26 Fév

Réforme du code du travail, Martine Martinel (députée PS) : « On n’en peut plus »

La polémique tourne à la fronde. Des fédérations socialistes votent des motions contre la réforme du code du travail. La présidente (PS) de la commission des affaires sociales, la députée Catherine Lemorton fait la tournée des médias et tire à boulet rouge sur le projet de « son » gouvernement. La parlementaire haute-garonnaise n’est pas la seule à donner de la voix. Une autre députée, Martine Martinel, interpelle publiquement Manuel Valls et pourrait ne pas voter la réforme. Interview.

Martine Martinel. Députée de Haute-Garonne

Martine Martinel. Députée de Haute-Garonne

Le Blog Politique. Vous êtes une députée socialiste. En tant que socialiste comment réagissez-vous à la tempête soulevée par le un projet de réforme du code du travail ? 

Martine Martinel. En tant que socialiste, je trouve que le tohu-bohu qui monte est troublant. J’ai l’impression d’être face à un gouvernement qui n’entend pas. L’erreur de l’exécutif c’est qu’il ne s’appuie pas sur les siens et qu’au contraire il divise les socialistes. Avant d’annoncer des mesures ou de parler d’une réforme du code du travail, l’exécutif aurait du consulter et essayer de fédérer. J’ai l’impression que l’on est dans une marche en avant, un coup de force, qui donne l’impression de nous mener droit dans un mur. Le code du travail, c’est un symbole. Quand on parle de code de travail, même pour des gens qui ne l’ont pas lu, c’est synonyme de droits acquis, d’acquis sociaux. On ne touche pas à un symbole comme celui-ci sans concertation. On ne gouverne pas tout seul et sans partenaires.

Le Blog Politique. Redoutez-vous une fracture entre le PS et le gouvernement ?

Martine Martinel. Oui. On peut assister à une fracture entre le PS et le gouvernement. D’ailleurs, elle existe. Dans les sections ou les fédérations, plus personne ne s’y retrouve. Ce n’est pas toujours sur le fond. Mais, après la déchéance de nationalité, il y avait un vrai problème. Quand je dis cela, ce n’est pas dans l’idée de tirer sur le gouvernement à tout prix. Mais 14 mois avant la présidentielle, il y a de quoi être déstabilisé par les atermoiements ou une méthode autoritaire. Cela crée un sentiment de révolte et d’injustice. Nous avons fait de bonnes choses tout au long du quinquennat et tout est occulté. 14 mois avant une élection, il n’est vraiment pas utile de créer des conflits. Même si on est loyal, on n’en peut plus.

Le Blog Politique. Dans une tribune publiée dans « Le Monde », Martine Aubry attaque frontalement Manuel Valls. Le premier ministre lui a répondu. Votre réaction face à ce grand déballage en public ?

Martine Martinel. L’impression d’un incendie qui se propage. Une tribune contre une tribune, une tribune qui répond à une autre tribune. On a l’impression d’une préparation de congrès. Les uns qui taclent les autres en public, ce n’est pas du tout glorieux. Il faut penser aux électeurs et au spectacle que cela peut donner.

Martine Aubry et Manuel Valls lors d'une visite du premier ministre à Lille. Photo MaxPPP

Martine Aubry et Manuel Valls lors d’une visite du premier ministre à Lille. Photo MaxPPP

Le Blog Politique. Le projet de loi va être examiné par l’Assemblée dans le courant du mois de mars. Quelle va-être votre attitude ? Vous allez voter le texte ? 

Martine Martinel. Je revendique le temps du débat parlementaire. L’idée d’utiliser le 49-3 (NDLR disposition constitutionnelle permettant d’adopter un texte sans vote) est tout simplement insupportable. Le gouvernement ne peut pas s’exonérer d’un vrai débat, avec des amendements et des discussions en commission. Si ce temps parlementaire n’est pas respecté ou s’il est escamoté, je me réserve le droit de me prononcer contre le texte.

Le Blog Politique. Et sur le fond ? Au delà de la méthode, sur le fond, êtes-vous hostile à une modification du code du travail ?

Martine Martinel. Je suis très troublée quand je vois qu’Alain Juppé serait prêt à voter le texte et que le Medef soutient la réforme. ce simple fait devrait alerter le gouvernement. C’est quand même un signal d’alarme. Les Prud’hommes et le temps de travail, ce sont des marqueurs de gauche. Cela renvoie à des valeurs de gauche. Il ne faut pas être étonné que notre électorat soit déstabilisé. C’est même plus grave. Quand on voit un gouvernement élu par des électeurs de gauche qui se fait applaudir par les candidats à la primaire de droite, cela peut créer de la rancoeur dans notre électorat.  Je sais que la CFDT trouve certains aspects du projet positifs. Mais ce n’est pas en portant atteinte au code du travail que l’on va créer de l’emploi. Les derniers chiffres du chômages sont meilleurs et cette embellie, certes relative, n’est pas liée à une réforme du code du travail. De plus, pour le moment, je ne vois que des aspects négatifs qui remettent en cause des marqueurs forts de la gauche.

Le Blog Politique. Des manifestations sont prévues. Vous allez descendre dans la rue ?

Martine Martinel. En tant que députée socialiste, je n’irai pas manifester. Mais je répète que je serai attentive à la défense d’un vrai temps parlementaire. J’attend beaucoup du débat qui doit se dérouler à l’Assemblée et je prendrai mes responsabilités en votant contre si rien ne se passe.

Propos recueillis par Laurent Dubois (@laurentdub)