31 Déc

Bernard Cazeneuve à Toulouse : revue d’effectifs et de réactions

Voilà des mois que les syndicats de police de la ville rose réclament des effectifs supplémentaires. Et ils ne sont pas les seuls à les demander, certains conseillers généraux étaient aussi montés au créneau. Ce lundi, le ministre de l’intérieur était donc attendu de pied ferme mais sans véritable grand espoir.

 

Bernard Cazeneuve et Jean-Luc Moudenc. Photo Xavier De Fenoyl

Bernard Cazeneuve et Jean-Luc Moudenc. Photo Xavier De Fenoyl MaxPPP

Le père Noël n’est pas passé pour tout le monde, notamment pour les syndicats de police. « Immense déception parce que le compte n’y est pas » déclare Didier Martinez délégué SGP-FO face à l’annonce ministérielle de cinquante policiers de plus sur la ville de Toulouse. Son syndicat, comme Alliance en espéraient deux-cents. « Ces affectations, pour partie composées d’Adjoints de sécurité, ne feront que combler les déficits des départs annoncés en retraité » poursuit Alliance Midi-Pyrénées. Et ce n’est pas la création d’une brigade spécialisée de terrain en centre-ville et ses quinze personnes qui vont les convaincre plus.

La loi des séries

Certes elle aidera peut-être à  corriger les mauvais résultats constatés en hyper centre face à des ZSP qui semblent, elles bien fonctionner. Une ZSP étendue au quartier des Pradettes initiative saluée par les députés socialistes de Haute-Garonne élus sur Toulouse. « 52% de violences urbaines en moins, 74%, près de 9% d’atteintes en moins aux personnes… » Bernard Cazeneuve a beau asséner des chiffres positifs, l’ambiance est tendue dans la ville rose. Le déficit en effectif policier y est chronique et les faits divers à la Une le sont tout autant.

Série de braquages, opérations antiterroristes, règlements de compte, lutte contre le trafic d’armes et de drogue en découlant, sans compter les dernières manifestations du samedi à encadrer… Les troupes sont épuisées et ne cessent de le répéter. Et puis en matière de chiffre, le constat est là : « Si l’on compare avec Bordeaux par exemple, Toulouse c’est 20 % d’affaires en plus et 20% d’effectifs en moins » me confiait récemment le préfet de Haute-Garonne.

Satisfaction pour Moudenc

De son côté, le maire UMP de la capitale régionale s’affiche satisfait de ces renforts policiers mais continue de remplir son cahier des charges de promesses électorales en matière d’ordre public. Jean-Luc Moudenc a désormais armé jour et nuit sa police municipale, continue de développer la « vidéo protection » et a même créé une brigade motorisée d’intervention rapide.

« L’insécurité n’est pas un sujet que l’on doit utiliser en campagne électorale mais un mal qu’il faut faire reculer » lancent en guise de pic les députés PS toulousains. Cela n’a pas empêché le maire de Toulouse et le Ministre de l’Intérieur de signer une convention pour faire mieux collaborer leurs deux polices nationales et municipales. Bernard Cazeneuve a même garanti une unité de CRS pour trois mois, le temps que les effectifs supplémentaires se déploient.

Clivages politiques

Une coopération qui fait dire à François Chollet, président du Groupe « Toulouse Ensemble » (majorité de droite et du centre de la municipalité) que « les clivages politiques ont été dépassés au service de la sécurité ». Des élus a priori heureux donc hormis ceux de l’ancienne majorité de gauche au Capitole restés silencieux voire absents sur cette visite. Difficile sans doute pour ces socialistes de ne pas partager l’analyse d’un ministre du même bord qu’eux.

Dernière question en suspens : les renforts octroyés par Bernard Cazeneuve seront-elles suivies de « rallonges » ? Il a assuré que ces annonces n’étaient qu’une première étape. On savait ce qu’avaient commandé au Père Noël les syndicats de police toulousains, on connait maintenant les vœux qu’ils formulent pour 2015…

Patrick Noviello

 

30 Déc

Régionales 2015 : les socialistes du Languedoc hors jeu ?!

