01 Avr

Léon Mortreux angoissé par le silence de son frère Jules … mort à Vauquois en mars 1915

Une lettre bordurée d’un gros trait noir, des propos angoissés … dans cette correspondance de guerre du 1er avril 1915, Léon Mortreux est très inquiet. Il partage son émotion avec son oncle Fernand Bar.

Léon n’a plus de nouvelles de son frère aîné, Jules Mortreux, depuis le 14 mars … la veille « d’une grande attaque à Vauquois » en Lorraine.

Je suis très ennuyé du silence prolongé de Jules.

Jules et Pierre

Déjà en deuil après le décès de son jeune frère Pierre, tué en janvier à Steinbach en Alsace, Léon craint le pire pour son frère aîné Jules.

Et ses craintes sont justifiées. Léon ne sait pas encore que son frère Jules a été tué dans la bataille de Vauquois le 15 mars 1915.

15 jours après la mort de Jules, Léon raconte dans cette lettre que son frère aîné n’a pas reparu à la Compagnie depuis la journée du 15 mars. Son inquiétude est d’autant plus forte que Jules lui avait parlé de cette grande attaque de l’armée française sur Vauquois.

D’après des renseignements collectés de proche en proche, Léon a appris que le 15 mars son frère Jules et sa compagnie ont livré une bataille très meurtrière … et Jules ?

La tranchée que Jules et nos amis occupaient à quelques mètres des boches a été prise en enfilade par ceux-ci et c’est pendant que les nôtres quittaient au plus vite que les allemands de leur tranchée leur tiraient dessus.

Jules est-il encore en vie ? Dans cette correspondance de guerre du 1er avril 1915, Léon Mortreux s’interroge, interroge ceux qui reviennent du front avec l’espoir d’une prochaine lettre de Jules.

Ce jour-là, Léon ne sait pas encore qu’il a perdu son frère aîné Jules depuis 15 jours, après Pierre … deux frères morts dans cette guerre contre les allemands en 1915.

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

Lettre de Léon Mortreux à Fernand Bar, le 1er avril 1915

Dans cette lettre écrite depuis une caserne de Fontainebleau, Léon espère que Jules s’en tirera, comme lui s’en est tiré à Varreddes« Je t’embrasse affectueusement, espérant que bientôt Jules écrira. » 

 

Correspondance de guerre, il y a cent ans …

 

Fontainebleau, 1/4/1915

46ème Infanterie  31ème Cie

 Cher Oncle,

Entre toutes les lettres que tu m’as adressées la dernière est une de celles qui m’a causé le plus de plaisir. Pourquoi : parce qu’elle me vient à un moment où je suis très ennuyé du silence prolongé de Jules et que je vois de plus en plus que si – malheur affreux – il fallait perdre aussi mon frère aîné, ton affection si grande grandirait encore pour essayer de faire oublier autant que faire se peut le vide produit.

D’après renseignements de personnes ayant un parent au front, lesquelles personnes sont venues voir Berthe, celle-ci m’écrit :

Il paraît que Jules et ses amis que nous connaissons (Leroux et Langeais) n’ont pas reparu à la Cie depuis la journée du 15 mars, où Jules avait écrit le 14 que le lendemain il y aurait une grande attaque à Vauquois ! 

Personne n’a vu aucun cadavre des trois ci-dessus.

La tranchée que Jules et nos amis occupaient à quelques mètres des boches a été prise en enfilade par ceux-ci et c’est pendant que les nôtres quittaient au plus vite que les allemands de leur tranchée leur tiraient dessus.

A côté même tranchée prise momentanément par les allemands a été reprise par le 46 disent les personnes qui sont venues voir Berthe.

Berthe me dit encore : « Essaie de savoir si le 46 a retrouvé des blessés du 76 et de savoir si le 15 à Vauquois les boches ont fait des prisonniers. »

Enfin tout n’est pas perdu puisqu’aucun indice ne répond de la mort d’aucun des trois noms précités.

Berthe m’écrit encore : « Si tu écris à la famille ne répands pas de bruits aussi alarmants puisque nous n’avons aucune certitude ».

Je lui désobéis en te soumettant le précédent exposé, mais j’ai pensé qu’il valait mieux que tu saches.

Ici j’ai consulté un gradé revenu du front le 20 mars, il est du 46 et ne peut me donner aucune indication précise.

Ceux qui pourraient parler sont des blessés mais dans quels hôpitaux sont-ils !

Patientons, attendons un peu et pensons que prisonnier s’il l’est Jules s’en tirera comme moi à Varreddes, la chance aidant.

Je te remercie des détails que tu me donnes sur Béthune, sur Martial. Reçu aussi les « Petit Béthunois », merci bien.

J’ai écrit il y a 15 jours environ à Marie Deloles.

As-tu reçu ma carte te parlant du frère Dussart et de Lemille ?

Il y a ici un Vanacker du 273 en traitement à l’hôpital.

Comment vas-tu ? Rien encore pour le départ.

Chacun a applaudi à la chute de Przemysl. Espérons que les succès des Russes s’affirmeront.

Je t’embrasse affectueusement, espérant que bientôt Jules écrira.

Léon