14 Déc

Assises : deuxième jour de procès du policier marseillais accusé du meurtre d’un lycéen

Les faits datent du 13 février 2013. A la suite d’une rixe dans une supérette de nuit du troisième arrondissement de Marseille,Yassin Aibeche, un lycéen de 19 ans, est mortellement blessé par une balle tirée par un policier (révoqué en avril 2104). Frédéric Herrour, le gardien de la paix qui n’était pas en service, ce soir là, se trouvait en état d’ébriété. Il plaide l’accident

Une journée consacrée aux témoignages :

les vérités se confrontent

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© JFGiorgetti

Les explications de l’accusé

Au début de cette deuxième journée d’audience, la présidente Anne Segond a demandé à Frédéric Herrour de raconter sa journée du 13 février 2013.

Veste grise sur chemise blanche, cheveux grisonnants portant de fines lunettes, l’accusé explique que la veille il s’était couché tard, et n’avait pas trouvé le sommeil avant cinq heures du matin, parce qu’habituellement il travaille de nuit. A peine deux heures plus tard, il dit, s’être rendu à un stage de tir pour des « exercices simples ».

Une fois le stage terminé, il retourne à son service à la division nord dans le 15ème arrondissement de Marseille. Il se change partiellement et porte une tenue « panachée ». Le haut en civil et le bas en tenue de service.

Sur le chemin du retour à son domicile, après avoir déposé du courrier dans une boîte aux lettres, il entre dans un bar tabac dans le 3ème arrondissement, pour « dire bonjour aux habitués au patron ». « J’ai consommé quatre ou cinq bières pression, j’y suis resté jusquà la fermeture vers 21 heures » 

je n’avais pas dormi depuis presque 30 heures

« J’étais très fatigué je me suis rendu à mon véhicule stationné cinquante mètres plus loin » « je m’y suis endormi, pris par un gros coup de barre. »

je me suis réveillé il était 23 heures/ 23 heures 10.

« En partant je fais un crochet par la superette (située à 700 mètres de son domicile), trois personnes s’y trouvaient. Deux étaient assis à une table et regardaient un film sur un tablette tactile, j’ai pris place à côté des jeunes et j’ai regardé avec eux, le film. »  » Quelques minutes plus tard, un jeune  mesurant 1m85, 1m90 est entré et s’est dirigé vers moi. J’ai levé la tête,

il me regardait avec un regard noir rempli de haine 

Il m’a regardé de haut en bas, je suis resté interloqué de voir comment

Il m’avait détronché

Le jeune est ressorti du magasin, sans rien acheter. Il est revenu accompagné d’un individu. Je ne les ai pas regardé, pour ne pas envenimer la situation…après avoir acheté de l’alcool, les deux hommes sont repartis. J’étais soulagé de les voir partir…

30 secondes plus tard, on a entendu des insultes et des menaces de mort, venant de l’extérieur du magasin. Le plus grand était surexcité il me pointait du doigt en me disant :

sors, je vais t’arracher la tête!

« …Je suis resté à l’intérieur pour ne pas faire monter la mayonnaise… » « Son ami, ne faisait rien pour le calmer. Voyant que je ne sortais pas, les deux hommes sont entrés. Le plus jeune m’a demandé de sortir. Je suis resté assis sans répondre. Il s’est avancé vers moi. J’ai compris qu’il voulait me frapper. J’ai juste eu le temps de me lever. Il m’a mis un coup de poing au visage. Je suis tombé à la renvers. Il a continué à m’insulter.

Je me suis senti pris au piège

La présidente intervient : « c’est très précis, ce que vous dites!

L’accusé j’interprète les images qui me sont remontées. J’ai fait un travail d’introspection sur moi, quiu a réveillé toutle chaos que j’avais dans la tête.

Cour

© France3 Provence

Premier témoin

Bilel Chograni, 35 ans, gérant de la supérette « le 107 », est entendu par visio conférence. Pull bleu cheveux bruns courts.

« Fred est arrivé vers 23h30, il a acheté des boissons comme à son habitude et a discuté avec les trois clients présents. Ce soir là, je pensais à mon fils et à ma femme qui étaient grippés. Je me suis absenté. Mon domicile se trouve juste à côté du magasin. Quand je me suis absenté, l’alimentation était calme, il n’y avait pas beaucoup de monde.En arrivant chez moi j’ai entendu un bruit de détonation. Je n’ai pas fait attention. J’étais en confiance.

J’étais loin d’imaginer une chose pareille.

Je suis revenu au magasin, j’ai vu tous les clients dehors. Fred n’était plus là. Sa voiture non plus. On m’a expliqué les évènements, qu’il y a eu une altercation à l’extérieur du magasin, entre fred et un jeune et après il ont entendu le bruit d’une détonation. Vu les faits, j’ai vérouillé la vitrine. J’ai rapatrié les trois personnes présentes dans la cuisine derrière la supérette et j’ai fermé la porte. J’ai applelé la police. En attendant l’arrivée des policiers,

j’ai entendu un énorme bruit. J’ai entrouvert la porte. J’ai vu une voiture encastrée dans la vitrine… »

 

Superette 4    Voiture superette 1    Voiture supérette 2

La voiture encastrée dans la supérette

 

Yassin était très bien avec moi il était gentil. Il faisait sa vie tranquille. Le soir des faits, je n’ai pas eu le temps de le voir énervé. Je ne l’ai jamais vu énervé.

Ce n’était pas une soirée normale!

C’était une soirée de folie!

« Ce n’est pas normal ce qui s’est passé l’un comme pour l’autre. »

Plus tard, Bilel Chograni apprendra que c’est l’ami de la victime, celui qui l’a accompagné à l’hôpital, qui a précipité sa voiture dans la vitrine. Un geste de colère face à l’attitude du gérant. Tahar Ben Makri, pensait qu’il avait continué à travailler comme si de rien n’était ». 

