06 Sep

« La drôle de journée que celle où je fus blessé à la Marne » Léon Mortreux

Ce dimanche 6 septembre 1914 marque l’histoire de 14-18 avec l’une des plus dramatiques batailles de la Grande Guerre, la bataille de la Marne.

Sur 250 kilomètres de Front, 2 millions d’hommes s’affrontent. La bataille de la Marne s’étend de Senlis à Verdun.

En une semaine de très violentes fusillades et tirs d’artillerie ininterrompus, la bataille de la Marne fait 500 000 morts et blessés français et allemands.

Carte de la Première Bataille de la Marne en septembre 1914 - extrait de http://87dit.canalblog.com/

Carte de la Première Bataille de la Marne en septembre 1914 – extrait de http://87dit.canalblog.com/

Les obus passaient sinistrement au dessus de moi

Léon Mortreux et son régiment sont sur le front de la Marne, une semaine après « sa 1ère bataille en Lorraine ». Dans une lettre envoyée à son oncle Fernand Bar à Béthune, le sergent Léon Mortreux raconte « sa bataille de la Marne » avec « les obus qui passaient sinistrement au dessus de moi »

Ce jour-là, Léon Mortreux combat avec la 6è Armée sur la zone de la bataille de l’Ourcq à l’ouest de la ligne de Front. La bataille fait 8 tués dont le capitaine et 11 blessés.

« J’avais une route à défendre, barricadée, mais quel obstacle ridicule » écrit Léon Mortreux

Dans son courrier, il ne cite pas la ville où se trouve précisément sa Compagnie du 246ème Régiment d’Infanterie, indiquée juste par une croix ( X ) dans la lettre de Léon Mortreux.

Mais selon le journal de marche de son régiment, Léon Mortreux et son régiment affrontent les allemands dans le secteur d’Iverny, près de Meaux. Après l’avancée allemande en août 1914, ce 6 septembre marque un tournant important de 1914. L’armée allemande recule, en retraite vers le Nord-Est.

©claudetronel - Carte postale de la cour de l'école de Varreddes ( Seine-et-Marne ) montre où étaient emmenés les blessés. Au bas de la carte, Léon Mortreux écrit " C'est là que j'étais du 6 au 10 septembre 1914"

©claudetronel – Carte postale de la cour de l’école de Varreddes ( Seine-et-Marne ). Le 6 septembre 1914 lors d’une bataille dans la région de Meaux, Léon Mortreux, blessé par un shrapnel est retrouvé par des brancardiers allemands. Il passe plusieurs jours dans cette cour. C’est ce qu’il indique sur cette carte postale, non datée. Nous pouvons lire au bas de la carte,  » C’est là que j’étais du 6 au 10 septembre 1914.signé : LMortreux » .Quand et où a-t-il eu cette carte postale ? Quand a-t-il écrit sur cette carte ? Plusieurs mois ou plusieurs années plus tard ? Nous ne savons pas


La 1ère Bataille de la Marne, le tournant de 1914

La Première Bataille de la Marne constitue une des tournants de la guerre. Il marque l’échec du Plan allemand Schlieffen qui visait à encercler les troupes françaises et britanniques et prendre Paris à revers.

La Première Bataille de la Marne de septembre 1914 marque aussi la fin de la guerre de mouvement et le début de la guerre de position.

Voir le reportage de Mathieu Guillerot de france 3 Champagne-Ardenne


La bataille de la Marne, le tournant de 1914 par France3-Champagne-Ardenne


Ce jour-là, ce dimanche 6 septembre 1914, Léon Mortreux ne sait pas qu’il est engagé dans
une des plus meurtrières batailles de la Grande Guerre.

Dans sa lettre envoyée à Béthune, il raconte « sa bataille de la Marne » au cours de laquelle il est blessé par un shrapnel.

