08 Mar

Le rabbin free lance accusé d’agression sexuelle

Devant la chambre pénale de la famille du tribunal correctionnel de Marseille, un rabbin comparaît pour agression sexuelle, par personne ayant autorité sur la victime. Dans cette affaire, il y a deux victimes. Une seule s’est constituée partie civile, est présente à l’audience de ce mercredi 8 mars.

 

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©France3 Provence Alpes

Jojo Ohayon, veste noire, chemise blanche, barbe poivre et sel, et kippa sur le haut du crâne, se présente à la barre du tribunal. Durant toute l’instruction, le religieux a contesté les faits d’agression sexuelle sur mineure reprochés.

Le 8 avril 2012. Sylvie*, accompagnée de sa mère dépose plainte pour agression sexuelle.

Quelques jours plus tôt, Sylvie* suit des cours de conversion au judaïsme dans une association cultuelle du 6ème arrondissement de Marseille. L‘adolescente est assise sur une chaise, le rabbin, assis à côté d’elle, lui demande avec insistance s’il lui avait manqué et si elle pensait à lui le soir. Il l’attire vers lui en lui demandant de monter sur ses genoux. Pensant qu’il agissait paternellement, parce qu’il l’appelait régulièrement « ma fille », Sylvie*, s’exécute. Jojo Ohayon, commence à lui caresser les hanches, la taille, la poitrine au dessus du tee-shirt et tentant de glisser la main sous le vêtement. La jeune fille, repousse le religieux, retourne à sa place. Un coup de fil de la femme du rabbin, interrompt le cours qui avait repris. Sylvie* en profite pour demander, par sms, à son petit ami de venir la chercher. Après le coup de fil avec son épouse Jojo Ohayon, enlace son élève autour du cou, lui demande un bisou, elle s’apprête à l’embrasser sur la joue, mais il lui prend fermement le menton pour l’orienter vers la bouche. La jeune fille baisse la tête.

A la fin du cours, Sylvie* sort du lieu de culte en pleurs. Son petit ami l’attend devant l’association. L’adolescente se confie. Le jeune homme entre dans les locaux à la recherche du rabbin. Il ne le trouve pas. Il l’appelle au téléphone. Jojo Ohayon répond que Sylvie était déjà triste en arrivant. Plus tard dans la soirée, Sylvie reçoit un sms du rabbin : « je te considère comme ma fille et je veux que tu aboutisses à tes fins si Dieu le veut. Amen. » 

« je te considère comme ma fille et je veux que tu aboutisses à tes fins si Dieu le veut. Amen. » 

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©France3 Provence Alpes

Elle éprouve un sentiment de honte

Dans son rapport, la présidente du tribunal, Delphine Belmontet, indique que Sylvie* a maintenu ses déclarations devant les différents service de police et devant le juge d’instruction. Qu’elle s’est engagée dans un parcours religieux auquel elle croyait qu’elle éprouve un sentiment de honte. Les gestes de Jojo Ohayon, ont eu un retentissement important du à un syndrome anxieux. Le médecin légiste lui a prescrit deux jours d’incapacité totale de travail.

Rabbin free lance

La présidente du tribunal demande au prévenu s’il est rabbin. « Parce que dans la procédure il s’est avéré que vous n’aviez aucune attache avec le Consistoire. On parlera de vous vous comme un rabbin free lance. »

Alors, êtes-vous rabbin ou non?

Réponse du prévenu : »Oui, je suis reconnu par le président du tribunal rabbinique de Jérusalem. Et mon centre est reconnu par le Consistoire. Je suis affilié depuis 2015.

Alors, êtes-vous rabbin ou non?

Réponse du prévenu : »Oui, je suis reconnu par le président du tribunal rabbinique de Jérusalem. Et mon centre est reconnu par le Consistoire. Je suis affilié depuis 2015.

