29 Mai

Enquête sur les suppléants des candidats aux législatives : comment sont-ils choisis ?

Les suppléants sont les seconds rôles des législatives. Ils labourent les marchés et distribuent des tracts. Mais, en cas de victoire, ils ne siègent pas à l’Assemblée. En Occitanie, ces « supplétifs » ne sont pas tous d’illustres inconnu(e)s. Revue de détails.

Assemblée Nationale. Photo : Max PPP/Isorel

Assemblée Nationale. Photo : Max PPP/Isorel

En Occitanie, 1166 candidats sont en piste pour les législatives. La moitié (583) ont vocation à ne jamais franchir le perron du Palais Bourbon. Aucune indemnité, une place dans l’ombre, la lourdeur d’une campagne sans la lumière médiatique. C’est la dure condition des suppléants.

Le fragile espoir de devenir député(e)s

Durant la législature qui vient de s’achever certains remplacants ont pu quitter le banc de touche. La nomination au gouvernement de Carole Delga, Philippe Martin, Kader Arif et Sylvia Pinel ont permis à leurs suppléant(e)s de devenir député(e)s.

Un de ces « heureux élus » bascule ouvertement dans le camp des « vrais » candidats. L’ancien suppléant de Carole Delga, Joël Arrivagnet décroche la tête d’affiche. La présidente de Région, qui ne se représente pas, est très présente à ses côtés et mène campagne. Mais, dans le Comminges, sur la 8éme circonscription de la Haute-Garonne, le second rôle est désormais au premier plan.

L’histoire ne se termine pas toujours aussi bien. Un suppléant peut connaître son heure de gloire (en siégeant à la place du titulaire) et finir aux oubliettes. Dans le Tarn-et-Garonne, c’est le scénario qui s’est produit entre Sylvia Pinel et Jacques Moignard. Ce dernier a pu profiter d’un bail assez long, plus de trois ans et demi. Mais les relations entre l’ex-ministre et l’ancien suppléant se sont soldées par une froide indifférence. Pour ne pas dire une impression de mépris et un sentiment de dépit du côté de Jacques Moignard.

Un vieux routier des élections décrit un tableau sombre du statut de suppléant :

C’est vraiment un truc de c… Si ça se passe bien et que le candidat est élu, c’est au revoir et merci. Et si l’élection est perdue, il faut prendre sa part de chagrin. Je n’ai jamais vu un suppléant élu.

Ingratitude et responsabilité illimitée. Le programme n’est pas vraiment attractif. Mais le code électoral est le code électoral. S’agissant des législatives 2017 comme des scrutins précédents, deux noms sont déposés en préfecture. Les affiches électorales ne comportent pas toujours (c’est même assez rare) les photos du titulaire et du suppléant. Mais c’est un ticket qui se présente face aux électeurs. Pour le composer, des critères géographiques et de représentativité sont mis en avant.

L’art et la manière de sélectionner un suppléant

La procédure de sélection peut varier. Au FN, comme le précise Frédéric Cabrolier, le candidat choisit mais le national valide.

Il faut que le suppléant soit représentatif de la circo. Mon suppléant est élu à Albi, il travaille à Castres et il est originaire de Lacaune. C’est moi qui l’ait choisi. Mais le national a validé.

Au parti socialiste, une candidate, la députée sortante Valérie Rabault, a introduit un dispositif made in Tarn-et-Garonne :

Mon ancien suppléant, Roland Garrigues, souhaite arrêter et j’ai souhaité un axe ruralité fort. J’ai voulu que mon binôme soit basé-dessus. Mon suppléant est professeur dans un lycée agricole et il a repris une exploitation. Mais j’ai voulu associer les militants et j’ai fait voté pour le binôme.

Dans les rangs de La République en Marche (LREM), la procédure de sélection reprend la méthode usuelle au PS et chez Les Républicains. Députée sortante et candidate sur la 6ème circonscription de la Haute-Garonne, Monique Iborra précise :

Ce sont les candidats qui choisissent. Généralement, on essaye de trouver quelqu’un de connu et qui peut être disponible. Le critère géographique est important. Il faut que le suppléant représente un territoire de la circo. La parité n’est pas une obligation. On peut avoir un suppléant homme et un candidat homme. Mais la parité est recommandée.

