19 Jan

Absentéisme à la Région : comment « l’amendement Pinel » a failli diviser la majorité

« Amendement Pinel !« . Le cri est parti des rangs de la droite. Aurélien Pradié, conseiller régional LR du Lot, couvre, d’un seul coup, le discours de son collégue Didier Cordoniou. A la tribune, le vice-président PRG demande un assouplissement des règles encadrant l’absentéisme des élus.

Dans les rangs de l’hémicycle, à droite comme à gauche, des sourires narquois et des rires à peine étouffés, accompagnent la proposition d’amendement défendue par les Radicaux de Gauche. Plus d’absences sans avoir besoin de se justifier. La proposition est rejetée. Mais on a frôlé l’incident dans la nouvelle majorité PS-PRG. Sylvia Pinel et son groupe étaient prêts à s’abstenir lors du vote du règlement intérieur.

Hémicycle Conseil Régional-Toulouse photo : @LDubois-France3MidiPy

Hémicycle Conseil Régional-Toulouse photo : @LDubois-France3MidiPy

Lundi 18 janvier, c’est la seconde séance Plénière du Conseil Régional version Grande Région. Les 158 élus doivent adopter le nouveau règlement intérieur et un ensemble de dispositions portant sur les moyens humains et financiers de l’assemblée régionale. La journée s’annonce technique. La matinée est rythmée par le fameux CGCT (Code Général des Collectivités Territoriales) et des références à la jurisprudence du Conseil d’Etat. Bref, malgré une pique de Dominique Reynié sur le plan Marshall dédié au BTP et le vrai talent de la présidente du groupe FN pour secouer le cocotier, c’est une séquence plate et sans saveur.

D’un seul coup, vers 11 heures 30, l’atmosphère change. Gérard Onesta a présenté le nouveau règlement intérieur. Carole Delga (qui reste présidente de séance malgré l’invention d’un président du bureau de l’Assemblée) donne la parole aux groupes. C’est au tour des radicaux de gauche de présenter leurs amendements. Didier Codorniou donne immédiatement le ton. Il y a, selon les mots du vice-président PRG, « un sujet qui fâche et même qui bloque« . La phrase n’est absolument pas improvisée. Didier Cordoniou lit un discours qu’il ne quitte pas des yeux.

Le sujet « qui fâche et même qui bloque » (Didier Cordoniou répète deux fois la même phrase à deux reprises) concerne l’absentéisme des élus. Au nom des radicaux de gauche, l’élu audois commence par se démarquer d’un dispositif prévu dans le règlement intérieur : « nous déplorons vivement la publication annuelle de la liste nominative des élus présents ou valablement absents« . Pour les radicaux de gauche, cette transparence présente un « caractère inquisitorial…entretient un climat de défiance et alimente le populisme, sans parler des réseaux sociaux et des justiciers auto-proclamés« .

Didier Codorniou, Vice-président PRG du Conseil Régional

Didier Codorniou, Vice-président PRG du Conseil Régional

Ce préambule constitue déjà un coup de canif dans la nouvelle gouvernance (faite de transparence) défendue par Carole Delga. Mais le coeur de la contre-attaque radicale est à venir. Après la question de la publication des présences, Didier Cordoniaux (sous le regard de sa voisine de tribune, Sylvia Pinel) lance : « c’est l’article 7 R (NDLR disposition limitant à 3 le nombre d’absences justifiées pour d’impérieuses raisons professionnelles ou personnelles) qui bloque et qui fâche. Il pose problème aux jeunes ou anciens élus qui ont encore une activité professionnelle. Nous avons 75% de nos élus dans notre groupe qui sont chefs d’entreprises ou professions libérales. L’utilité et l’intensité du travail d’un élu ne se mesure pas à la seule aune de sa participation en commission. Cela parait complètement démagogique et fait fi de la présence sur le terrain ».

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C’est clair, net et précis. Pour Didier Codorniou, Carole Delga et Gérard Onesta vont trop loin.

Dans les couloirs du Conseil Régional, pendant la suspension de séance, un élu de la majorité se moque : « Sylvia Pinel veut faire piscine de temps en temps« . Un autre oscille entre agacement et ironie : « On demande juste aux élus d’être présents 2 à 3 jours par mois, ce n’est quand même pas la mer à boire. En plus l’argument de Codorniou sur les employés et les employeurs ne tient pas une seconde. Quand on est employeur on peut organiser son agenda et quand on est employé le patron à l’obligation de libérer des jours pour exercer le mandat« .

Pour Jean-Christophe Sellin, conseiller régional Nouveau Monde, « pas étonnant que cela vienne de gens qui cumulent les mandats et d’une 1er vice-présidente (NDLR Sylvia Pinel) qui est ministre et qui va redevenir députée ». 

Selon nos informations, Jean-Christophe Sellin vise juste. La proposition d’amendement émane bien de la ministre de François Hollande. C’est elle qui a soufflé à Didier Codorniou son discours. Pendant l’interruption de séance, les radicaux de gauche ont essayé de forcer le barrage. Une menace d’abstention a été brandie. Sans succès.

Sylvia Pinel, ministre du Logement et Vice-présidente du Conseil Régional

Sylvia Pinel, ministre du Logement et Vice-présidente du Conseil Régional

Une reculade aurait été plus qu’un camouflet. Un véritable faux-pas. Carole Delga assume sa double casquette de présidente-députée. Elle a besoin de donner des gages d’exemplarité sur sa gouvernance. Selon une source, Sylvia Pinel aurait obtenu des compensations. Lors du vote du règlement intérieur, la majorité plurielle a fait le plein de ses voix. Compensation où pas, les radicaux de gauche ont fini par rentrer dans le rang.

Laurent Dubois (@laurentdub)