08 Juil

Comme une vis sans écrou – Mufle d’Eric Neuhoff

Certains livres sont comme  une vis sans écrou… on ne sait pas quoi en faire. C’est ce qui m’arrive avec Mufle d’Eric Neuhoff. Je suis incapable de vous dire si je l’ai aimé ou pas.

Pour l’histoire, on va faire simple. Il découvre qu’elle le trompe. Il la quitte. Il essaie de s’en remettre et de passer à autre chose. Simple, clair et vieux comme le monde.

Mais sur ce coup-ci, le protagoniste est tout sauf sympathique. Celle qui le trompe est au moins aussi insupportable. Difficile dans ces conditions de compatir un tant soi peu. Difficile aussi de ressentir quoi que ce soit. Expérience d’une lecture froide, sans émotion. La quatrième de couverture parle de l’autopsie d’un mensonge. Je parlerai plutôt de l’autopsie d’une rupture,  de la dissection de la douleur, du mensonge qui s’installe jour après jour, du dégoût de l’autre. Pas grand-chose qui donne envie d’aimer en somme.

A la longue, les jérémiades et les plaintes du narrateur pourraient lasser. Heureusement, Eric Neuhoff nous livre un ouvrage assez court. Juste assez pour nous emmener au bout, sans nous dégoûter vraiment.

Des phrases et des paragraphes courts, une écriture très hachée, très parlée. Le passage du « je » au « il » déroute. Pour ma part, j’en arrive à penser que le protagoniste parle de lui à la troisième personne, preuve de la haute idée qu’il a de lui-même. Ce qui le rend d’autant plus détestable.

Ca ne donne pas de bonnes raisons de lire Mufle tout cela…. Sauf que…

Sauf que pouvoir détester quelqu’un comme cela, sans raison, gratuitement, de penser, sans aucune culpabilité que ce qui lui arrive, finalement, c’est bien fait, cela fait un bien fou. Oui j’avoue, j’en pense beaucoup de mal de cet homme, de son amante aussi d’ailleurs. Et ce n’est quand même pas tout les jours qu’on peut déverser sa bile sur quelqu’un. Le temps d’un livre, je m’en suis donnée à cœur joie. Une expérience inédite, à tenter.

Mufle d’Eric Neuhoff chez Albin Michel

  • L’auteur

Eric Neuhoff est journaliste et écrivain. Il a passé son adolescence dans le Lot avec notamment un passage au Lycée Gambetta de Cahors. Il écrit, entre autre, pour le Figaro Madame. Il a fait partie de l’équipe du Fou du roi sur France Inter, intervient dans le Masque et la plume sur la même antenne, dans Le Cercle sur Canal Plus.

Auteur de nombreux romans (dont Les hanches de Laetitia qui se déroule à Toulouse), il a reçu le prix des Deux Magots pour Barbe à Papa, le prix Interallié pour La petite Française (il fait maintenant partie du jury), et le Grand Prix du roman de l’Académie Française pour Un bien Fou.

  • Ils en ont parlé

– Livrogne
– Mille et une pages
– Sophie lit
– La cause littéraire
– Les facéties de Lucie
– Liratouva
– Sans connivence
– Le Prix Virilo

  • Extrait

« Je t’ai aimée, Charlotte. Est-ce que tu te rendras compte de ça ? Est-ce-que ça te servira à quelque chose ?

Tu sais, je comprends qu’ils soient tous dingues de toi. A côté, les autres filles ne font pas le poids. Aucune ne t’arrive à la cheville. Tu entres quelque part et plus rien d’autre n’existe. C’est comme si la pièce, Paris t’appartenaient. Tu mettais cette ville sens dessus dessous.

Cela ne durerait pas. Tout cela s’évanouirait. Sa popularité baisserait. Son kilométrage la trahirait. Elle jetterait ses derniers feux. Elle avait intérêt à se dépêcher. Bientôt, elle serait quelque chose de risible et de hagard, une caricature de blondeur et de sensualité. Il y aurait d’autres filles, sur le marché, plus belles, plus fraîches, plus exubérantes. « Charlotte, ça a été quelque chose », soupireraient ceux qui l’avaient connue à sa grande époque. Adieu, championne.

