27 Sep

Les dernières paroles de Léon Mortreux tué à la bataille de la Somme en septembre 1916

Après la disparition de Léon Mortreux, la famille est « accablée, affligée ». Le 12 septembre 1916, Léon Mortreux a été tué à Leforest dans la bataille de la Somme.

Le samedi 23 septembre 1916, Berthe, la soeur de Léon et Georges Mortreux son père ont la visite à Paris d’un certain Mr Sergent. C’est lui, Yves Sergent, le caporal de Léon, qui a écrit « la terrible lettre » annonçant la mort de Léon.

Yves Sergent rencontre la famille, respectant la mémoire de Léon.

 « je suis bien atteint, j’étouffe, fais ce que je t’ai recommandé.

Léon avait exprimé ses dernières volontés à Yves Sergent, lui demandant de remettre quelques objets personnels à ses proches.

 

Les dernières heures de Léon Mortreux
sur le front de la bataille de la Somme

Dans cette nouvelle lettre du 27 septembre 1916 envoyée à Fernand Bar à Béthune, Berthe rapporte avec précision les propos du caporal sur les circonstances de la mort de Léon Mortreux 

Yves Sergent raconte. « On gagnait du terrain et le canon sur roues était poussé de l’avant en rase campagne par conséquent sans aucun abri. Ces pièces de 37 développent beaucoup de fumée. L’ennemi les repère facilement. »

« Léon a été frappé d’un éclat d’obus dans la région du coeur. Poumon gauche perforé. »

Léon Mortreux - chef de pièce canon 37

Léon Mortreux, chef de pièce de canon 37 – 3è Régiment de Zouaves Tirailleurs

Yves Sergent poursuit. « Léon a été emporté sur un brancard sans aller jusqu’au poste de secours. Les soins étaient inutiles. La nature même de la blessure ne laissant aucun espoir. »

Sur les 9 servants du canon, Léon fut le seul tué. 4 autres grièvement blessés. La pièce mise en hors d’usage fut abandonnée.

Léon a été inhumé à 2 heures, à l’endroit appelé : « Passe de la ferme de l’Hôpital », près du village de Maurepas.

Sur sa tombe, une croix de bois, sa plaque d’identité et sa chéchia.

Berthe Mortreux, soeur de Léon, Pierre et Jules

Berthe Mortreux, soeur de Léon, Pierre et Jules

Fernand Bar

Fernand Bar, l’oncle de Léon

Dans sa lettre, Berthe écrit qu’elle conserve « précieusement ces souvenirs chéris, tous à la louange du vaillant soldat ». En pensant aussi à ses 2 autres frères Pierre et Jules tués depuis 1 an, Berthe rappelle les mots prophétiques de Léon :

« quand j’irais rejoindre mes frères, mon titre de sous-officier de zouave prouvera à lui seul que je suis mort en brave ».

Paris, le 27 septembre 1916

Mon cher Oncle,

Nous avons reçu samedi ta lettre qui s’est croisée avec celle de Papa apportant la terrible nouvelle.

Tu as su pourquoi Mr Boden s’est trouvé averti par pneu et nous regrettons cette coïncidence de la visite de Mr Laithiez.

Tu nous excuseras certainement d’avoir mis un jour d’espace pour recommencer à gravir pour la troisième fois ce calvaire d’annoncer à tous la triste cérémonie.

C’est une mission bien lourde après une secousse si grande et notre accablement était immense.

Hier, nous avons eu la visite de Mr Sergent, le caporal de Léon qui nous avait dit écrit. Yves n’était que son prénom.

Il est arrivé samedi à Paris pour passer, à Vitry-sur-Seine où il habite, les 6 jours de permission que l’on vient d’octroyer à tous les combattants qui ont pris part aux dernières attaques dont principalement celle du 12 septembre.

C’est une faveur bien vue à tous ces braves et notre cher zouave aurait eu lui aussi ses 6 jours. Avec quelle joie, il serait arrivé nous surprendre, sans crier gare, lui qui aimait à le faire même ici quand il aurait du succomber un jour, quelle tristesse encore de penser qu’il n’a pas profité de cette permission. 

