06 Mar

Soritat : des femmes dans l’art du temps.

Cada naissença es un lençòl que se desplega

E cada mòrt un pauc de nèu

Que fond sul còr…

Les mots sont posés, le spectacle commence. C’est la générale de Soritat au complexe artistique de La Grainerie. Le carré de scène est jonché de tourbe. Une femme sort de la terre intérieure pour renaître à la vie.

Soritat : la fraternité sans eux

Soritat, ou plutôt « sororitat » (sororité), c’est la fraternité entre femmes. Il y en a 5 qui chantent et jouent (La Mal Coiffée), 5 circassiennes danseuses (Compagnie Timshel), et une qui met en scène : Fabienne Teulières.

Tout est parti du livre « Femmes qui courent avec les loups » de la psychanalyste conteuse Clarissa Pinkola. « C’est elle qui a amené l’archétype de la femme sauvage propre à la psyché féminine. Toutes les différentes figures de la femme qui a traversé toutes les périodes, tous les âges…» Alors quand Fabienne a arrêté son activité de circassienne pour s’adonner à la mise en scène, elle appelle les copines : « J’ai longtemps été circassienne, dans un milieu (le cirque) qui est assez masculin, où domine la performance. Là, je voulais explorer des choses propres à la féminité. ». Elle connaît La Mal Coiffée depuis ses débuts. Le projet Soritat c’est pour elles. Mais lors d’une ébauche pour un festival à Bar-le-Duc, elles ne sont pas disponibles et c’est Terra Maire qui assure la partie chant occitan dans cet extrait des Lavandières.

Mal Coiffée et Christ au féminin

Elle se remet au travail, ausculte les textes de La Mal Coiffée. Ca tombe bien, Jean-Marie Petit vient de leur livrer 24 poèmes sur la féminité dont la plupart se retrouveront sur leur dernier disque. « Je connaissais bien la Mal Coiffée. Ma belle sœur était dans le groupe. La grosse surprise pour moi a été de voir combien leurs chants traditionnels contenaient ces archétypes du féminin. L’occitan c’est une langue millénaire. Toutes ces figures d’avant le christianisme perdurent dans les chants. » Et les textes de Jean-Marie Petit sont du pain béni. Notamment « lo Crist es sus la crotz, vestit de lana rotja… » Un Christ qui mène les enfants à la fête du cirque et la Vierge Marie qui leur donne des pommes…Le fruit défendu ! Un Christ féminin pour une situation totalement inversée. « Tot es dins l’òbra de Joan-Maria Petit. Se jòga de tot : es un tipe que travèrsa los univèrses, laïc, religiós… En fach, es un animista. Dòna una dimension a la nocion de laïcitat que ne parlam plan d’aqueste temps, amb una dimension plan dubèrta. » Parole et parabole de Laurent Cavalié, le directeur artistique de la Mal Coiffée.

Soritat – Cie Timshel – 2014 from cie timshel on Vimeo.

L’art du temps

Sur scène, pas de frontières à la féminité. La Mal Coiffée chante, transcendée par ce qui se passe sur la piste entourbée. Et le spectacle ne manque pas d’air. Les danseuses circassiennes font des prouesses notamment sur un mât, sur un fil de fer et avec une corde. Mais aussi sur la terre, avec des branchages et même…un squelette! La femme se fait vouivre, renarde, sauvage. Elle puise dans son fort intérieur, dans ses mémoires, pour trouver sa piste. L’osmose est quasi parfaite entre les chanteuses et les danseuses.  Et parfois là aussi, les rôles s’inversent, dans différents tableaux assez « land art ».

Toutes donnent corps et voix au spectacle, dans une fraternité régénérante. Tout en ressort magnifié. Un spectacle total, prenant, qui surprend et qui fait du bien à l’occitan. Vous le retrouverez bientôt dans Viure al País et le 24 mars à Foix.

Benoît Roux

Reportatge : Edicion occitana S. Tijani B. Roux D. Hémardinquer O. Cabanis La Rossèla


Soritat par france3midipyrenees