23 Jan

En Argonne, toujours le corps-à-corps. En avant, à la baïonnette !

C’est le départ ! Jules Mortreux doit prendre la route à 4 heures du matin le 24 janvier 1915. Il doit rejoindre le secteur de l’Argonne.

Dans la lettre envoyée à son frère Léon Mortreux, Jules écrit que son régiment, le 276è, a beaucoup souffert. Il raconte les terribles combats de son régiment … et demande à son frère de ne pas en parler.

Mon régiment 276 vient de prendre sérieusement à la bataille de Soissons – 700 tués.

Le front d’Argonne, un massif forestier hautement stratégique et terriblement meurtrier. Par Laurent Parisot de France 3 Lorraine

A la veille de repartir pour le Front, Jules ne se fait pas d’illusion sur ce qui l’attend.

Je sais que mes restes se perdront dans la masse, mais je désirerais toutefois qu’une simple croix commémorative me rappelle un peu ici-bas.

Jules Mortreux

Jules Mortreux

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Lettre de Jules Mortreux à Léon Mortreux, envoyé le 25 janvier 1915

« … dis moi toujours des nouvelles de Pierre. De Paris jamais rien de Berthe ! » Dans cette lettre, l’inquiétude de Jules au sujet de Pierre est de plus en plus perceptible.

 

Jules Mortreux ne sait toujours pas que son frère Pierre a été tué début janvier dans la bataille de Steinbach en Alsace.


Thre, l’amour anglais de Jules ?

Dans cette lettre, Jules Mortreux parle de son amie anglaise, Thre … amour ou amourette anglaise ? Jules avait rencontré Thre, avant la guerre, au cours de ses études à Londres.

elle qui m’écrivait un jour « connais-tu tes buts !!!!!!! » Ingénue !

 Correspondance de guerre, il y a cent ans …

23 janvier 1915

Mon cher Léon,

J’ai une seconde, pour venir encore te dire Au revoir et j’en profite. Demain à 4 heures du matin départ. Toujours la même chose sur 150 près de 1/3 est parvenu à rester là ! 

Mon régiment 276 vient de prendre sérieusement à la bataille de Soissons – 700 tués. Il a dû couvrir la retraite et s’est trouvé anéanti par les tirs de l’Aisne. Ces batailles de viviers sont néfastes.

En Argonne, et c’est autre chose, toujours le corps-à-corps. En avant, à la baïonnette ! – Conserve ceci pour toi !

En cas de décès tu recevras avec Pierre une somme assez rondelette. Je sais que mes restes se perdront dans la masse, mais je désirerais toutefois qu’une simple croix commémorative me rappelle un peu ici-bas, mais pas à Paris : à Béthune ou à Beuvry – sans inscription relative au « champ d’honneur »

Tu voudras bien écrire à Londres les quelques détails que tu auras pu obtenir sur moi, et dire à Thre combien ses insinuations m’ont peiné.

Pense de temps en temps dans la vie, à ton frère qui t’aimait beaucoup, et dis moi toujours des nouvelles de Pierre. De Paris jamais rien de Berthe !

 J’ai fait encore ces jours-ci une nouvelle constatation, c’est que nous avons énormément d’atteints moralement, que de loufoques nous aurons après la guerre. Mon lieutenant attribue cela à la poudre, je crois qu’il y a aussi la souffrance humaine qui a ses limites.

Ton régiment a-t-il beaucoup souffert ? Tu pourras le dire à Thre : elle qui m’écrivait un jour « connais-tu tes buts !!!!!!! » Ingénue !

J’espère que tout va bien pour toi, mon cher Léon, et que ça continuera. On parle aujourd’hui du rebombardement de Béthune ?

Avec le vif espoir de te revoir, je t’embrasse de tout cœur en souhaitant la victoire de laquelle beaucoup aujourd’hui (du moins ici) semblent douter.

Bon courage et good luck.

Je t’embrasse de tout cœur.

Your beloved brother

Jules Mortreux