Une nouvelle année dans deux jours. Et une nouveauté de taille. Dans les dernières semaines de décembre 2014, le Parlement a voté une fusion des régions. 2015 va débuter avec une carte inédite. Et se terminer par l’élection d’une assemblée régionale mêlant, pour la première fois, élus languedociens et midi-pyrénéens. Tour d’horizon de ce panorama avec une personnalité socialiste qui a un pied dans les deux régions. Universitaire toulousain, André Viola est le président du département le plus midi pyrénéen du Languedoc-Roussillon : l’Aude. Favorable à la fusion, il revient sur ses conséquences. Et surtout il fixe une règle pour les investitures de janvier. André Viola est catégorique. Le candidat à la présidence de la future grande Région doit être un partisan de la réforme. Du côté de Montpellier (ou les résistances ont été nombreuses dans les rangs socialistes), cela pousse du monde vers la sortie. En premier lieu, le président sortant du Languedoc, Damien Alary.

André Viola. Président PS du CG 11

André Viola. Président PS du CG 11

Midi-Pyrénées Politiques. La nouvelle super région n’est elle pas hors sol ? Les citoyens vont-ils se retrouver dans cette immense collectivité ?

André Viola. Aujourd’hui les conseillers régionaux ne sont pas toujours connus. La fusion va avoir cet effet. Mais ce n’est pas complément nouveau. Le maintien des départements ruraux est plus que jamais nécessaire. Ce sont eux qui vont permettre le maintien de la proximité. D’ailleurs ce serait une erreur de croire que l’on va rapproche les régions des citoyens en leur confiant la compétence des routes et des collèges. Les régions ne doivent pas se soucier de la gestion au quotidien. Elles doivent se concentrer sur les grandes orientations et les politiques stratégiques.

Midi-Pyrénées Politiques. En Midi-Pyrénées plusieurs noms circulent pour la présidence pour la présidence de la future grande Région. En revanche, du côté du Languedoc, le casting semble plus pauvre. Le leader PS aux régionales sera-t-il fatalement midi- pyrénéen ?

André Viola. Il existe des ressources politiques en Languedoc. Mais c’est vrai que peu de personnalités ont été favorables à la fusion. Et il est évident que les militants ne désigneront pas des candidats qui ont combattu la création d’une grande région. On voit mal quelqu’un qui a combattu la fusion être candidat. Ca ne passera pas. Le leader du PS ne pourra pas incarner une stratégie de repli.

Midi-Pyrénées Politiques. Parmi les sujets qui peuvent fâcher, celui du choix de la capitale régionale. Pour vous, c’est Toulouse ou Montpellier ?

André Viola. Je suis favorable à ce que les deux métropoles aient une place. Ce n’est pas possible de faire vivre une double capitale. Mais il y a des solutions. On peut imaginer que les commissions se réunissent à un endroit et que l’assemblée régionale siège à un autre. On peut aussi imaginer un siège politique dans une métropole et le transfert des services dans une autre. La présidence de la Région peut aussi se trouver dans une ville et la préfecture de la Région dans une autre.

Propos recueillis par Laurent Dubois

 

 

 

 

19 Déc

Régionales 2015 : Louis Aliot, candidat à la présidence de la future grande région

Nouvelle région. Première candidature à sa présidence.

Louis Aliot

Louis Aliot

La fusion « Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon » c’est fait depuis mercredi dernier. L’Assemblée a prononcé le mariage en adoptant définitivement une carte de France à 13 régions.

Après la géographie, c’est le temps des élections.

Il faut peaufiner les castings et investir les candidats.

Pas de calendrier officiel du côté de l’UMP. Du côté du PS, la procédure s’étale jusqu’en février prochain.

Au Front National, c’est maintenant. Louis Aliot vient d’annoncer sa candidature au blog « Midi-Pyrénées Politiques » de France 3 Midi-Pyrénées.