Elle pouvait crever, tiens. Mais non, pourquoi disait-il ça ?

Il ne lui voulait pas de mal. Il lui souhaitait seulement de finir comme barmaid à temps partiel ou caissière dans un hypermarché de banlieue. Il espérait sincèrement qu’avec son bronzage artificiel, ses cheveux teints d’une étrange couleur blondasse, son maquillage de Faye Dunaway à la con, elle se retrouverait au bras d’un oligarque russe. Visonoff et Limousinski. Elle serait bientôt au creux de la vague. Elle se faisait vieille. Il n’avait jamais pensé à elle en ces termes. C’était sa faute. Il détestait la voir comme ça. Il doutait de l’avoir jamais eue. Elle irait là où les femmes de son âge ont du succès, avec des agents de change en pardessus de cachemire, des milliardaires faisandés ou des jeunes brokers en quête d’une maman pas si mal conservée. Tous ces gars-là lui tourneraient autour, lui offriraient des vacances à Moustique. Un peu de réalisme.

Et lui ? Il prendrait du bide. Des poils lui sortiraient des oreilles. Ses ongles de pieds deviendraient durs et jaune comme du touron. Un second souffle ? Un troisième, un quatrième, voilà ce qu’il lui fallait. Dieu avait intérêt à être généreux. Il emmènerait au Seychelles des filles beaucoup plus jeunes que lui, des filles qui n’auraient jamais entendu parler d’Alvin Lee ou de Joanna Shimkus. Il jouerait son va-tout. Si ça foirait, ça foirerait solidement, définitivement, quelque chose de bien. Il se préparait un avenir de regret et de gueule de bois. Seigneur ! »

Véronique Haudebourg

07 Juin

L’écrivain Patricia Parry nous a quittés

DR

L’écrivain et psychiatre Patricia Parry nous a quittés ce premier juin. Elle avait 55 ans, un mari, une fille. La maladie qui l’a emportée est forcément injuste.

Toute petite, Patricia Parry voulait être romancière. Mais, c’est la médecine qui emportera les faveurs de cette jeune surdouée. Elle deviendra psychiatre à l’hôpital Marchand à Toulouse. Mais aussi experte auprès des tribunaux.

Son premier amour de petite fille, la littérature la rattrapera. Elle écrira son premier roman après la catastrophe d’AZF qui sera au coeur de l’intrigue de ce policier « L’ombre de Montfort 1218-2001 ». Son second roman portera sur l’affaire Callas « Petits arrangements avec l’infâme ». Suivront « Cinq leçons sur le crime et l’hystérie » et « Sur un lit de fleurs blanches ». Des ouvrages qui ont reçus de nombreux prix.

21 Mai

7 femmes, de Lydie Salvayre

Jusqu’à présent, Lydie Salvayre l’affirme, elle répugnait à mettre le nez dans les biographies des auteurs qu’elle lisait. Un jour, en panne d’écriture, elle découvre l’étonnante correspondance entre Marina Tsvetaeva et Boris Pasternak. C’est le déclic. Lydie Salvayre va alors déroger à son grand principe. Grand bien lui en a pris.

Elles sont donc sept. Sept folles, sept allumées comme se plaît à les nommer Lydie Salvayre. Sept femmes pour qui « vivre ne suffit pas »,  qui ne se protègent pas, qui aiment à corps perdu, pour qui écrire est une douleur, une nécessité, une délivrance jamais atteinte. Sept femmes au destin tragique, reconnues aujourd’hui pour la qualité et la beauté de leur oeuvre. Sept femmes dont la vie fut un combat pour écrire, pour exister comme auteur mais aussi tout simplement comme femme. Elle s’appellent Emily Brontë, Marina Tsvetaeva, Virginia Woolf, Colette, Sylvia Plath, Ingeborg Bachmann, Djuna Barnes. Envers et contre tout, elles ont trouvé la force d’écrire, malgré les épreuves et la douleur.

