23 Oct

Le Festival Jacques Brel vient à la maison

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©Clémence Baverel

Chaque année au début de l’automne, Vesoul se souvient de l’hommage que Jacques Brel lui rendit un jour et lui consacre un festival. A vrai dire, les chansons du grand homme ne résonnent pas spécialement dans les cafés, mais l’esprit de la convivialité autour de la chanson française y est omniprésent.

J’ai rencontré James Gamet, responsable des actions culturelles du Théâtre Edwige Feuillère (le Thèv’ pour les avisés), berceau du FJB. Son rôle c’est de négocier, programmer, organiser, superviser et communiquer sur tout ce qui se passe en dehors de la programmation culturelle du théâtre. Il est sur tous les fronts et pourtant il a l’air cool, serein… Cela fait 10 ans qu’il est là, et en tant que vésulien, il n’a manqué aucune des 13 éditions du festival.

 Le concept « hors les murs »

Cette année, 5000 spectateurs sont attendus pour les concerts prévus au théâtre, mais en réalité le public du FJB est bien plus nombreux. En dehors des artistes programmés au Thév et dans les cafés-concerts, ce festival a de particulier qu’il se déplace jusqu’à vous… ou presque. « Ce qui est intéressant,  c’est d’aller toucher les gens là où ils sont. C’est à ça que servent les « actions culturelles ». On a commencé jeudi avec les Clara Yucatan, dans un projet appelé « collège tour ». Un atelier de 2 heures de percussions corporelles, de beatbox avec une classe, en vue d’un concert sur la dernière heure de cours. Tous les élèves, les profs, le personnel y assistent ensemble, et la classe qui a travaillé le matin avec le groupe participe au concert. »

 Chez toi ou chez moi ?

Et puis il y a les « chansons à domicile », une formule qui marche du tonnerre : 4 artistes, 12 concerts, pendant 1 semaine. Ils jouent dans votre cuisine, dans votre salon. L’entrée est gratuite, contre la promesse d’acheter au moins un billet pour la saison en cours du théâtre. Le deal est plutôt bon… pour les deux parties. Vous, vous aurez deux spectacles pour le prix d’un, dont l’un sans quasiment bouger de chez vous, et le Thèv a vu ainsi sa fréquentation tripler en trois ans. « On est toujours dans la même démarche, tout le monde doit se sentir « à la maison », l’esprit de convivialité est omniprésent au théâtre ou en dehors. Ce théâtre ne nous appartient pas, il appartient à tout le monde ! On arrive à avoir une place de spectacle à 7 ou 8 euros, comme pour le cinéma, c’est hyper avantageux. C’est une volonté qui a été mise en place il y a trois ans avec la nouvelle directrice Charlotte Nessy. »

 Afin  que tout le monde puisse avoir un petit bout de festival, James et son équipe se sont fixé une mission de « culture pour tous ». Ainsi, les publics « empêchés », ceux qui, a priori, ne pourront pas assister aux concerts au théâtre, les artistes viendront à eux : Liz Cherhal fera une série de concerts à l’hôpital (voir le reportage France 3 de Florence Petit et Fabienne Lemoing), et José Shungu animera un atelier musical écriture-interprétation-enregistrement pour une dizaine de détenus à la Maison d’arrêt de Vesoul.

 Une prog pour mettre tout le monde d’accord

Le public est conquis. Et les artistes, alors ? Parmi les centaines de candidatures que reçoivent James et son équipe, comment choisir ? Quelle combinaison d’artistes fera LA bonne programmation, qui plaira au plus grand nombre ? Il y a plusieurs secrets de fabrication. D’abord, « contrairement à ce qui a pu être fait dans les premières éditions du festival, plus de tête d’affiche qui descend de son tour-bus et y remonte aussi sec après le show, non sans avoir empoché le gros chèque qui va avec la notoriété ». Non. Les artistes qui se produisent au FJB aujourd’hui se donnent sur scène et sont accessibles, ils ont envie de cette rencontre avec le public, à l’image de Jane Birkin, Barcella ou Oxmo Puccino, en têtes d’affiches cette année.

L’esprit du festival, c’est une volonté de miser sur les artistes de demain, aussi. La petite salle Parisot, à côté du Thèv, aura vu Bénabar, Jeanne Cherhal ou Keren Ann dans les premières éditions, jouer en première partie de grands noms du moment ! « On le voit encore maintenant avec Barcella qu’on accueille cette année. Il a remporté le concours Jacques Brel en 2009. Il est arrivé de Reims avec la Twingo de sa mère sous une pluie diluvienne, avec son ukulélé ! Il a mis tout le monde d’accord en remportant le concours et maintenant, il remplit des salles partout en France. »

 Jeune talent cherche grande scène

Car le temps fort du FJB, c’est le concours des jeunes talents. Le concours Jacques Brel, donc. 6 jeunes artistes venant de toute la France  passent devant un jury composé de professionnels, de lycéens, « et une voix du public ». Mais avant cela, ces 6-là ont été sélectionnés parmi 130 autres par James et son équipe. « Le concours se déroule dans la soirée du dimanche, ils ont chacun une demie-heure pour faire leur show devant le public et le jury. » Avant ça, le samedi, ils entrent en « campagne », avec « les artistes dans la ville ». Les candidats au concours se produisent dans des lieux parfois insolites (comme à La Poste, devant les étagères de colissimo, pendant que les gens font la queue). « Toute la journée, les gens peuvent venir à la rencontre des artistes, et parfois ils les suivent, de concerts en concerts. Et puis les candidats se rencontrent entre eux, et la compétitivité disparait pour laisser place à un réseau d’échanges, de contacts, de convivialité. Voilà comment on souhaite construire les choses. »

Celui qui remporte le concours gagne 3000 euros, une résidence au Thév et la première partie d’une tête d’affiche.  « On retrouve cette année dans le festival beaucoup d’artistes qui ont remporté le concours Jacques Brel, on suit régulièrement leur activité, et quand ils ont une actu forte, un nouvel album, on les invite à revenir au festival. Ils répondent toujours présent ! »

 Voilà la recette du succès du Festival Jacques Brel : de vraies valeurs, des artistes proches de nous, un esprit fidèle au grand Jacques. Le festival vésulien a gagné le pari d’apporter la culture jusque dans votre maison pour qu’elle ne vous quitte plus. Mieux, pour que vous en redemandiez !