« Je ne me présenterai pas aux cantonales. Je vais me concentrer sur la Région. Si je suis élu président de la Région, je démissionnerai de tous mes autres mandats ».

Le député européen et conseiller régional du Languedoc-Roussillon est confiant.

« On peut gagner la région. Le PS et l’UMP sont affaiblis. Je suis la seule personnalité véritablement connue. Le scrutin régional est un scrutin où la personnalisation est vitale ».

Cette officialisation n’est pas vraiment une surprise.

Louis Aliot a siégé au Conseil Régional de Midi-Pyrénées. Originaire de l’Ariège, élu local à Perpignan, le numéro 2 du FN a un pied dans les deux anciennes régions qui, désormais, forme une super collectivité. Une super région allant de Toulouse à Montpellier.

Son profil et sa notoriété font de lui un candidat « naturel ». D’ailleurs, dans les états major politiques, son nom circulait. A l’UMP comme au PS, on s’attendait à sa candidature.

Désormais, c’est dit. Louis Aliot est candidat.

Laurent Dubois

 

 

 

 

 

16 Déc

Philippe Martin : adieu la Région ?!

Petit meurtre entre camarades. Philippe Martin « poignardé » par les instances nationales du PS. C’est le cri de colère des soutiens de l’ancien ministre. La rue de Solferino fixe, par une circulaire, les dates concernant les prochaines régionales. Pour des responsables socialistes, c’est une « circulaire anti-Martin ». Elle lui barre la route de l’Hôtel de Région.

Philippe Martin

Philippe Martin

Philippe Martin est en piste pour les départementales de mars prochain. Le président du conseil général du Gers veut retrouver son fauteuil. Mais il a également des ambitions régionales. Or il ne pourra pas courir, en même temps, après les deux lièvres.

Impossible de se déclarer en pleine campagne départementale. Pas encore (ré)élu dans le Gers, Philippe Martin peut difficilement briguer un mandat régional. Les départementales puis les régionales, c’est jouable.

En revanche, la poursuite simultanée de mandats régionaux et départementaux renvoie l’image d’un élu « glouton », prêt à croquer toutes les opportunités. C’est « invendable » auprès des électeurs.

C’est surtout un tour de « passe-passe ».

Interdiction de cumuler la présidence de deux exécutifs. Département ou Région, il faut choisir. Dans le Gers, on élève des canards. Mais ce n’est pas le pays des « dindons de la farce ». Les électeurs du département ne vont pas élire un Philippe Martin qui, une fois (ré)élu, va s’envoler vers d’autres cieux. L’annonce d’une candidature aux régionales en plein scrutin départemental relève de l’acrobatie. Une acrobatie improbable. Intenable.

Le télescopage entre le timing des régionales (dépôt des candidatures entre le 22 et 28 janvier, investiture le 5 février) et le scrutin des départementales (22 et 29 mars) élimine, de fait, Philippe Martin de la course.

D’après nos informations, Philippe Martin a rencontré Martin Malvy. Il a fait part au président sortant de son incompréhension.

Pour ses amis, le crime est signé. Christophe Borgel et Stéphane Le Foll sont pointés du doigt. Les deux hommes sont suspectés de rouler pour Carole Delga. La ministre de François Hollande est, selon ses détracteurs, la « femme de Paris ». Elle serait sponsorisée par les instances nationales. L’Elysée serait favorable à sa candidature. La jeune secrétaire d’Etat serait la grande gagnante du calendrier. Le vrai perdant, c’est Philippe Martin. Il est exclu de la compétition.

Christophe Borgel récuse l’accusation d’une manipulation. Le numéro 3 du PS rappelle que « la circulaire est nationale ». Pour le député de la Haute-Garonne, le choix du calendrier n’est absolument pas lié à Philippe Martin.

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Les soutiens de Philippe Martin ne s’avouent pas vaincus.

Vendredi, la Fédération du PS 31 va entrer en résistance. La circulaire de Solférino prévoit la possibilité d’une dérogation. Des socialistes haut-garonnais veulent faire jouer la clause. Une prolongation est possible jusqu’au 9 avril. C’est écrit (noir sur blanc) dans le texte adressé aux premiers fédéraux. Des membres de la fédération de Haute-Garonne demandent l’application de cette disposition.