En partageant avec nous sa fascination pour ces auteurs et leurs oeuvres, Lydie Salvayre s’interroge elle même et nous questionne. Comment continuer à vivre avec une telle douleur ? Quel est notre rapport à la folie ? Que signifie vivre et écrire quand on est une femme ? Quelle est l’imbrication entre l’oeuvre et la vie ? Une vie vivante, mais si douloureuse est-elle préférable à une vie plate, sans souffrance et ennuyeuse à mourir ?

Mais plus que tout, Lydie Salvayre nous donne envie de lire ces sept femmes, de les écouter nous murmurer à l’oreille leur douleur, leur combat, leur vie et leur beauté. Et se livre aussi un peu en partageant avec nous les émotions et les questions qu’amènent sa vision de la vie et l’oeuvre de ces sept passionnantes et passionnées allumées.

7 femmes, de Lydie Salvayre aux éditions Perrin

  • L’auteur

Lydie Salvayre est fille de réfugiés espagnols. Elle a grandi à Auterive près de Toulouse. Sa langue maternelle n’étant pas le français, elle complexe longtemps (et encore un peu) sur les éventuelles fautes de langage qu’elle pouvait faire. Diplômée de littérature espagnole de l’université Toulousaine, elle est aussi psychiatre et a exercé à Aix et en région parisienne. Son premier roman, La Déclaration, est publié aux Editions Julliard en 1989. Son roman La Compagnie des spectres (1997) a reçu le prix Novembre et a été élu meilleur livre de l’année par le magazine Lire. En 2007 paraît Portrait de l’écrivain en animal domestique, suivi par BW en 2009 et Hymne en 2011. Plusieurs textes de Lydie Salvayre ont été adaptés pour le théâtre ou joués sous la forme de concerts-lectures.

  • Eux aussi, ils ont aimé 7 femmes

Julie Clarini dans le journal Le Monde

Eleonore Sulster dans le journal suisse Le Temps

La revue Page

François Busnel dans le Grand Entretien sur France Inter

  • Extrait

« Sept folles.
Pour qui vivre ne suffit pas. Manger, dormir et coudre des boutons, serait-ce là toute la vie ? se demandent-elles.
Qui suivent aveuglément un appel. Mais de qui, mais de quoi ? s’interroge Woolf.
Sept allumées pour qui écrire est toute la vie. (« Tout, l’écriture exceptée, n’est rien », déclare Tsvetaeva, la plus extrême de toutes.) Si bien que leur existence perd toute assise lorsque, pour des motifs divers, elles ne peuvent s’y vouer.
Sept insensées qui, contre toute sagesse et contre toute raison, disent non à la meute des « loups régents », qu’ils soient politiques, littéraires, ou les deux, et qui l’écrivent à leur façon, les unes en hurlant, en claquant les portes en arrachant les masques, et tant pis si la peau et la chair viennent avec, les autres avec des grâces et des manières très british, mais toutes en écoutant la voix qui leur murmure à l’oreille : un peu plus à gauche, un peu plus à droite, plus haut, plus vite, plus fort, stop, précipiter, ralentir, couper. La voix du rythme. Sans cette voix, elles sont formelles : pas d’écriture et pas d’écrivain. C’est aussi simple et aussi implacable.
Sept imprudentes pour qui écrire ne consiste pas à faire une petite promenade touristique du côté de la littérature et puis, hop, retour à la vraie vie, comme on l’appelle.
Pour qui l’oeuvre n’est pas un supplément d’existence.
Pour qui l’oeuvre est l’existence. Ni plus ni moins. Et qui se jettent dans leur passion sans attendre que le contexte dans lequel elles vivent leur soit moins adverse.
Sept folles, je vous dis.