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©France3 Provence Alpes

Une autre victime se fait connaitre

« A cette époque je n’ai rien dit parce que j’étais vraiment dans une position de faiblesse vis à vis de ma conversion…on ne vit que pour ça, et c’est pour ça que je me suis permise de ne pas faire de vagues. » 

Diane*, qui avait suivi des cours de conversion début 2011, vient témoigner pour ne pas laisser dire que « Sylvie est folle et qu’elle dit n’importe quoi. » Diane voulait pas conserver le silence face à la rumeur accusant Sylvie, qu’elle ne connaissait pas. Ce nouveau témoin dit avoir été victime d’attouchements et d’effleurements, sur les hanches et sur le côté. « A cette époque je n’ai rien dit parce que j’étais vraiment dans une position de faiblesse vis à vis de ma conversion…on ne vit que pour ça, et c’est pour ça que je me suis permise de ne pas faire de vagues. » 

Tout comme Sylvie*, Diane* recevra, pendant l’enquête, des appels téléphoniques de la part de l’épouse du rabbin.

Des cours particuliers

Sylvie* : »Je prenais de cours particuliers » « je n’ai pas dit que j’avais une relation amoureuse, parce que je ne trouvais pas nécessaire de le dire…il ne m’a jamais demandé si j’avais un petit copain…je ne savais pas qu’il avait appris que j’avais un petit ami… » « …il m’a demandé de l’embrasser, il sentait l’alcool, mais je ne l’ai jamais vu boire… »

« …il m’a demandé de l’embrasser, il sentait l’alcool, mais je ne l’ai jamais vu boire… »

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Victime d’un complot

Jojo Ohayon : « Je ne veux pas de personnes en couple pour les conversions…je n’ai jamais pris personne sur les genoux… »  » …je suis victime d’un complot, d’une manipulation exercée par un tiers pour des raisons obscures… »

 » …je suis victime d’un complot, d’une manipulation exercée par un tiers pour des raisons obscures… »

« …elle ne dit pas la vérité, tout ce qu’elle raconte, n’est qu’affabulation… » « …elle a déballé tout ça parce que j’avais découvert qu’elle a un petit copain… »  « en tant que religieux on n’a pas le droit de serrer la main aux femmes… » se défend Jojo Ohayon. 

Montrée du doigt

Maître Virginie Sapazian, l’avocate de la jeune plaignante a indiquée que sa cliente depuis qu’elle avait déposé plainte, elle avait fait l’objet d’insultes et de menaces et exclue de  de la communauté. « …Les propos de Monsieur Ohayon, ne sont que des mensonges, il ne sait que mentir, y compris sur son rapport direct avec la religion… » « …cette jeune fille a tout perdu, mais pas sa famille ni sa foi.. »

« …cette jeune fille a tout perdu, mais pas sa famille ni sa foi.. »

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Réquisitoire

La procureure Audrey Martin démontre l’insistance du rabbin à s’autoproclamer « reconnu » et s’inscrit dans une stratégie de défense. « ...la nature sexuelle des gestes n’est pas discutée. Il y a de la contrainte au vu de la relation d’autorité avec la victime, qui est surprise par le comportement décalé… » « …tout ce qu’a dit la victime a pu être vérifié point par point… »

« …tout ce qu’a dit la victime a pu être vérifié point par point… »

La représentante de l’accusation demande que le prévenu soit reconnu coupable et réclame trois ans de prison avec sursis, sept ans de suivi socio judiciaire et interdiction pendant dix ans d’exercer toute activité professionnelle ou bénévole avec des mineurs.

La relaxe demandée

Maître Benjamin Liautaud, avocat de Jojo Ohayon plaide la relaxe. Il décrit son client comme un bienfaiteur de sa communauté, « il n’est pas le menteur patenté et l’agresseur sexuel décrit par l’accusation…les apparences ne sont pas favorables mais c’est un dossier qui ne repose que sur du déclaratif… »

« …les apparences ne sont pas favorables mais c’est un dossier qui ne repose que sur du déclaratif… »

La condamnation

Le tribunal a condamné le rabbin à 2 ans de prison avec sursis pour agression sexuelle, assorti d’une interdiction de toute activité professionnelle ou bénévole pour une durée de dix ans et ordonné un suivi socio judiciaire de quatre ans afin de prévenir tout risque de récidive.

Le vendeur de textiles sur les marchés devra en outre verser 5000 €uros à Sylvie*au titre du préjudice moral.

*les prénoms ont été modifiés