05 Juil

Occitanie, the day after

En choisissant le nom « Occitanie » quelques heures après le brixit britannique, l’ancienne région LRMP a connu quelques turbulences. Ce nom émergé d’un vote populaire plus que d’une action militante ne fait pas l’unanimité au sein même des Occitans. Pour certains, ce choix est synonyme « d’occitanexit » de la région LRMP qui se détache ainsi de la grande Occitanie; pour d’autres, Catalans, le « catalanexit » de l’Occitanie est nécessaire, même s’ils ne sont pas tous d’accord sur les actions à mener. Bref, on est encore très très loin d’un séisme, ou d’un dérèglement climatique fatal, mais « The day after » Occitanie ne respire pas tout à fait le calme.

 

Ocxit ?

Il n’y a pas eu de débat au sein même des différentes structures occitanes avant le vote, il est en train de surgir à posteriori. Certains Occitans n’ont pas attendu le président de la « Nouvelle Aquitaine Alain Rousset » pour énoncer une évidence : L’Occitanie ce n’est pas seulement LRMP. L’IEO a communiqué sur la question en début de campagne et au fur et à mesure que le nom Occitanie semblait être le choix des votants et des élus, des voix se sont fait entendre, notamment du côté de la Provence, mais pas seulement. Une région où la co-existence entre provençalistes et occitanistes n’est pas vraiment pacifique, comme elle ne l’est pas non plus entre béarnistes et occitanistes dans les Pyrénées-Atlantiques. Pour ces Occitans de Provence, du Limousin, d’Auvergne ou d’Aquitaine, l’appropriation de l’Occitanie par la nouvelle région LRMP va être dramatique dans des régions où il était difficile de faire admettre l’occitan, sa langue et sa culture. Evidemment que certains esprits mal intentionnés et pourvus de certains pouvoirs vont user de cette nouveauté pour vouloir renvoyer les occitanistes de Provence, de Béarn et d’ailleurs en Midi-Pyrénées Languedoc-Roussillon, en niant le fait occitan dans leurs régions.

Même si certaines précautions sont prises, notamment en adjoignant « Pyrénées-Méditerranée » à Occitanie. Ce qui laissait potentiellement à d’autres régions l’emploi du terme avant que le gouvernement en ait décidé. Difficile de mesurer l’impact que pourra avoir cette nouvelle donne si elle est confirmée par l’Etat. Mais on peut aussi penser que les structures interrégionales continueront de travailler, les régions de se parler et l’Office Public pour la Langue Occitane d’agir avec toutes les ex-régions signataires. En tous cas, le dialogue est plus que jamais nécessaire entre Occitans tout d’abord et entre les différentes régions concernées.

Marquer pour la première fois Occitanie sur une carte du monde ne va pas sauver l’occitan, sa langue et sa culture, pas plus qu’il ne va exclure ceux qui se trouvent hors de la nouvelle région. N’en déplaise à certains qui vont se servir de cet argument. En Occitanie ou ailleurs, les militants devront toujours continuer à se battre pour différentes formes de reconnaissances. Soit dit en passant, si ce nom a fini par émerger dans l’ex LRMP, si c’est devenu un vote populaire, ce n’est pas complètement le fruit du hasard. On peut rappeler certaines actions symboliques comme l’occitan dans le métro à Toulouse, le tram à Montpellier, les différentes manifestations occitanes de Carcassonne, Béziers, Toulouse, Montpellier, une grosse présence des écoles calandretas et classes bilingues de l’Education Nationale, Convergéncia Occitana, País Nòstre et d’autres qui systématiquement font des réunions publiques lors des élections locales et régionales… Ce qui ne veut évidemment pas dire que rien ne s’est fait ailleurs. Mais c’est aussi le résultat d’un travail, y compris pour faire admettre ce nom aux élus une fois la consultation terminée.

Catxit ?

Débat il y a aussi chez les Catalans depuis le vote. La dénomination « Occitanie-Pays Catalan » est arrivée en 4ème position lors de la consultation mais « Occitanie » avec le sous-titre « Pyrénées Méditerranée » ne leur convient pas. Mais une fois le constat fait, les actions sont différentes et ne se placent pas sur le même terrain.

    1.  L’ancienne députée PS des Pyrénées-Orientales Renée Soum vient de créer un « Collectif du recours citoyen pour Occitanie-pays Catalan ». Une réunion s’est tenue vendredi à Cabestany avec conférence de presse le lendemain. Un recours sera déposé la semaine prochaine près du Conseil d’Etat : « Nous n’avons rien contre l’Occitanie mais là, il y a rupture de la tradition républicaine. Le Languedoc-Roussillon, c’était une entité géographique; « Occitanie » c’est une notion identitaire. Donc on ne peut pas effacer les Catalans ! » Renée Soum précise que sa belle-famille est occitane et qu’elle n’a rien contre la notion d’Occitanie. Mais un cabinet d’avocat va être contacté, un recours déposé et une demande de rendez-vous est prise avec Manuel Valls en visite vendredi à Carcassonne. Ce collectif ne demande pas l’annulation de la procédure mais simplement que la nouvelle région s’appelle « Occitanie-Pays Catalan ».
    2. Une pétition a été lancée pour dire « NON à l’Occitanie, OUI au Pays Catalan ». Elle recueille plus de 10 000 signataires. C’est Convergència Demacràtica de Catalunya qui a lancé cette initiative. Eux qui en 2005 avaient mené les manifestations anti-Septimanie. Le président de CDC (Jordi Vera) désapprouve le recours lancé par Renée Soum contre le nom de la Région. « Les Occitans ont choisi et obtenu un nom judicieux pour eux. Cette démarche va permettre au conseil d’état de dénoncer un nom identitaire. » C’est ce qu’il a confié au journal l’Indépendant. Le comité « Oui au Pays Catalan » demande l’instauration d’une collectivité territoriale unique et considère que c’est le seul moyen pour les Catalans d’exister.
    3. Autre piste de travail : arriver à obtenir que le département s’appelle désormais « Pays Catalan ». Brice Lafontaine le président du parti indépendantiste Unitat Catalana a écrit à la présidente du département Hermeline Malherbe en ce sens. Ça pourrait bouger aussi du côté de l’Eurorégion. Mais le leader indépendantiste refuse le terme de « compensations » par rapport au nom de la région.

Rien n’est donc simple depuis le choix du 24 juin. Certains reprochent même à la nouvelle région d’avoir déposé à l’Institut National de la Propriété Industrielle le terme « Occitanie ». C’était pourtant la procédure normale pour éviter que n’importe qui puisse se prévaloir de la dénomination « Région Occitanie » comme auparavant avec « Midi-Pyrénées » et « Languedoc-Roussillon ». Occitanie et Occitan sont dans le domaine public depuis des siècles, on les retrouve dans des centaines de dénominations d’entreprises, preuve qu’ils peuvent être porteurs… Tout le monde peut les déposer et personne n’interdira de les utiliser. Une banque célèbre et une marque reconnue dans le monde entier s’appellent bien « Occitane » sans que personne n’ait été empêché de quoi que ce soit.

Lo Benaset   @Benoit1Roux