Il parlait tant de celle de novembre après 6 mois de front.

Voici ce que le caporal a pu nous dire encore.

Léon a été frappé d’un éclat d’obus dans la région du coeur, et qui a perforé le poumon gauche. Cela se passait le 12, vers midi et demie.

Il a survécu encore quelques instants et tout en respirant avec de grandes difficultés, il a dit à son caporal

 « je suis bien atteint , j’étouffe, fais ce que je t’ai recommandé.

Ce furent ses dernières paroles, on l’emporta sur un brancard sans aller jusqu’au poste de secours, jugeant que tous les soins étaient inutiles. La nature même de la blessure ne laissant aucun espoir.

D’une assez grande dimension , l’éclat d’obus était resté dans la plaie, d’où il faisait saillie.

On l’inhuma à 2 heures, à l’endroit appelé : « Passe de la ferme de l’Hôpital », à la hauteur des tranchées de 3è ligne, à gauche du village de Maurepas.

Sur sa tombe, une croix de bois, avec plaque d’identité et sa chéchia.

Le caporal était lui même bien ému en nous donnant tous ces renseignements, il s’est mis à notre disposition pour nous conduire un jour à l’endroit où notre pauvre frère dort son dernier sommeil.

Dans toutes ses correspondances que je relis sans cesse, Léon s’efforçait de nous donner du courage, en demeurant jovial et confiant. Comme cela le dépeignait bien, lui si bon, si prévenant.

Il avait vu cependant bien clair le jour où il écrivait ces paroles prophétiques en nous annonçant son passage aux zouaves.

Dans cette armée d’élite, on ne moisit pas dans les tranchées, on est vite fixé sur son sort.

Tu constates l’injustice du destin, c’en était une aussi, le jour où Léon fut versé dans les zouaves. Nul n’ignore que ce sont les premiers sacrifiés. La meilleure preuve est qu’ils étaient devenus tous bien peu nombreux.

Léon aurait mérité après sa blessure et la perte de ses frères, d’être mis dans une arme moins éprouvée comme le génie ou l’artillerie. Bien loin d’en être ainsi, on lui a procuré le maximum de chances d’être tué …

Comme chef de pièce, Léon rectifiait le tir au canon de 37 en examinant avec une jumelle, les positions ennemies.

L’on gagnait du terrain et le canon sur roues était poussé de l’avant en rase campagne par conséquent sans aucun abri. Il paraît que ces pièces de 37 développent beaucoup de fumée, et que l’ennemi les repère facilement.

Sur les 9 servants du canon, Léon fut le seul tué, mais 4 autres furent en même temps, grièvement blessés. La pièce mise en hors d’usage fut abandonnée.

Enfin toutes ces explications données par le caporal ne change hélas rien au terrifiant résultat en ce qui nous concerne. Il nous a aussi remis la montre, le portefeuille et une volumineux paquet de lettres que Léon avait conservées.

Il s’en trouve des tiennes, des nôtres et un peu de toute la famille.

Nous conservons précieusement ces souvenirs chéris, tous à la louange du vaillant soldat. Te rappelles tu ce qu’il t’écrivit : 

« quand j’irais rejoindre mes frères, mon titre de sous-officier de zouave prouvera à lui seul que je suis mort en brave »

Les petites ont fondu en larmes à l’annonce de l’affreuse nouvelle. Léon avait toujours pour elles quelque gentillesse et les chères enfants sentent bien qu’une grande affection est disparue.

Mon oncle Auguste ne serait-il pas à Saint-Omer, nous n’avons pas de réponse à la lettre envoyée depuis quelques jours.

J’ai reçu une lettre aimable de Mme Babin qui suppose Léon en bonne santé et pas trop exposé. Je vais lui écrire …

J’étais bien contente d’être rentrée aux Finances, mais ma joie fut de courte durée, puisque le 1er soir, je trouvais la lettre fatale. Mon service est bon, je t’en reparlerai.

Adieu mon cher Oncle.

Pense beaucoup aux affligés que nous sommes.

Nous t’embrassons de tout coeur.

Berthe