L’objectif est clair : repousser les désignations aux régionales après les départementales.

Un espoir anime les soutiens du gersois (qui sont d’ailleurs parfois plus des anti-Delga que d’authentiques pro-Martin) : un effet domino qui se propage dans les autres fédérations de la région.

A suivre

Laurent Dubois

 

12 Déc

Succession Malvy, c’est parti !

Polémique avant la trêve des confiseurs. Une députée PS de Haute-Garonne n’a pas l’esprit à la fête. Quinze jours avant Noel, Monique Iborra ne fait pas de cadeau aux instances nationales de son parti. La parlementaire publie un message (au vitriol) sur Facebook et dénonce un « déni de démocratie ». Monique Iborra met en cause le calendrier pour les candidatures aux prochaines élections régionales.

Monique Iborra, députée PS de Haute-Garonne

Monique Iborra, députée PS 31

Pour elle, les échéances sont trop courtes et ne tiennent pas compte de la fusion de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon. C’est trop tôt s’agissant d’un territoire très grand.

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Un responsable départemental du PS ne partage pas son point de vue.

D’après lui, « le choix du mois de février pour la désignation des têtes de liste est une nécessité. Ce n’est pas pour forcer la main à qui que ce soit. Nous n’avons pas le choix. Il vaut mieux partir tôt que tard. Que propose Monique Iborra ? Attendre la fin des départementales du mois de mars ? Organiser une désignation en avril ? Ce serait bien trop tard ».

Cette tempête dans un bocal est révélatrice.

Monique Iborra siège au Palais Bourbon. Mais elle connaît également l’Hôtel de Région. Elle a été une élue midi-pyrénéenne de 2004 à 2012. Face à des législatives qui s’annoncent meurtrières pour le PS, le terrain régional peut offrir une zone de repli.

Une zone de repli. Et même une zone avec fauteuil présidentiel.

La succession de Martin Malvy est ouverte. Le président sortant ne s’est pas encore exprimé. Stop ou encore. Personne ne sait vraiment. Mais des signes alimentent les spéculations. Des signes subliminaux. Mais très clairs.

Martin Malvy et Carole Delga

Dans une interview donnée à la presse ariégeoise, Carole Delga a ouvertement annoncé son intérêt pour les prochaines échéances régionales. Cette déclaration n’a rien d’une improvisation. Ni d’un coup de force. Carole Delga a bien précisé que son entrée en piste dépendra de la décision de Martin Malvy. Pas question de sortir le sortant. On est loin de la brutalité d’un Kader Arif. Lors des précédentes régionales, l’ancien secrétaire d’Etat n’hésitait pas à mettre en cause l’âge de Malvy.

Mais, au-delà des mots, il y a les gestes.

Carole Delga est très présente aux côtés du président Malvy. L’ancienne conseillère régionale et actuelle ministre est sur toutes les photos : SISQA (Salon de la Qualité Alimentaire), journée sur l’Economie Sociale et Solidaire organisée à l’Hôtel de Région.

Passation de relai ? Préparation d’un ticket ?

Dans les couloirs du Conseil Régional et les arcanes socialistes, cette omniprésence ministérielle a été remarquée. La réaction brutale de Monique Iborra n’est pas forcément étrangère à ce contexte.

En OFF, certains socialistes réduisent la déclaration au vitriol de Monique Iborra à une rivalité féminine. La députée voudrait gagner du temps pour préparer sa candidature. Contactée par téléphone, Monique Iborra estime prématurer de parler des régionales. Mais elle ne dément pas être intéressée.

En tout cas, une chose est certaine. Les régionales 2015, c’est maintenant.

Laurent Dubois

 

 

 

11 Déc

Elections professionnelles : quels enseignements ?  

