07 Juil

« Georges Frêche avait une volonté hors-norme que je retrouve avec Carole Delga »

Le documentaire a été rediffusé par France 3 le 6 juillet dernier. 98 minutes dans l’ombre et la lumière de Georges Frêche. Aux côtés de la personnalité (massive) du « Président« , en toile de fond et parfois au premier plan, une silhouette. Celle de Laurent Blondiau. A l’époque du tournage, c’est l’homme de la com’ de Georges Frêche. Six ans après le tournage du film, Laurent Blondiau est toujours à l’hôtel de Région. Mais c’est l’hôtel d’une région devenue grande suite à la fusion du Languedoc-Roussillon avec Midi-Pyrénées.

L’actuel directeur de cabinet de la présidente de Région revient sur le tournage du « Président« . Au delà du « backstage », Laurent Blondiau revient sur la personnalité et l’empreinte de Georges Frêche.

-

Le Blog Politique. Comment est née l’idée du film ? En tant que patron de la communication de Georges Frêche, comment avez-vous réagi à ce projet ? Georges Frêche étant partant ou il a fallu le convaincre ?

Laurent Blondiau. De nombreux observateurs estimaient qu’il s’agissait de sa dernière campagne après 40 ans de vie politique, nous avions donc reçu plusieurs propositions de documentaires, dont celle d’Yves Jeuland. Yves Jeuland était déjà à l’époque un réalisateur reconnu en matière de politique avec notamment le film sur la victoire de Delanoë à Paris en 2001et un doc sur Georges Marchais. J’ai rencontré Yves en juillet 2009. La connexion s’est vite faite d’autant que je connaissais son producteur, Alexandre Hallier. Nous en avons discuté avec Frédéric Bort. Il nous a semblé important de « fixer » Frêche à l’image, de laisser une trace pour lui. Nous avons soumis l’idée au Président qui a été immédiatement d’accord.

Le Blog Politique. La camera et le micro étaient ouverts en permanence ? Le film était-il une caméra embarquée en toute liberté ?

le-president-y-jeulandLaurent Blondiau. C’était LA condition d’Yves Jeuland et nous l’avons respectée à la lettre. Yves a eu accès à tout : les discussions stratégiques, les sorties sur le terrain, les réunions politiques. Il travaille seul avec sa caméra, on l’a rarement dans son champ de vision donc il était quasiment invisible. Le film le démontre. Et puis lorsque vous êtes en campagne électorale, l’activité est intense, la pression maximum, et singulièrement celle-ci puisque Frêche avait contre lui presque tout le monde. On ne joue pas un rôle tant l’engagement est total.

Le Blog Politique. Georges Frêche était connu pour son tempérament volcanique et imprévisible. Vous redoutiez un dérapage ?

Laurent Blondiau. Le mot « dérapage » est utilisé par le microcosme parisien pour fusiller ce qui n’est pas politiquement correct. Par contre, Frêche savait que certains de ses mots avaient pu blesser des gens. Pour avoir travaillé avec lui dans ces moments de crise, je veux rappeler qu’il a chaque fois présenté ses excuses, et il devait le faire, et qu’aucune condamnation en justice n’a été prononcée. Il était imprévisible dans les idées, surtout. Durant toutes ces années de collaboration, Frédéric Bort et moi-même lui avons toujours parlé franchement, et sur tous les sujets. Le film le montre : nous n’étions pas des courtisans.

Le Blog Politique. Quelle scène vous a le plus marquée ?

Laurent Blondiau. Celle où il gravit seul, péniblement et appuyé sur sa canne, l’escalier qui monte sur la scène du Zénith de Montpellier, où derrière le rideau noir attendent plus de 5.000 personnes. C’était ça, Frêche : une volonté hors normes. La politique, c’est en quelque sorte un sport de haut niveau. Il faut un gros mental. Je retrouve cela aujourd’hui avec Carole Delga.

Laurent Blondiau (Twitter)

Laurent Blondiau (Twitter)

Le Blog Politique. Des scènes ont elles été coupées au montage ? Et parmi ces scènes coupées vous en garder une en mémoire ?

Laurent Blondiau. Aucune pour la bonne raison que nous n’avons pas vu le film avant sa sortie en avant-première à Montpellier. Nous ne l’avons pas demandé et de toute façon Yves ne l’aurait pas accepté.  Et, surtout, le Président est décédé quelques jours auparavant.  La sortie du film s’est faite dans une drôle d’ambiance. Nous avions quitté la Région avec Frédéric. D’un côté, nous étions des pestiférés pour quelques personnes soucieuses de leur petite carrière et de l’autre, les habitants de Montpellier nous tapaient dans le dos dans la rue.

Le Blog Politique. Une scène est incroyable. Georges Frêche parle, les larmes aux yeux, lors d’un meeting de son père, pauvre et en sabot. Puis, en petit comité, Georges Frêche reconnait qu’il a inventé toute histoire. Votre réaction

Laurent Blondiau. Dans cette campagne, Frêche avait des accents churchilliens. Cette campagne, c’était le Vieux Lion contre le reste du monde.  Cela tenait, pour une bonne part, au fait que son nom était sali par ses adversaires ou la presse parisienne. Il y avait un complet décalage entre le ressenti sur le terrain, dans la région, où les gens se précipitaient sur lui pour le toucher et l’embrasser, et la curée médiatique. Dans ces moments d’extrême tension, lui, le fils unique, parlait beaucoup de son père et de sa mère qui n’étaient plus là. Les larmes n’étaient pas feintes. Les sabots, c’est pour le storytelling. C’était une image pour dire : je viens de l’Ariège, je viens de la terre. Et je vais montrer aux souliers vernis du VIIe arrondissement de Paris que le peuple m’aime. Et le peuple a répondu présent.

Le Blog Politique. Un film comme le Président c’est un film unique ? Un film qui ne pouvait être tourné qu’avec Frêche et sur Frêche ?

 Laurent Blondiau. Depuis sa mort, il n’y a pas eu un jour sans que l’on me parle de lui, même avant de revenir à la Région. Et du film aussi, donc l’objectif que nous nous sommes fixés avec Frédéric est atteint. Ce film d’Yves Jeuland restera de fait comme un grand documentaire politique. Oui,  bien entendu, Frêche était unique. C’était un grand animal politique. Qui a certes beaucoup parlé, mais qui a beaucoup fait. Parfois, on me demande si je suis fier d’avoir été dans le film. Je ne peux répondre à cette question car j’ai surtout le sentiment d’avoir fait mon job de collaborateur, point. Par contre, ce qui est sûr, c’est que je suis fier d’avoir servi Georges Frêche.

Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)