18 Oct

« Italiens, 150 ans d’émigration en France et ailleurs »

Copyright Sébastien Soulié

Leur voyage est aussi le nôtre
« Italiens, 150 ans d’émigration en France et ailleurs »

A travers une vingtaine de chansons traditionnelles issues de l’art populaire et un spectacle d’une heure et demi, la troupe toulousaine In Canto, raconte l’épopée de ces hommes et femmes partis d’Italie chercher une vie meilleure. Au départ en tournée dans le sud-ouest, elle va désormais sillonner la France entière et effectuera même un périple transalpin dans les mois qui viennent. Quel joli pied de nez à l’histoire que celle de ces émigrés de retour dans leur pays pour lui faire découvrir son passé.
La salle Georges Brassens d’Aucamville se remplit peu à peu, très lentement, comme un cérémonial inconscient. Ce soir (comme à chaque fois), on affiche complet soit plus de 400 personnes. On y parle italiens bien entendu mais surtout français. Pas de nostalgiques dans l’assistance mais plutôt des curieux. Curieux dans le bon sens du terme, j’entends. Ils sont là, des anciens beaucoup mais aussi des plus jeunes parfois, à vouloir retrouver ce que les livres d’histoire leur ont si longtemps caché : comment 27 millions d’individus ont quitté leur pays, leur terre natale, dans un arrachement parfois insoutenable, pour chercher une existence vivable ailleurs ou plus prosaïquement pour faire manger leur famille.
Il y a ceux que l’eldorado américain a fait rêver. Mais pour cela il fallait endurer « 30 giorni di nave a vapore » (30 jours de bateau à vapeur), la plupart du temps entassés, dormant à même le sol, avec parfois la mort au bout du voyage. Ce fut le cas des naufragés du Sirio qui quitta Gênes en 1906 pour s’échouer près des côtes espagnoles. Plus près de nous mais non moins dramatique, il y a aussi ceux qui ont voulu rejoindre la France, la Suisse ou la Belgique en traversant les Alpes.
Sur l’écran des images en noir et blanc de familles entières, des hommes et des femmes portant parfois des bébés, progressant difficilement, de la neige jusqu’aux hanches. Combien ont échoué ? Pas besoin de s’attaquer à de hauts sommets, beaucoup sont morts aux pieds des falaises de Menton, si près de leur rêve azuréen… Des images terribles portées par des voix : celles du groupe In Canto. Chanteurs et musiciens sont habillés comme ces migrants, robes noires pour les femmes, pantalons à l’étoffe dure et chemises blanches ou marinières pour les hommes.
Ces chants ne sont pas patriotes ou plaintifs. Au contraire, ils sont une ode au monde et le dernier rempart d’une fierté bafouée : celle qui a vu les « ritals » traités de voleurs voire de dangereux assassins comme les anarchistes Sacco et Vanzetti, condamnés injustement à la chaise électrique. Une ballade leur est dédiée. Elle est scandée avec l’âme mais surtout avec les tripes : « Addio amici, in cor la fé, viva Italia e abasso il re ».
Et puis cette déferlante émigrante s’est tarie en 1976. L’Italie, à son tour, est devenue terre d’accueil, ni mieux ni moins bien que le furent les pays rejoints par ses enfants. Le noir et blanc des images anciennes s’est changé en noir et blanc des visages, ceux des africains face à leur hôtes de la péninsule. Aujourd’hui il y a Lampedusa en lieu et place de New-York, alors il ne faut pas oublier.
Pour cela, le spectacle s’achève sur un texte projeté rendant hommage à nos ancêtres migrants. Je pense à ma famille, des chemisiers de Naples partis en Algérie alors française chercher du travail. Je revois mon grand-père, tour à tour pompiste, camelot sur les marchés ou encore coiffeur. C’est leur histoire, c’est notre histoire, une histoire universelle amenée à se répéter sans cesse tant que l’humanité vivra.
Information sur le spectacle et la tournée sur www.radici-press.net