 

Elles viennent de s’achever dans la Fonction Publique. Constituent-elles vraiment un indicateur des aspirations sociales et politiques des fonctionnaires ? Mettent-elles en exergue des tendances politiques ? Pas évident.

 

Quoi de neuf tout d’abord ? Une première depuis 38 ans : FO perd la majorité à la Mairie de Toulouse. Il faut dire que l’affaire Falba, du nom de son ancien leader soupçonné d’abus de confiance, a laissé des traces. La CGT en profite. Un syndicat donc plus à gauche dans une mairie qui vient de repasser à droite. Premier signe que les personnels ne suivent pas forcément la tendance politique.

 

Autre place forte où FO perd le leadership : la police. Alliance passe devant en termes de suffrages mais les deux syndicats ont au final le même nombre de sièges : quatre. Assiste-t-on à une droitisation des troupes dans une période où l’ordre public est ébranlé par une série de manifestations dures en centre-ville de Toulouse et après l’impopularité des forces de l’ordre liée au décès de Rémi Fraisse à Sivens ?

 Votes et manifs 

La CGT gagne du terrain à la mairie mais en perd chez Airbus.  Il faut dire que dans cette entreprise le « marqueur » lutte sociale est moins fort qu’ailleurs, la centrale reconnue comme particulièrement contestataire y recueille donc moins de suffrages.

 

Un théorème qui ne se vérifie pas à l’hôpital où les grèves et autres rassemblements sont incessants depuis des mois. La Confédération Générale du Travail reste majoritaire mais perd 11% de ses voix en trois ans pendant que la CFDT en gagne autant pour se placer deuxième centrale devant FO et Sud.

 

Autre zone de contestation syndicale : les collectivités locales. La nouvelle carte des régions y entraîne une crainte de suppressions de postes. C’est l’argument massue de la CGT à l’Hôtel de Région. Au Conseil Général de Haute-Garonne, Sud-Solidaire préfère pointer le spectre de la métropolisation. Argument gagnant, le syndicat remporte un siège supplémentaire et vire en tête.

 

Top et flop de participation

 

De grands écarts de participation caractérisent enfin ces élections professionnelles d’un secteur à l’autre. Les hospitaliers se sont peu déplacés aux urnes, moins d’un tiers de votants, contrairement aux Finances Publiques qui remportent la palme du civisme avec 90% de participation. Des services des impôts où la grogne a été active tout au long de l’année et largement relayée par le syndicat qui reste majoritaire : Solidaires.

 

Que retenir de tout cela ? Qu’aucun bastion n’est imprenable évidemment, mais aussi qu’on peut toujours tomber plus bas. Ensuite que dans l’ensemble, les syndicats ont peiné à mobiliser d’avantage, dans les urnes comme dans la rue. Enfin qu’il y a des secteurs comme l’Education Nationale ou les Finances Publiques où le changement n’est pas pour maintenant.

 

Patrick Noviello

03 Déc

Mort du juge Michel : affaire politique ?

Ce mercredi sort sur grand écran « La French » (*) dernière superproduction avec Jean Dujardin mais surtout l’histoire de la mort du juge Michel. Une affaire qui mêle politique et Milieu. L’auteur toulousain Thierry Colombié nous donne quelques clés supplémentaires pour comprendre ce dossier avec son ouvrage qu’il qualifie de « contre-enquête sur l’assassinat d’un incorruptible ».

L’ouvrage, comme le film, démarre sur les chapeaux de roues. « Monsieur, je vous invite à la prudence : oui, c’est une affaire politique mais peut-être pas celle que l’on croit » confie à Thierry Colombié la femme d’un avocat marseillais.

Une affaire où se mêlent milieu marseillais, mafia italienne et classe politique

Et l’auteur de poursuivre : « comprendre l’affaire Michel, offrir une version qui s’apparenterait à « une affaire politique », pour reprendre l’expression de l’épouse de l’avocat, nécessite en effet de replonger dans le contexte de la fin des années 1970, avant et après l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République. Et de faire un saut de l’autre côté des Alpes, à Palerme, Milan ou Rome, pour comprendre les enjeux liés à la guerre que se livraient les clans mafieux criminels et les représentants de l’Etat, sans oublier les manipulations dont furent l’objet les partis extrémistes, de gauche ou de droite ».