L’affaire de racket

Ensuite la présidente de la cour d’assises évoque l’affaire de racket dont a été victime Bilel Chograni. L’affaire date de janvier 2013, deux hommes dont le frère de Yassin Aibeche sont venus lui réclamer 3000 €uros en dédommagement d’une borne équipée d’un écran et d’une console de jeu vidéo. Bilel Chograni avait ouvert une association culturelle dans laquelle se trouvait matériel qui a été volé. Les menaces avaient été claires

Si tu ne payes pas je brûle tout!

Je vais te tuer!

Je t’enlève la vie si tu appelles la police!

« Ma femme a été tellement intimidée qu’elle leur a donné 500 €uros.

« La mort de Yassin a envenimé les choses », on m’a cambriolé trois fois. C’était devenu normal de me cambrioler. J’étais devenu responsable des faits. J’ai perdu tout ce qu’il y avait à perdre. Ma femme est partie. Tout m’a été enlevé. Il ne me reste plus que la vie

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© JFGiorgetti

 

Deuxième témoin

Ilias Latrèche ,25 ans, accompagné par deux gendarmes, il purge une peine de prison pour tentative de cambriolage.

Brun, barbe naissante, il porte une doudoune marron et un pantalon de survêtement à bande blanche.

Après quelques réticences pour s’exprimer, petit à petit, le témoin, devient plus prolixe.

« J’habitais à côté, je venais souvent acheter des choses. Une canette, des chips. Lorsque je suis arrivé, il y avait l’épicier, le policier et Rachid. Je connaissais le policier de vue. Il venait presque tous les soirs après son service. Il se mettait à boire. Je ne le voyais pas en uniforme,il était civilisé (sic). Les relations avec lui c’était bonjour, bonsoir. Yassin, je le connaissais de vue. Je l’ai vu entrer dans l’ alimentation. Son collègue est resté dehors. »

Le jeune et le policier se connaissaient et n’étaient pas contents de se voir. Ils sont sortis dehors

Il y avait un problème entre les deux!

« Yassin a frappé le policier, quand je suis sorti, je l’ai vu partir en arrière, déséquilibré il est tombé au sol sur les fesses.

Il a sorti son arme de la sacoche et il a tiré de suite.

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L’arme du crime

 

La scène s’est passée au milieu de la rue… Il s’est relevé. Avec son arme il a fait presque un tout sur lui même… »

Question de la présidente :Il était conscient d’avoir touché Yassin?

Réponse du témoin : oui il le sait. Bien sûr! Juste après il est venu me voir pour me dire. N’appelle pas la police. Je n’ai pas compris alors qu’il était policier.

J’aurais aimé ne pas voir ce que j’ai vu.

Pour bien montrer ce qu’il a vu, le jeune homme, montre la position du policier lorsqu’il a tiré en direction de Yassin Aibeche. C’est-à-dire assis par terre.

 

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© JFGiorgetti

Troisième Témoin

Youssef Ganzoui 39 ans agent de gestion logistique.

Le témoin explique avoir entendu un coups de feu. Il sort sur le balcon de son appartement, qui se trouve juste en face de la supérette. Il voit un homme qui porte une arme à la main en direction de trois jeunes en leur criant « cassez-vous, cassez-vous ». Ils voit ces jeunes monter dans une voiture qui démarre rapidement. Pendant ce temps, l’homme range son arme dans sa sacoche et le voit discuter un moment avec un individu se trouvant devant le magasin, avant de partir à bord d’une Renault Mégane.

Quatrième témoin

Tahar Ben Makri, 32 ans, cheveux brun, coupé court, porte des lunettes, vêtu d’une veste matelassée bleu marine et d’un jean noir. Il est accompagné par trois gendarmes. Le jeune homme est détenu et mis en examen dans une affaire meurtre.

« Monsieur Herrour était très enervé, il nous a cherché des noises. Nous on avait rien demandé à personne.Nous étions venus pour acheter de l’alcool pour mon commerce. Il a fait une réflexion a Yassin qui avait un joint éteint à la main. Alors que lui en avait un.Yassin n’a rien fait de mal. Il lui a dit

« t’es qui toi? »

 Monsieur Herrour s’est levé de son tabouret avec un stylo à la main et l’a pointé sur la gorge de Yassin. Yassin lui a mis une grosse claque. C’est action, réaction! J’ai tenté de les séparer et de les raisonner. Ils sont sortis. Yassin a fait une balayette au policier. J’ai dit à Yassin viens on s’en va c’est un fatigué! En jetant un coup d’oeil en arrière, je l’ai vu sortir son arme de la sacoche et il a envoyé une balle.Yassin m’a demandé de l’emmener à l’hôpital. Il m’a dit avoir pris une balle dans la jambe. »

Il est mort à côté de moi, ce petit. Je n’arrive pas à m’en remettre. Je l’ai vu s’éteindre. »

« Si le policier était resté à sa place le petit serait encore en vie aujourd’hui. »

J’ai mis la voiture dans la vitrine de la supérette parce que j’avais la rage

La présidente s’adresse au témoin et lui indique que ces propos ne sont pas conforme à ce qu’il avait dit quelques heures après les faits. « Aujourd’hui, vous dites n’importe quoi. Ce n’est tellement pas conforme avec les autres témoignages.

Tahar Ben Makri s’énerve: ce que je vous dis est la pure vérité. Tout est vrai à 100 %. C’est ma parole d’homme.

Le procès reprend ce jeudi. Le verdict devrait être rendu le 16 décembre.