17 Juin

Décès du peintre Jacques Fauché

Lo pintre Jacques Fauché nos ven de quitar.

Jacques Fauché vient de nous quitter à l’âge de 86 ans. Il était né en 1927 à Lézat sur Lèze (09). C’était une figure. Sous sa bonhommie légendaire pointait un peintre pointilleux et averti. Une enfance passée dans l’épicerie familiale, les sens en éveil devant ces couleurs, ces odeurs, ces objets. Des études secondaires à Toulouse et les Beaux Arts pendant la guerre. L’esprit frondeur, il manque d’être renvoyé. A la libération, c’est la grande découverte de l’Art contemporain, le choc du cubisme. Jacques Fauché participe alors à de nombreux mouvements qui refusent l’académisme. Il cherche de nouvelles voies et n’oublie pas d’affirmer son occitanité.

Décembre 1950 il crée avec d’autres peintres (Jacques de Berne, Andrée Chocard, Pierre Igon…) une école toulousaine où le provincialisme et l’académisme n’ont pas lieu d’être. Entre figuration et abstrait, son style interpelle, dérange parfois. Notamment des fresques qu’il a peintes dans les églises de la région qui sont parfois recouvertes. Teintées de cubisme aux couleurs saturées, elles sont souvent recouvertes par des tentures et voilages comme à Péguilhan et dans sa ville à Lézat.

Mais Fauché poursuit sa route obstinément. En 1960, le milliardaire rouge Jean-Baptiste Doumeng passionné d’Art lui commande une suite de treize huiles sur bois sur la croisade contre les albigeois. Une expo qui là-aussi a fait grand bruit. «C’est la première fois que les Occitans découvrent cette partie de l’histoire de France occultée jusque là», se souvient son ami, son « frère » André Lagarde. Le livret accompagnant l’exposition n’étant pas « politiquement correct », l’année suivante, une seconde exposition sera interdite par le préfet. Depuis lors, les tableaux ne sont plus jamais ressortis de la collection privée de Doumeng, jusqu’à leur exposition actuelle à la médiathèque de Muret (31), l’un des événements qui marquent dans cette ville le huitième centenaire de la bataille.

Fauché a réalisé aussi de nombreuses fresques dans des écoles, à Tarbes, Saint-Sulpice-sur-Lèze, Bérat, Revel, Toulouse… Il a collaboré à l’édition et à l’illustration de nombreux ouvrages occitans notamment ceux d’André Lagarde. Il a réalisé le monument aux déportés dans le cimetière de Noé. Jusque dans les années 90, il a enseigné à l’école des beaux-arts de Toulouse puis poursuivi ses recherches -notamment sur la couleur- dans le calme de son atelier de Bérat.

Qui a rencontré ce personnage rayonnant d’humanité, de bienveillance et de générosité s’en souvient encore. Qui a déjà vu ses œuvres peut en mesurer l’inventivité, le choc des lignes et l’harmonie des couleurs. L’Occitanie et le monde pictural ne pourront pas oublier Jacques Fauché. Adessiatz Jacme.

Benoît Roux

04 Juin

L’occitan : une langue parlée par 110.000 personnes ?

©jacme31

C’est une éternelle question qui taraude depuis bien longtemps un certain nombre de curieux, soucieux de connaitre la réalité d’une pratique linguistique : mais en fait, combien de personnes parlent occitan ? A cette question, plusieurs personnes, institutions et organismes ont bien tenté de répondre. En 1999, l’INSEE et l’INED avançaient le chiffre de 526.000 locuteurs en France. En 2009 une enquête menée à la demande du Conseil régional d’Aquitaine arrivait au chiffre d’un million d’occitanophones, pour cette seule région. Détracteurs et défenseurs de l’occitan ne s’entendront probablement jamais autour de ces chiffres, tout autant que la méthode employée mais peut-être ne contesteront-ils pas le travail mené par une équipe de chercheurs, publié par la Société de Linguistique Romane. Le travail mené par Fabrice Bernissan et son équipe au sein de l’Institut d’Etudes Occitanes des Hautes-Pyrénées « Nosauts de Bigòrra » est sans appel concernant l’état de la langue. Cette association occitane estime que pour l’année 2012, les locuteurs de l’occitan seraient environ 110.000. Si l’on ramène ce chiffre au nombre d’habitants qui peuplent l’aire linguistique occitane, cela représente 0.73%.

Pour en arriver là, l’équipe s’est tout d’abord appuyée sur une minutieuse enquête de terrain menée dans le département des Hautes-Pyrénées depuis 2001 dont le but était de rencontrer et d’enregistrer la totalité des locuteurs vivant sur ce territoire. Selon cette enquête, en janvier 2012, 3785 personnes réparties sur les 474 communes du département ont été identifiées comme locuteurs natifs et 300 comme néo-locuteurs, soit 1,80% de la population des Hautes-Pyrénées. En projetant ces taux à l’ensemble de la population vivant en Occitanie, « nous obtiendrions un total maximum de 267.872 locuteurs de l’occitan » précise l’auteur dans son article scientifique. Or la composition démographique et sociale de la zone occitane a poussé les chercheurs à pondérer ce chiffre car la pratique de la langue n’est pas du tout la même entre villes et campagnes, entre départements ruraux ou plus urbains. « En fin de compte, nous estimons que les locuteurs de l’occitan sont très probablement au nombre d’environ 110.000. L’ensemble des non-locuteurs plus ou moins imprégnés atteint 1 200 000 personnes ».

Ces chiffres interrogent car ils sont bien en deçà de ceux qui sont régulièrement avancés par les différents acteurs occitanistes lorsqu’il s’agit de parler du nombre de locuteurs. Or, pour une fois, ce sont des militants occitans qui ont mené cette enquête.

Clément Alet