Comment en est-on arrivé là ? Autrement dit à ce 21 octobre 1981, 12h49, où un magistrat à moto est abattu de 3 balles en plein centre de Marseille. Le juge s’attaquait au Milieu, et à 38 ans à peine avait déjà fait arrêter plus 70 trafiquants de drogue, provoquant la haine de nombre d’entre eux. Au début du livre, Pierre Michel se rend à Palerme pour essayer d’établir des connections entre réseaux français et italiens. Un des malfrats qu’il interroge sans succès, Gerlando Alberti, dit le Zio, constate que « le Français s’acharnait à nier la puissance d’un monde souterrain qui, par bien des astuces comptables, participait à financer des caisses de nombreux Etats, donc à faire vivre magistrats et policiers. »

Un juge haï par le Milieu

Dans sa méthode d’interrogatoire le juge Michel ne fait pas dans la nuance bousculant verbalement ses adversaires qui commencent à lui vouer une haine farouche. « Le Zio aurait préféré un peu plus de reconnaissance de la part d’un juge qu’il pouvait éliminer, ce soir, (…) ou dans dix ans si Michel osait de nouveau se hisser à sa hauteur et le traiter de menteur ». Le juge procèdera de la même sorte avec le parrain Gaétan Zampa qui dément tout lien avec son assassinat.

Le juge Pierre Michel.  Photo AFP de Gérard Fouet

Le juge Pierre Michel.
Photo AFP de Gérard Fouet

Autre question majeure de l’enquête de Thierry Colombié : le juge Michel gênait-il d’autres sphères que celle des trafiquants de drogue ? « Tradition oblige, le Milieu finançait les campagnes électorales à droite comme à gauche » confie un policier à Lionel Collard, un des leaders du S.A.C. Le Service d’Action Civique, c’est à l’origine une « police parallèle » sensée constituer la « garde rapprochée » du général De gaulle à son retour en 1960. Mais vingt ans plus tard, le service d’ordre dérape et est mêlé à des affaires de détournement de fond et même à des assassinats. Il est dissous par Mitterrand en 1982.

« Regarder sous les jupes de la cinquième République »

C’est la tuerie d’Auriol qui est le déclencheur de cette mesure. Il s’agit de l’assassinat de Jacques Massié, chef local du SAC marseillais, et de toute sa famille. La scène est décrite sans fioriture dans l’ouvrage avec notamment la mise à mort d’un garçonnet. A la manœuvre : les hommes de Massié qui croient qu’il va les trahir au profit de la gauche. Certains d’entre eux sont incarcérés et le juge Michel instruit. « Il aurait fallu que le SAC lui-même soit mis en examen pour ratisser le plus large possible (…) renverser tous les placards de France et de Navarre ; or personne au sein de la magistrature ne parvenait, disait-on, à prendre une telle décision de peur que les profanes puissent regarder sous les jupes de la Cinquième République. »

Pierre Michel n’aura donc pas le temps de mener tous ses dossiers à leurs termes. Son assassin et ses complices sont retrouvés cinq ans après qu’il ait été abattu. C’est un repenti arrêté pour un trafic en Suisse qui livrera leurs noms. François Checchi a tiré pendant que Charles Altiéri pilotait la moto. L’opération était commanditée par deux membres de la French : François Girard et Homère Filippi. L’ouvrage de Thierry Colombié décrypte aussi magistralement les sombres motivations de ces hommes du Milieu.

Patrick Noviello

« La mort du juge Michel : contre enquête sur l’assassinat d’un incorruptible » Thierry Colombié, Editions La Martinière

« La French » de Cédric Jiménez, sortie le 3 décembre.

(* )Allusion à la « French Connection » réseau de narcotrafiquants qui importe de la morphine d’Orient, la transforme en France dans des laboratoires clandestins puis l’exporte aux Etats-Unis.