Car il fallait qu’elles fussent folles ces femmes pour affirmer leur volonté présomptueuse d’écrire dans un milieu littéraire essentiellement gouverné par les hommes. Car il fallait qu’elles fussent folles pour s’écarter aussi résolument, dans leurs romans ou leurs poèmes, de la voie commune, pour creuser d’aussi dangereuses corniches, pour impatienter leur temps ou le devancer comme elles le firent, et endurer en conséquence les blâmes, les réprobations, les excommunications, ou pire, l’ignorance d’une société que, sans le vouloir ou le voulant, elles dérangeaient.

Je relus, il y a un an, tous leurs livres.
Je traversais une période sombre. Le goût d’écrire m’avait quittée. Mais je gardais celui de lire.
Il me fallait de l’air, du vif. Ces lectures me l’apportèrent.
Je vécus avec elles, m’endormis avec elles. Je les rêvais.
Certain jour, un seul vers de Plath suffisait à m’occuper l’esprit. La perfection est atroce, me répétais-je, elle ne peut pas avoir d’enfant. Le lendemain, j’avalais d’un trait les trois cent dix-sept pages du roman de Woolf Orlando, dans un bonheur presque parfait. »

Véronique Boissel-Haudebourg

03 Mai

Code 93 – Olivier Norek

J’en ai beaucoup voulu à Olivier Norek. Par sa faute, il m’a fallu une énergie folle pour ne pas m’endormir sur mon bureau. La veille, j’avais entamé dans les transports la lecture de Code 93. Et je n’ai pu m’arrêter de la nuit.
C’est donc peu dire que j’ai aimé Code 93.
Tout y est. Une équipe de flics aux histoires personnelles diverses et variées, souvent difficiles, la médecin légiste qui nous offre notre lot d’autopsies, les vrais méchants qui s’entretuent, les vrais gentils qui se battent comme ils peuvent contre (dans le désordre) leur hiérarchie, certains collègues, un tueur en série, parfois eux-mêmes, et surtout des meurtres mystérieux, violents de préférence et qui pourraient nous faire croire aux zombies et à l’autocombustion.
Ajoutez deux personnages qui font beaucoup à la saveur du livre, le capitaine Victor Coste accroché à sa banlieue et à son métier comme à une seconde peau, et la banlieue de la Seine Saint-Denis, où la violence est si quotidienne qu’elle en devient banale.
Il faut dire qu’Olivier Norek en connaît un rayon en la matière puisqu’il est lui-même policier depuis 14 ans en Seine Saint-Denis. Une expérience qui rend Code 93 encore plus savoureux (et angoissant) puisqu’on l’imagine possible…
Toulousain et donc flic en banlieue parisienne, Olivier Norek nous livre un premier roman (écrit dans la maison familiale en Aveyron) d’une grande réussite, à l’écriture précise qui laisse la place à la fois à une belle maîtrise des sentiments et la création d’un suspense efficace.
Un livre haletant et extrèmement prometteur.
Ils ont eux aussi aimé Code 93 :
Extrait
« Mercredi 11 janvier 2012
Coste ouvrit un oeil. Son portable continuait à vibrer, posé sur l’oreiller qu’il n’utilisait pas. Il plissa les yeux pour lire l’heure. 4 h 30 du matin. Avant même de décrocher, il savait déjà que quelqu’un, quelque part, s’était fait buter. Il n’existait dans la vie de Coste aucune autre raison de se faire réveiller au milieu de la nuit.
Il but un café amer en grimaçant, adossé à son frigo sur lequel un Post-it « acheter du sucre » menaçait de se décoller. Dans le silence de sa cuisine, il scruta par la fenêtre les immeubles endormis. Seule lumière de son quartier, il se dit qu’il lui revenait ce matin d’allumer la ville. Il vérifia son arme à sa ceinture, enfila un pull et un manteau noir difforme puis empocha ses clefs. La 306 de service craignait le froid et refusa de démarer. Ce matin, Victor Coste et elle en étaient au même point. Il patienta un peu, alluma une cigarette, toussa, esseya de nouveau. Après quelques à-coups, le moteur se réchauffa et les rues vides lui offrirent une allée de feux rouges qu’il grilla doucement jusqu’à s’insérer sur la route nationale 3.
Quatre voies grises et sans fin s’enfonçant comme une lance dans le coeur de la banlieue. Au fur et à mesure, voir les maisons devenir immeubles et les immeubles devenir tours. Détourner les yeux devant les camps de Roms. Caravanes à perte de vue, collées les unes aux autres à proximité des lignes du RER. Linge mis à sécher sur les grillages qui contiennent cette partie de la population qu’on ne sait aimer ni détester. Fermer sa vitre en passant devant le déchetterie intermunicipale et ses effluves, à seulement quelques encablures des premières habitations. C’est de cette manière que l’on respecte le 93 et ses citoyens : au point de leur foutre sous le nez des montagnes de poubelles. Une idée que l’on devrait proposer à la capitale, en intra muros. Juste pour voir la réaction des Parisiens. A moins que les pauvres et les immigrés n’aient un sens de l’odorat moins développé… Passer les parkings sans fin des entreprises de BTP et saluer les toujours mêmes travailleurs au black qui attendent, en groupe, la camionette de ramassage. Tenter d’arriver sans déprimer dans cette nouvelle journée qui commence. « 
Véronique Boissel-Haudebourg

