rbot ses notons »… quand on est vieux, on retrouve ses souvenirs… « Erbatte ses hotons », nous dit-il, est une expression née des vieux métiers : autrefois, quand la récolte de blé était engrangée, on battait le blé, les grains volaient en l’air « conme inne volèe d’moucrons » des épis tombaient au sol, cassés, mais pas décortiqués, « ch’étoait o, des vrais hotons », ces épis perdus qu’on récupérait pour les rebattre…. »

Reportage France 3 Picardie, Sabine et Bernard Godard, montage Jérôme Houbron.

Cent ans et encore tant de mots à nous apprendre, tant d’histoires à nous raconter. Léopold, c’est une bibliothèque à lui tout seul !

04 Mai

Ch’Lanchron du Boin temps est sorti : l’histoire de J.Marquis, corbéen, soldat en 1870

Incroyable trouvaille : la rédaction de Ch’Lanchron publie les carnets inédits d’un soldat de la guerre de 1870, Joseph Marquis, « Un Picard, qu’il o écrit en vérs picards, és djerre à li. »

Joseph Marquis est né à Corbie, en 1849. Il part à la guerre en octobre 1870, en revient onze mois plus tard :

« Das ch’tos d’soldats morts qu’on n’erconnoét pu personne,

y éro ti un père ou eine mère qui pardonne

à tous chés massacreus éq la guerre inrichis. »

« La découverte de ce trésor picard aurait pu s’avérer décevante d’un point de vue linguistique, explique Ch’Lanchron. Il n’en est rien! Bien au contraire, les qualités de la langue utilisée par Joseph Marquis sont innombrables….C’est que l’ensemble de (son) oeuvre est écrite en vers classiques. Alexandrins ou octosyllabes, des milliers de vers remplissent les huit carnets picards ! »

Poèmes de guerre, mais aussi poèmes de vie : Joseph raconte sa ville natale, Corbie, il nous parle « des vieilles rues (celles qui ont connu les remparts), les portes de la ville fortifiée, ou encore les puits et les chapelles, mais aussi la vie dans le marais, la chasse, la pêche, les farces et les jeux comme les légendes qui y sont liées, tout est décrit dans la cinquantaine de textes restés encore inédits à ce jour. Ils ne devraient cependant pas rester longtemps dans l’ombre, un projet d’édition étant d’ors et déjà amorcé » explique Jean-Luc Vigneux.

Une histoire incroyablement riche et intéressante, des textes d’une grande valeur, à décourvir sans faute dans le numéro 125-126 de Ch’lanchron !

http://lanchron.fr/

Reportage :