19 Mai

« Le milieu occitan actuel est en crise », Marcha! se quilha

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C’est un peu comme un pavé jeté avec force dans l’eau saumâtre de la marre occitane. Un peu de poil à gratter sur les têtes bien pensantes de l’occitanisme « officiel ». Une remise en cause fondamentale après 10 ans de mobilisation pour les Occitans.

Alors que seuls l’Intitut d’Estudis Occitans et Calandreta ont appelé à manifester à Montpellier le 24 octobre prochain, une plateforme de la « société civile occitane » baptisée « Marcha! » vient critiquer, de fond en comble, le principe de cette 5ème mobilisation. Officiellement créée il y a tout juste quelques jours, « Marcha ! » est aujourd’hui visible, uniquement sur internet. Un des membres de la plateforme a accepté de répondre à nos questions.

– D’où est venue l’idée de créer « Marcha! » ? Quelle est la raison principale de son existence ? C’est assez simple. Cela fait un bon moment que nous nous posons des questions sur « l’occitanisme officiel ». On ne se reconnait pas dans sa façon de fonctionner, communiquer etc. Parce que nous ne voulons pas rester dans la critique et participer à l’évolution nécessaire du mouvement, nous avons décidé de lancer « Marcha ! », de toute façon nous n’avons rien à perdre. Le texte fondateur de « Marcha ! » est le fruit de semaines, de mois, d’années de discussions et de préoccupations entre occitanistes, jeunes pour la grande part. La raison principale de « Marcha ! » est donc d’initier le rassemblement de tous ceux qui veulent militer pour la langue et la culture occitanes, cela dans un cadre plus démocratique, plus participatif où chaque voix compte.

– Pourquoi rester pour le moment dans l’anonymat et fonctionner sans responsable désigné ? C’est une des premières questions qui s’est posée et c’est révélateur. Nous nous en expliquons sur notre blog. Nous ne voulons pas personnaliser le mouvement car l’occitanisme crève de ça, justement, depuis des années. Nous voulons que les gens jugent nos écrits pour ce qu’ils sont et pas selon l’auteur. C’est très important, surtout dans le milieu occitan car nous nous connaissons tous et chacun a un à priori sur l’autre. Cela ne veut pas dire que nous n’assumons pas ce que l’on dit ou fait. Mais nous ne voulons pas être résumés à 2 ou 3 noms. Si nous avons la possibilité de nous rassembler cet été, par exemple à l’Estivada, nous espérons donner l’image d’un mouvement pluriel. Nous voulons sortir d’un fonctionnement flou et personnalisé pour initier une réflexion positive et des propositions collectives qui représentent les besoins de la société civile occitane.

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Manifestation occitane du 31 mars 2012 à Toulouse

– Quels reproches faites-vous aux organisateurs de la manifestation du 24 octobre ? Tout d’abord il faut préciser que ce n’est pas nouveau. Comme cela est précisé dans notre « crida », cela fait 10 ans que nous clamons notre désaccord. Jusqu’à présent nous n’avons jamais eu le sentiment d’être entendus. Il faut aussi constater qu’ « Anèm Oc » a implosé et qu’il n’y a seulement que deux directions nationales d’associations qui organisent l’événement. Comment peuvent-ils se prétendre représentatifs du milieu occitan dans ce cas ? Nous déplorons aussi le fait qu’aucun bilan des manifestations n’ait jamais été fait. Pour nous, tout cela n’a rien apporté. Cela n’a pas amélioré la situation de l’occitan qui est toujours à l’agonie. D’autres types d’actions sont possibles, mais elles n’ont jamais été envisagées. Une grande manif c’est bien pour donner de l’enthousiasme à des militants mais c’est à peu près tout. Et même si nous sommes 30.000 en Languedoc, qu’est-ce que cela va changer ? On pose la question. On est là dans une course au nombre de manifestants, qui selon nous, n’est pas la priorité principale pour le développement des idées occitanes.

– Qu’est-ce qui vous pose problème dans le fait de choisir Montpellier comme ville d’accueil de la manifestation du 24 octobre ? 5 manif unitaires pour l’occitan, 5 fois en Languedoc. Les Occitans seraient-ils autant Français que ça dans leurs têtes pour reproduire le schéma centraliste de l’Etat jacobin? Nous n’acceptons pas l’argument de la distance. Pour des gens motivés, il n’est pas impossible de faire quelques kilomètres supplémentaires pour se retrouver dans des régions qui en ont plus besoin. La reconnaissance de l’occitan à Montpellier, comparé au reste de l’Occitanie est très bonne. On ne peut pas en dire autant de la Provence, du Limousin, de l’Auvergne ou du nord de la Gascogne. Une grande manif à Marseille, Bordeaux, Limoges pourrait avoir un écho local un peu plus utile. On le dit depuis 10 ans mais ça n’a jamais été pris en compte. De plus, en concentrant seulement les manifestations en Languedoc, on renforce la fausse image que l’Occitanie signifie Languedoc, et ainsi on conforte les ennemis de l’occitan qui considèrent que nous sommes tous sous hégémonie languedocienne.

– Marcha se dresse contre la manif du 24 octobre, et souhaite aller au-delà en bâtissant un militantisme en dehors des structures existantes : Calandreta, IEO, Oc-Bi, FELCO, Partit Occitan… ? La critique de la manif de Montpellier est seulement l’occasion de lancer cette initiative mais ce n’est pas la finalité, au contraire. Le problème ne s’arrête pas à l’organisation de l’événement. Le milieu occitan actuel est en crise, il est très divisé. Il y a aussi un fossé entre les jeunes occitanistes et ceux qui représentent l’occitanisme officiel. Il ne s’agit pas d’imposer notre chemin comme le seul et véritable mais de faire entendre une autre voix, une voix capable de redynamiser l’occitanisme, de proposer des pistes de réflexions et de bâtir des revendications communes. L’idée n’est en rien d’empêcher qui que ce soit d’aller manifester le 24 octobre mais juste de proposer des éléments de réflexion pour ceux qui y vont. Qu’ils y aillent en toute conscience et lucidité.

– Pourquoi avoir choisi le nom de « Marcha ! » ? C’est tout simplement l’idée d’avancer. Comme nous le disons en conclusion de notre appel :  les choses changent, et avec elles nous changerons. « Marcha ! » c’est aussi ce qui se dit populairement en fin de discussion quand on tombe d’accord. Il y a également une référence culturelle un peu plus lointaine, au disque du « Còr de la Plana » qui parlait beaucoup de politique, d’hier et aujourd’hui, souvent vue par des « gents », les « laissés pour compte ». C’est ce que nous appelons : « la société civile occitane ».

Clément ALET