15 Oct

La Proposition de Loi du groupe PS pour les langues régionales

Ça ressemble à un baroud d’honneur avant la fin de la mandature, mais la députée PS Annie Le Houérou veut y croire. Le groupe PS vient de déposer une proposition de loi qui veut donner un statut juridique à ses langues régionales et des obligations pour l’Etat et ses représentants dans les secteurs de l’enseignement, la signalétique et les médias. Une loi assez consensuelle pour ne pas trop se heurter aux traditionnelles oppositions. Mais ce sera sans doute très difficile que cette loi tant attendue soit votée avant la fin de l’activité parlementaire avant les présidentielles. La députée bretonne des Côtes d’Armor s’exprime sur le sujet.

Annie le Houérou à l'Assemblée Photo : site de la députée

Annie le Houérou à l’Assemblée
Photo : site de la députée

Le contenu de la Proposition de Loi

Elle se compose de 8 articles et concerne l’enseignement de la maternelle au secondaire, (mais pas l’enseignement immersif des calandretas, diwans, ikastola, bressolas etc…), jusqu’à l’université. Mais aussi la signalétique et les médias (sauf la télévision).

  1. L’enseignement. Le principe est simple : la reconnaissance de l’enseignement des langues régionales comme matière facultative. Autrement dit, que cet enseignement soit proposé dans les écoles de France, de la maternelle au secondaire, selon le modèle Corse de l’article L. 312-11-1 du code de l’éducation. « Que tous les enfants aient la possibilité d’avoir un enseignement, sans qu’il y ait un caractère obligatoire, car le texte n’aurait aucune chance de passer ». La proposition veut faire reconnaître également l’enseignement bilingue, à l’exception encore une fois de l’enseignement immersif. « Nous n’intervenons pas sur le financement de ces écoles comme c’était le cas pour la proposition de Paul Molac. » Nouveauté : la promotion de ces langues dans l’enseignement supérieur : «  on veut inscrire dans la loi que les universités doivent proposer cet enseignement, car jusqu’à présent, chaque université a son entière liberté en la matière. »
  2. La signalétique. Evidemment les panneaux bilingues d’entrées de villes, certains panneaux directionnels, certains lieux publics, laissent un peu d’espace pour les langues régionales. La loi « prévoit, à la demande de la région, la généralisation sur tout ou partie du territoire de la signalétique bilingue ou plurilingue dans les services publics et l’usage de traductions dans les principaux supports de communication institutionnelle (article 4).  » Histoire d’aller plus loin et de pousser davantage les collectivités territoriales.
  3. Les médias. Concernant la presse écrite, elle prévoit que  » les publications en langues régionales peuvent bénéficier des mêmes avantages que ceux réservés aux publications de presse et sites en ligne en langue française. » Ces aides sont souvent conditionnées à la reconnaissance de caractère d’Information Politique et Générale (IPG) chose quasiment jamais reconnue pour aucune publication en langue régionale malgré un assouplissement de la règle survenu en 2012. Autre élément, la loi octroie au CSA des compétences pour la promotion des langues et cultures régionales et de garantir leur expression dans les médias audiovisuels (article 6). Ce même CSA qui doit aussi veiller selon cette nouvelle proposition de loi à ce que « une ou plusieurs fréquences soient attribuées à des candidats proposant la diffusion de services de radios en langues régionales. Sans objectif précis pour l’instant ni quotas… « Nous n’en avons pas mis car il y a un autre texte en discussion à l’assemblée porté par Yves Durand qui touche ce secteur, la culture, le patrimoine et l’architecture ». 
    Et rien donc concernant la télévision.

La députée le reconnaît elle même, le texte résulte d’un consensus et évite les points qui pourraient poser problème afin qu’il ait des chances d’être adopté. La proposition n’est pas révolutionnaire mais elle est mesurée, intéressante, et elle pourrait donner enfin un statut à ces langues. « Souvent on nous répond que ce que nous demandons n’est pas dans la loi ! Là, on ne pourra plus nous répondre ça ! « 

 

Un travail de concertation auparavant

« Nous nous inscrivons dans la continuité, après l’échec de la ratification de la Charte Européenne des Langues Régionales. La stratégie, c’était d’abord la Charte puis une loi. La Charte n’a pas pu être ratifiée, donc nous avons repris le travail de plusieurs collègues comme Paul Molac. Il y aussi le texte sur lequel travaillait Pascal Deguilhem (député PS de Dordogne) au début de la mandature. » La députée assure avoir beaucoup concerté, avoir pris quelques assurances auprès de juristes afin que la loi ne soit pas défaite par le Conseil Constitutionnel. Mais pas de lien avec la proposition de loi déposée le 26 octobre dernier par les sénateurs LR, au moment du rejet de la Charte Européenne par leur groupe. L’intergroupe sur les langues régionales que préside Paul Molac a lui aussi porté sa contribution. Un point positif : le texte est signé par 140 députés PS et écologistes qui ainsi s’engagent.  « Ca prouve que nous voulons aller jusqu’au bout. Nous avons le feu vert du gouvernement et du chef de l’Etat. »  Un début de consensus qui ne sera pas de trop quand on repense aux échecs précédents, notamment au sabordage de la proposition de Paul Molac par les députés PS en janvier dernier. Notamment aussi vu le peu de temps qu’il reste pour qu’une proposition de loi aille enfin jusqu’au bout.

Photo : site Assemblée Nationale

Photo : site Assemblée Nationale

Le calendrier du texte

« Nous avons encore le temps » clame Annie Le Houérou. Le texte a été déposé et devrait être discuté mi novembre à l’assemblée nationale lors des discussions sur la loi de finances. Ensuite, ce sera le Sénat mais la députée avoue n’avoir aucune garantie de ce côté. « Nous allons travailler désormais avec les sénateurs. » Et rien ne dit que la majorité sénatoriale voudra laisser le champs libre au PS en la matière alors que la droite pourrait venir aux commandes de l’Etat.

On voudrait y croire mais ça ressemble quand même à une tentative de dernière minute, alors que les fenêtres de tirs étaient nombreuses et plus sûres quand le PS détenait la majorité à l’assemblée nationale et au sénat. « Je suis peut-être naïve et optimiste car c’est mon premier mandat mais je suis déterminée à porter le texte jusqu’au bout! »  Une chose est sûre : ce sera l’ultime possibilité de réparer des erreurs commises autant par la gauche (proposition Paul Molac, pas de tentatives lorsqu’elle était majoritaire dans les 2 chambres) que par la droite (refus de voter la loi portant ratification de la Charte) lors d’une mandature très chaotique pour les langues régionales, exceptée l’action de quelques parlementaires. 

Lo Benaset @Benoit1Roux