30 Avr

Le Cercle – Bernard Minier

A Marsac, célèbre ville universitaire, dont la réputation du Campus et de la qualité de vie rayonne dans tout le Sud Ouest, Claire Diemar, une professeure de civilisation antique est retrouvée morte assassinée dans sa maison un soir d’orage.
La mise en scène est digne des méthodes d’un serial killer et le commissaire toulousain Martin Servaz ne peut s’empêcher de penser à Julian Hirtmann, un tueur à qui il a déjà eu à faire par le passé.
Mais ce soir là, il n’y a q’Hugo dans la maison, un jeune étudiant que tout accuse. Hugo n’est autre que le fils de Marianne, le grand amour de jeunesse du commissaire Servaz. Et il nie être le meurtrier.
Très vite, les souvenirs, la vie privée et les sentiments se mêlent à l’univers déjà complexe et oppressant de l’enquête.
Les démons de Servaz ont la vie dure : le voici parti dans une nouvelle enquête qui le conduit sur les traces douloureuses de son propre passé; Lui, l’étudiant brillant qui voulait devenir écrivain mais qui a quitté l’université de Marsac, avant d’entrer dans la police.

Qui a tué Claire ? Hugo l’étudiant fragile ? Hirtmann le suisse détraqué ? Ou Elvis Elmaz un homme violent plusieurs fois condamné pour agressions sexuelles et récemment sorti de prison ?
Dans une ambiance aussi moite que la chaleur humide et orageuse de ce mois de juin 2011,  Servaz et son équipe auront fort à faire pour découvrir la vérité.  Jusqu’au bout  du livre, une enquête haletante et dangereuse, rythmée par la musique de Mahler.

Bernard Minier est né à Béziers et a grandi dans le Sud-Ouest.
Après « Glacé », prix du meilleur roman francophone au festival Polar 2011 de Cognac, prix littérature 2011 du salon du livre pyrénéen, et prix de l’embouchure 2012, le cercle est son deuxième roman.

EXTRAIT

«Servaz ferma les yeux, compta jusqu’à trois et les rouvrit : la source de lumière ne se trouvait pas dans la baignoire, mais dans la bouche de la victime. Une petite lampe torche, qui ne devait pas excéder deux centimètres de diamètre. Elle avait été enfoncée dans sa gorge. Seule son extrémité émergeait de l’oropharynx et de la luette, et elle éclairait le palais, la langue, les gencives et les dents de la morte, en même temps que son faisceau se diffractait dans l’eau environnante.
On aurait dit une lampe à abat-jour humain …
Servaz se demanda, perplexe, quelle était la signification de ce dernier geste. Une signature ? Son inutilité dans le mode opératoire lui-même et son indiscutable valeur symbolique le laissaient penser. Restait à en trouver le symbole. Il réfléchit à ce qu’il voyait, ainsi qu’aux poupées dans la piscine, essayant de déterminer l’importance de chaque élément. »

Le Cercle – Bernard Minier – XO éditions

28 Avr

Maintenant le mal est fait – Pascal Dessaint

Ils forment une bande d’amis ou du moins le croient. Mais la mort de l’un d’entre eux les renvoie à leurs choix, leurs lachetés, les force parfois à faire des choix, à s’affirmer ou à s’écrouler.

