02 Juin

Polémique autour du financement de la permanence parlementaire de Philippe Folliot

Une polémique agite la campagne des législatives dans le Tarn. Elle porte sur le financement de la permanence parlementaire de Philippe Folliot. Le député sortant a-t-il financé son local albigeois avec l’argent public ? Le contribuable a-t-il payé un bien qui enrichit le patrimoine (privé) de Philippe Folliot ? Enquête.

Philippe Folliot (Photo : Vincent Isore / MaxPPP)

Philippe Folliot (Photo : Vincent Isore / MaxPPP)

Le PS tarnais veut des réponses et le fait savoir par un communiqué de presse. Un concurrent de Philippe Folliot, Pierre Laporte, demande des éclaircissements et le dit publiquement. Le financement de la permanence parlementaire de Philippe Folliot aiguise la curiosité. Ce coup de projecteur est lié à un article publié dans la livraison hebdomadaire de L’Obs. Un article qui précise un point (potentiellement) sulfureux : la permanence parlementaire de Philippe Folliot a été financée par une enveloppe de l’Assemblée. La fameuse Indemnité Représentative de Frais de Mandats (IRFM).

D’un montant mensuel de 5 840 euros brut, l’IRFM vient s’ajouter à l’indemnité du député et à l’enveloppe permettant de rémunérer les collaborateurs. L’IRFM permet de faire face à des dépenses ordinaires : déplacements, restaurants…S’agissant de Philippe Folliot, l’IRFM aurait servi à financer l’achat de sa permanence. Autrement dit, le député sortant aurait payé les mensualités de son crédit immobilier en piochant dans l’IRFM.

Contacté par France 3 Occitanie, Philippe Folliot confirme l’utilisation de ce procédé. Mais il concerne uniquement son local castrais.

Un achat financé par l’IRFM à Castres jusqu’en 2012

Avant 2012 et une modification du règlement de l’Assemblée, des député(e)s pouvaient faire une excellente affaire. Un prêt à taux zéro pour acheter un bien immobilier. En soi, c’est déjà une jolie opération. Mais ce n’était pas tout. Les heureux bénéficiaires pouvaient rembourser les mensualités de leur crédit grâce à l’argent de l’Assemblée.

Philippe Folliot le reconnaît. En 2002, il a pu bénéficier (en toute légalité) de ce dispositif. Le député tarnais a bénéficié d’un crédit de l’Assemblée pou acheter sa permanence castraise en 2002. Et, cerise sur le gâteau, Philippe Folliot a remboursé l’emprunt avec l’argent de…l’Assemblée. Le député a utilisé l’IRFM.

Le député tarnais a fini de rembourser en 2012 ce prêt « royal ». Royal est le mot. Un taux d’intérêt imbattable et des remboursements financés par le…préteur. Tous les emprunteurs rêvent d’un telle générosité.

Une générosité particulièrement prodigue. En effet, l’Assemblée ne permettait pas seulement d’acquérir un bien quasiment à titre gracieux. Cet incroyable système permettait à des député(e)s d’accroître leur patrimoine personnel. Une fois acquise et même en cas de non-réélection, la permanence reste propriété du député. Il peut la transformer en commerce et en tirer des bénéfices ou la revendre avec une belle plus-value.

Tout cela appartient au passé. L’enrichissement personnel des député(e)s sur le dos des contribuables faisait tâche. Le règlement de l’Assemblée a été modifié. Il est désormais impossible (et illégal) de financer l’achat une permanence en utilisant l’IRFM.

Philippe Folliot a bénéficié d’un système aujourd’hui interdit. Ce n’est pas le seul. Dans le département du Tarn, un autre parlementaire aurait fait de même. Dans le Lot, selon nos informations, une parlementaire a également financé l’achat de sa permanence en utilisant l’IRFM.

Après le redécoupage électoral de 2010, la circonscription de Philippe Folliot a intégré une partie d’Albi. Le député de la « 1ère » a décidé d’ouvrir une permanence dans la préfecture tarnaise.

Mais, cette fois-ci, Philippe Folliot a opté pour une location.

Une location à Albi à partir de 2012

Philippe Folliot est formel. Il n’est pas propriétaire de son permanence albigeoise. La question de l’utilisation de son IFRM pour un éventuel achat ne se pose pas selon lui. Effectivement, vérification faite, Philippe Folliot n’apparaît pas dans la Société Civile Immobilière (SCI) propriétaire du local utilisé par Philippe Folliot.

La SCI en question a été enregistrée aux greffes du Tribunal de Commerce de Castres, le 12 novembre 2012. Cet enregistrement fait suite à un sous-seing privé en date du 19 septembre 2012. Le nom de Philippe Folliot n’apparaît pas dans la liste des associés.

Le député sortant évoque un bail signé entre lui et la SCI. Un bail qui se termine le 18 juin prochain et qui donc correspond à une location. La gérante de cette SCI n’est autre que son ex-épouse et ex-assistante parlementaire et que les membres de cette société sont… ses trois enfants !

La nature « familiale » de la SCI n’est pas neutre.

Les loyers versés par Philippe Folliot sont financés par l’Assemblée. C’est valable pour tout(e)s les député(e)s de France et de Navarre. L’IRFM (abondée par les caisses du Palais-Bourbon) a (notamment) comme vocation de permettre le règlement des frais de logement.

Les enfants et l’ex-épouse de Philippe Folliot bénéficient donc d’un financement public.

C’est parfaitement légal. Le règlement de l’Assemblée n’interdit absolument pas les locations « familiales ».

Le projet de loi (présenté François Bayrou) veut renforcer la « moralisation » de la vie publique et prévoit l’interdiction des emplois « familiaux ». Mais le nouveau Garde des Sceaux ne pousse pas les feux jusqu’aux SCI des parlementaires.

Cela étant, en pleine campagne des législatives, le « grand déballage » autour du patrimoine immobilier de Philippe Folliot ne sera pas sans conséquence. Les adversaires du député sortant ne vont pas manquer de saisir le bâton…pour essayer de le battre. Et même de l’abattre.

 

Laurent Dubois (@laurentdub)