Les grands vainqueurs de cette alchimie sont les élus. C’est particulièrement vrai en Haute-Garonne avec une forte présence (chez les candidats PS) de conseillers départementaux.

Les élus locaux « champions » de la suppléance

Des candidats sélectionnent leurs suppléant(e)s sur la base de leur statut social ou de leur activité professionnelle. Ce qui revient d’ailleurs souvent au même. C’est le cas, par exemple, de la candidate LREM sur la 9ème circonscription de la Haute-Garonne, Sandrine Mörch. La nouvelle venue en politique a opté pour une recette ultra-classique et éprouvée : un médecin. Les professionnels de santé ne prescrivent pas seulement des médicaments. Ce sont des prescripteurs d’opinions qui sont au contact de la population et bénéficient d’une image positive. Tous les électeurs sont des malades en puissance et des patients potentiels. Une blouse blanche sur une affiche électorale, c’est un gage.

Mais, ce ne sont pas les médecins qui sont les grands gagnants de la course à la suppléance. Les élus locaux sont sur la 1ère marche du podium. C’est le cas dans le Tarn avec le député sortant (Alliance Centriste) Philippe Folliot. Sa suppléante est 2ème adjointe à la mairie d’Albi. Toujours dans la rubrique élu municipal, on peut citer la suppléante de la candidate PS sur la 6ème circonscription de Haute-Garonne : Camille Pouponneau a choisi la maire d’une commune.

Dans le Lot, le candidat LREM sur la 1ère circonscription, Sébastien Maurel a également opté pour une maire.

Le numéro 3 du PS et candidat sur la 9ème circonscription de la Haute-Garonne, Christophe Borgel, a pris comme suppléant le maire (PS) de Portet-sur-Garonne, Thierry Suaud. L’élu local se serait bien vu candidat à la place du candidat. Thierry Suaud bénéficie d’un lot de consolation.

En Haute-Garonne, plusieurs candidats PS donnent une prime aux conseillers départementaux de leur parti. Gérard Bapt (député sortant et candidat sur la 2ème circonscription) a une conseillère départementale comme suppléante. Martine Martinel (4ème circonscription), Kader Arif (10ème circonscription) ont également pioché dans le vivier du conseil départemental.

Dans le Gers, un candidat a également sélectionné un élu départemental. Pas n’importe lequel. Il s’agit de l’ancien ministre, député sortant et président PS du Conseil départemental Philippe Martin.

Un super-élu local comme suppléant : le président du Gers, Philippe Martin.

Les législatives 2017 sont marquées par le renouvellement. De nouveaux visages et sortants qui prennent la sortie. C’est le résultat de la loi anti-cumul. Plusieurs député(e)s PS ont quitté la scène parlementaire pour des raisons personnelles. C’est le cas dans l’Ariège de Frédérique Massat. Mais le retrait de Carole Delga et de Philippe Martin a un motif juridique. Un texte voté en février 2014 doit entrer en vigueur en juillet 2017, le cumul entre un mandat parlementaire et un exécutif local va être interdit.

Philippe Martin a préféré le Gers au Palais Bourbon. L’ancien ministre tourne la page de 12 années de séances de nuit et de travail en commission. Mais la transition se fait en douceur avec Francis Dupouey. Philippe Martin est le suppléant de son successeur (potentiel) sur la 1ère circonscription du Gers. L’ex-député livre ses premières impressions sur cette (drôle) d’expérience :

Au départ, je n’étais pas favorable à cette idée. Je voulais tourner complètement la page. Mais les militants et le candidat me l’ont demandé. Ça rassure que je sois aux côtés du candidat.Au début, cela fait une drôle d’impression. On apprend à parler en dernier. Je découvre. Et puis c’est toujours un peu frustrant. Le candidat désigné ne fait pas exactement la même campagne que l’on ferait si on était candidat.

Député ou président du Gers, Philippe Martin conserve son sens de l’humour. Il évacue, dans un éclat de rire, une hypothèse. Celle d’un jeu de billard à deux bandes. Redevenir député si son candidat (une fois élu) est nommé ministre.

Laurent Dubois (@laurentdub)