Garance, Serge, Germain, Elsa, Marc, Edith, George, Justine, Bernard… pour la plupart, ils sont à l’âge où les bilans deviennent possibles.

Pascal Dessaint utilise la multitude des points de vue pour raconter leur histoire, et tisse la complexité des rapports humain, avec toutes leurs nuances. Et nous rappelle au passage que les choses que nous vivons ne sont jamais les mêmes pour nos proches.

Un roman élégant et délicat sur l’amitié, la nature, la complexité des sentiments et leurs fluctuation, la maturité, le consumérisme… Un ouvrage à savourer.

L’auteur
Pascal Dessaint, natif du Nord, vit à Toulouse depuis plus de 30 ans. Plusieurs de ses ouvrages se déroulent dans la ville rose. Auteurs de nombreux romans et nouvelles, Pascal Dessaint a reçu plusieurs prix dont le grand prix de la littérature policière, le Grand prix du roman noir français du festival de Cognac et le prix mystère de la critique. Sensible aux question environnementales, Pascal Dessaint est aussi militant et…. grand marcheur.

Eux aussi, ils ont aimé
Le blog de Encore et toujours du noir !
Le blog de l’oncle Paul

Maintenant le mal est fait – Pascal Dessaint – aux éditions Rivages

Véronique Boissel-Haudebourg

28 Jan

Le Vase où meurt cette verveine – Frédérique Martin

Zika et Joseph s’aiment profondément. Après 56 ans de vie commune leur vie est bouleversée par la maladie et le départ de la maison de Zika. Elle doit faire soigner son cœur à Paris et part vivre dans le petit appartement de sa fille Isabelle, tandis que Joseph est contraint d’aller habiter chez son fils Gauthier à Monfort. Pour pallier l’absence et vaincre la distance, ils échangent de nombreuses lettres, dans lesquelles ils relatent leur quotidien, l’adaptation aux habitudes de leurs enfants, et expriment leur amour l’un pour l’autre.

Mais au fil des lettres, tandis que la séparation devient de plus en plus pesante entre Joseph et Zika, la famille se disloque : à Paris, les blessures de l’enfance refont surface et la relation entre Isabelle et sa mère devient difficile puis violente.

A Monfort, le couple de Gauthier se dégrade.

La relation mère-fille est l’une des plus complexes qui soit.

A travers cet échange épistolaire dans laquelle se tisse l’intrigue, le malaise transparait et grandit avant d’exploser… Une déflagration à la mesure de celle qui touche cette famille et les certitudes de chacun de ses membres.

Attention, livre troublant et dérangeant…

Extrait

« Elle était furieuse, j’aurais voulu que tu la voies, les narines rétrécies, l’œil mauvais. Ah, çà fermentait dur sous le capot ! Et moi, sa tête de carême m’a fait rire, mais rire… je ne pouvais plus m’arrêter. Ce rire m’a rendu de la hauteur je retrouvais un peu de liberté et de la joie qu’on m’avait dérobées ces derniers mois. Ce n’était pas beaucoup, n’est-ce pas ? Mais pour elle c’était trop, alors tu sais ce qu’elle a fait, Joseph, tu sais ce qu’elle a fait ? Elle m’a giflée.

