11 Mar

Souvenir d’avenir.

JMP162Photo Jean-Marie Périer

 

J’ai passé ma vie dans des avions de toutes sortes, des hydravions déglingués en Guyane, des Boeings vides entre Tokyo et Los Angeles, au jet privé des Rolling Stones en tournée, mais le voyage le plus cocasse reste celui que j’ai fait avec Jacques Dutronc en 1968.

J’avais décidé de l’emmener à Ceylan (désormais Sri-Lanka) dans le but de faire des photos. On passe d’abord deux jours d’escale à Bombay, puis on prend un Boeing de la TWA pour Ceylan. On décolle et je m’endors.

Deux heures plus tard, comme d’habitude, au contact de Jacques tous les passagers sont devenus dingues. Je n’ai jamais su comment il faisait, dès qu’il arrivait quelque part sa présence provoquait un vent de folie. L’avion était rempli d’américains et Jacques ne parlait pas un mot d’anglais, pourtant les gens se marraient, dansaient sur les sièges, le stewart avait son slip sur la tête et le capitaine avait mis sur pilote automatique pour participer à la fête, bref un asile en plein ciel.

Et surtout il y avait deux hôtesses, des beautés incroyables. Bien sûr on les branche, elles ont l’oeil qui frise, alors on attaque: « On va passer quelques jours à Ceylan, nous venez avec nous ? » Sans doute touchées par notre accent français elles voudraient bien, mais nous disent-elles, Ceylan n’est pour elles qu’une escale, elles vont à Hong Kong. Nous nous concertons du regard avec Jacques et à Ceylan je descends, j’achète les billets et on décolle pour Hong Kong.

Je mesure aujourd’hui ma chance, ce qu’on a vécu alors valait vraiment le déplacement. J’avais loué une suite à l’hôtel Hilton parce que c’était celui des équipages. À gauche Jacques avait une chambre avec la blonde et à droite j’avais la mienne avec la brune et au milieu il y avait un grand salon au milieu duquel il y avait un buffet rempli de victuailles. Et en compagnie de nos jolies hôtesses, nous avons tenu table ouverte pour tous les équipages de passage.

C’était surréaliste, de la tour de contrôle les types disaient aux pilotes: « Rendez-vous au 307, c’est là que ça se passe ! » Et pendant trois jours et trois nuits les équipages se succédaient dans notre fête improvisée. Je n’ai rien vu de Hong Kong, ensuite on est allé à Ceylan pour se remettre de cette bacchanale.

Oui je sais. Cette histoire n’a plus rien à voir avec l’époque actuelle, nous n’étions pas sérieux et je pense encore aujourd’hui qu’on avait bien raison.

Jean-Marie Périer

Dut 2 inédit