Dans la nuit du 6 septembre Léon Mortreux, blessé par un shrapnel, est « relevé par des allemands brancardiers et emmené à Varreddes »

Léon Mortreux

Léon Mortreux

Fernand Bar

Fernand Bar

©claudetronel – extrait de la lettre du 21 octobre 1914 de Léon Mortreux. Dans cette lettre envoyée à Fernand Bar à Béthune, il décrit « cette drôle de journée » du 6 septembre 1914

 

21 octobre 1914
Cher Oncle,

Ce matin, ta lettre carte me parvient. 
J’ai été enchanté de voir ton écriture mais vraiment ce que tu me dis est dur pour moi. 
Ce n’est absolument pas par paresse que je n’ai adressé aucune lettre à Béthune, Dieu merci,  je ne fais que faire des lettres, tout mon temps y passe !

( … )

La drôle de journée que celle où je fus blessé à la Marne.
La veille vers midi en traversant un village, nous fûmes surpris par les coups de feu. Notre artillerie au galop forcé repassa la localité et vite nous nous engageâmes dans les fossés pour tirailler sur un ennemi invisible. J’étais en pleine zone de feu , les obus passaient sinistrement au dessus de moi. Je ne dois pas mentir, mon caleçon et ma chemise étaient baignés de sueurs !!!

A 7h30, nous regagnâmes le village en rampant à reculons. Quand nous fûmes réunis anxieux dans un pré nous apprîmes qu’il y avait à la Compagnie 8 tués dont le Capitaine et 11 blessés. Nous passâmes la nuit sans entendre le canon mais des meules allumées au loin nous signalaient la direction de l’ennemi. J’avais une route à défendre, barricadée, mais quel obstacle ridicule !

Enfin ( … ) je réveillais les poilus qui dormaient. Nous fîmes une tranchée pour tireurs couchés, mais les allemands n’attaquèrent point et les forces se portèrent en avant. Il était 5h environ.
Nous avions eu ( le 246 ) déjà 2 combats précédemment, l’un à Conflans dans la tour, l’autre aux environs de Liancourt dans l’Oise ou nous étions appuyés des anglais. Mais notre régiment ne souffrit guère.
La première impression efficace ou nous vîmes le feu fut à l’attaque du village que je viens de te narrer. 
La mort du Capitaine, officier très aimé, assombrit tous les visages. On ne mangea guère le soir et on ne fit pas l’appel.

Le lendemain, 6 septembre, quand à 5h nous nous ébranlions pour aller de l’avant, nous traversâmes un village occupé la veille par l’ennemi. De nombreux morts, tués par notre artillerie, gisaient dans les champs. Tout le monde était gai et confiant, allait à la victoire. 
Au sortir du village, nous prîmes la formation en marche sous l’artillerie. Lorsque arrivés à une crête les canons allemands nous canardèrent. Nous allions cependant de l’avant et abrités. Quand nous vîmes bientôt des ennemis s’enfuyant. Cela nous donna plus d’entrain encore et nous oublions les balles explosives qui éclataient à nos côtés.

Arrivés à quelques 100 mètres d’un ravin nous mîmes baïonnette au canon et précipitions la marche.
Une pluie de balles déversées à profusion par des mitrailleuses embusquées qui se révélaient nous coucha tous, pendant que notre artillerie, tirant trop court lançait des projectiles qui éclataient près de nous. Les obus allemands nous arrosaient aussi. J’ignore si je fus atteint par un shrapnel allemand ou français, mais qu’importe !

Je fus dans la nuit relevé par des allemands brancardiers et transporté à Varreddes ainsi que Papa a pu te l’écrire. Là autre chose, on bombardait l’ambulance, nous mourions de faim et nous voisinions avec les cadavres, c’était infect. Enfin, tout cela est maintenant de la vieille histoire. Oublions. 

Bonne santé cher Oncle
Dis-moi si mon oncle Auguste est à Béthune ? A te lire au plus tôt.
Reçois mes affectueux baisers.
Léon