L’humiliation, tant qu’on ne l’a pas connue on ne sait pas de quoi il retourne. Mais quand on l’a prise de face, mon ami, on ne peut plus l’oublier. Pendant un instant, tout s’est arrêté et j’ai su, j’ai su que je haïssais quelqu’un pour la première fois. Cette femme, devant moi, n’était plus ma fille. Il y a eu la gifle et il y a eu la déflagration qu’elle a causée en moi. Oui çà dévaste tout, l’humiliation, ça brûle, çà corrompt, c’est de l’acide pur. Une révélation, elle l’a compris aussi. Après, j’ai senti cette douleur cuisante sur la joue et ma bouche, comme si le coup m’avait tatouée. »
Edition Belfond

16 Nov

Un homme perdu – Isabelle Desesquelles

Edition Naïve

Présentation de l’éditeur

C’est un humain comme les autres. Il espère, il pleure et il voudrait aimer. Il s’émerveille aussi, il a peur et il rêve. C’est l’histoire d’un homme qui n’aurait pas du naître. Au point qu’on ne lui donne pas d’identité, pas même un prénom. CAjouter une imageElle qu’il appelle petite maman le cache. Il ne s’est jamais couché dans l’herbe, n’a pas couru contre le vent, il n’a jamais mis sa langue dans une autre bouche. Son père est Charles de Gaulle, son frère David Copperfield et ils le protègent.

Avis de Marnie

Un très court récit en forme de coup de poing… à la première personne, cet homme dont sa mère (et ses proches) ont nié l’existence jusqu’à refuser de lui donner un prénom, va « se » raconter… va nous raconter ses premières années dans cette chambre, dans un huis-clos malsain et étouffant où sa mère le tient prisonnier entre ses tentacules dévorantes.

Le talent d’Isabelle Desesquelles, c’est de ne rien nous expliquer vraiment, ni même de décrire ou de prendre le temps d’enrober tout cela avec un décor ou une mise au point historique. En fait nous comprenons tout sans qu’il y ait besoin de s’attarder sur un contexte évoqué juste ce qu’il est nécessaire. Le talent de cet auteur est simplement de nous faire ressentir cette mise en abîme, par petites touches de cruauté, de crudité, de poésie, de drame, d’humour jusqu’à ce que la tendresse disparaisse lentement.

Nous voici touché au cœur par ce garçon écorché vif, injustement cloîtré à qui l’on rogne insidieusement ses chaînes. Au moment où il pourrait se libérer, il n’aura plus l’envie de s’échapper pour découvrir le monde, seulement le besoin d’échapper à lui-même. C’est formidablement bien fait, décrit avec avec une franchise inéluctable.

Un récit bref qui où plane l’ombre de l’inceste, l’amour et de la haine interdits. Nous avons vraiment l’impression que Sartre avait bien raison : l’enfer c’est les autres…

Du côté des abattoirs – Jan Thirion

Editions l’écailler – polar noir - Juin 2012

Un policier toulousain qui suit sa trace, mais dont le destin va s’accélérer après que la fille de sa compagne soit tombée accidentellement des escaliers sous ses yeux.

Le dernier roman de Jan Thirion nous entraine dans une succession de morts violentes, une comédie sanglante où les cadavres s’empilent de façon rocambolesque, dans lequel se mêle enquête, malfrats de tous poils et humour grinçant.

Sur les traces d’un flic pas très net qui fait tout pour qu’on l’oublie, mais qui se prend sans cesse les pieds dans le tapis, l’auteur s’amuse à pousser le scénario jusqu’à la scène finale qui ressemble au bouquet final d’un feu d’artifice.

Extrait :

L’art lui est tombé dessus en regardant les poulets congelés. Le bac en était rempli. Sa mère a soulevé le grand couvercle vitré, embué par endroits. Elle a choisi le poulet sans tête qui lui plaisait. On le mangerait en famille avec une jardinière de légumes, surgelée également. Pol R est né ce jour-là, à 8 ans, et, depuis, il n’a jamais dévié de sa route. Trente ans plus tard, il n’a pas à rougir du travail accompli. Il a réussi à se faire un nom…”

Pour les initiés ce livre est une version réécrite et développée d’un des premiers  roman policier de Jan thirion «  Ego fatum (Krakoën 2006)

Voir : http://jeanne.desaubry.over-blog.com/article-une-araignee-poilue-sur-un-mur-d-abattoir-107505101.html

Découvrir l’auteur : thirion.free.fr

Découvrir la maison d’édition : http://lecailler.fr