21 Déc

Une télé en occitan est née

Voilà, c’est fait. Les Occitans ont donc leur télé depuis hier soir 20 heures. OcTele  a réussi son lancement et la chaîne est désormais en orbite autour de planète Occitanie, tous les jours sur Web de 18h30 à 22h30. Retour sur cette journée, qualifiée par certains d’historique.

15h45 : Dans un recoin du conseil régional de Bordeaux, l’équipe technique est déjà en place. Le plateau est monté mais les lumières ne sont pas encore installées. Une petite dizaine de techniciens s’affaire. Les moelleux mais néanmoins larges sièges du conseil régional sont déjà disposés en U sur le premier plateau du premier Talk-Show occitan. Il va y avoir du monde dans cette émission.

 

15h50 : Vincenç Clavery sort de l’ombre. Salutacions occitanas… L’animateur du Talk a le teint bien pâle me semble-t-il. « N’ei pas jamei fait de television. N’ei enveja mas tot aquò es un pauc irreal ». A 4 heures du direct, je sens beaucoup d’appréhension dans les yeux de Vincenç. Il a peur, c’est évident.

 

16h10 : Le duo de choc formé par Lionel Buanic le patron breton d’Oc tele et son acolyte occitan Stéphane Valentin débarque en grosse forme sur le plateau. « Mais c’est génial ! ». Lionel Buanic est un homme orchestre aux chaussures pointues et à la chemise bleu ciel toujours nickel. Il dégage une énergie assez stupéfiante et en moins de 20 secondes, il vous renverse la vapeur. Sauf que pour renverser celle de Vincent, il va devoir s’accrocher.

 

17h : première répétitions, premiers déplacements. Lionel « coache » Vincent qui tente de lire ses fiches sans les lire et d’assurer un premier plateau de présentation sans vaciller. « Tu y es Vincent, tu y es… regardes bien la caméra surtout ». Finalement Vincenç commence la détente. Il sourit et Lionel aussi.

 

17h10 : Interview de Lionel Buanic, fondateur de Brezhoweb et directeur d’Oc tele: « Le but c’est vraiment d’associer tous ceux qui ont envie de faire de la télévision en occitan de manière extrêmement professionnelle. Il y a des gens qui le font très bien comme DETZ à Toulouse ou des gens comme Comta’m qui font du doublage et qui ont déjà 300 heures de programmes qu’on va largement diffuser sur Oc tele. Et puis il y a des gens qui depuis 4, 5, 6 mois nous envoient des dossiers. Certains parlent occitan, d’autres ne parlent pas mais ont envie de faire des choses dans cette langue. Ce qui est intéressant, c’est de voir qu’aujourd’hui il y a des talents qui émergent de partout et qu’il va falloir mettre ces talents ensemble ».

Dià. Mais c’est le monde des Potonors…

 

17h30 : coup d’œil sur le conducteur du Talk-show de ce soir qui est donc intitulé : « L’occitan, lenga viva o lenga mòrta ? » (la réponse est la question)

Les invités de ce soir seront donc : David Grosclaude, Guilhèm Latrubesse, Jean-Jacques Casteret, Lucie Albert, Jean-Luc Lagrave, Monique Burg, Laurent Labadie, (reprendre ici sa respiration)  Jean-Brice Brana, Patrick Lavaud, La manufacture Verbale, les calandrons de Pessac e doas cronicairas. Ce qui nous fait donc 9 minutes par invité.

 

18h30 : David Grosclaude sort de l’Amassada qui se tenait au même moment dans la plénière  pour répondre à nos questions. Bon, tout d’abord parlons moneda. Quel est LE budget de cette Télé ?  50.000 euros du Conseil Régional d’Aquitaine, autant du Conseil Général des Pyrénées-Atlantiques, autant encore de la région Midi-Pyrénées, autant encore emporte le vent de la Région Languedoc-Roussillon. 20.000 euros de la Dordogne. On arrive donc à 250.000 euros, à quelques milliers d’euros près. Objectif pour 2016 : 400.000 euros.

Question à David Grosclaude, conseiller régional d’Aquitaine en charge de la culture et la langue : le jour où les collectivités décident de ne plus financer Oc tele, que se passe-t-il ?

Réponse : « Il se passe ce qui se passe pour l’audiovisuel public dans ce pays. Le jour où la puissance publique ne fait plus son travail, l’audiovisuel est en danger. Donc à partir du moment où une région décide faire quelque chose, elle le fait. Et si elle le peut elle va plus loin. Je souhaite que les régions aient plus de pouvoir et je souhaite qu’on puisse enfin faire dans ce pays une télévision régionale et moi je suis plutôt amateur de service public parce qu’on paie tous des redevances donc on va trouver un moyen de faire se croiser les compétences en occitan dans le public et le privé. En tout cas, faire en sorte qu’on offre au public des productions en occitan de qualité professionnelle».

Ca, c’est dit. Sentisses pas lo rostit ?

 

19h30 : lo manja-dreit s’acaba. Les Calandrons de Pessac, parrains d’Oc tele, sont arrivés.

Vincenç relit encore ses fiches. Les invités arrivent au niveau du plateau. C’est l’heure du maquillage. Lionel Buanic court à peu près dans tous les sens et s’adresse à son réalisateur en breton. (Je ne comprends rien. C’est dur à l’oreille le breton quand même.)

20h : le public arrive enfin pour assister à cette grande première. Anne-Marie Poggio, que je croise tout juste à ce moment-là, me confie : « crèsi qu’amb’aquèla cadena, l’occitan dintra dins la normalitat… »

Il n’y a pas assez de chaises pour accueillir tout le monde. Jeremie Obispo rajoute alors des chaises. « On va faire un filage avec les enfants à 20h15 ! » lance Lionel Buanic en chauffeur de salle totalement survolté.

 

20h15 : « On va faire un filage avec les enfants à 20h25 ! » relance Lionel Buanic, à peine plus excité.

 

20h25 : On file.

 

20h29 : Lionel Buanic est à la manœuvre. Sans porte-voix et sans horloge, il décompte en français jusqu’à quatre. Sans le lui avoir demandé, le public continue spontanément en occitan : tres, dus… un !

 

20h30 : D’Oc Show must go on.

 

Clément Alet