03 Déc

Re-bonjour tristesse

Sagan 2

Photo Jean-Marie Périer.

À 15 kms de ma maison de l’Aveyron, dans le cimetière de Seuze, se trouve la sépulture de Françoise Sagan.
Heureusement il fait beau cet après-midi de décembre, car bien que ça ne soit pas dans mes habitudes, l’envie m’a pris d’aller saluer cet écrivain extraordinaire que j’ai eu le privilège de rencontrer quelques fois dans ma vie ( je ne pense pas que le mot « écrivaine » lui aurait plu).
Ce cimetière est très petit, presque oublié, comme un secret réservé aux intimes. Je reconnais bien là son sens du luxe. La tombe est simple mais ne ressemble pas à sa vie et c’est tant mieux. Rien n’est pire que les illustrations post-mortem voulant résumer une existence.
Il y a une croix mangée par l’humidité, quelques bouquets de fleurs qui penchent vers la pierre, un admirateur a déposé une lettre sous un caillou, lui au moins est venu il n’y a pas longtemps. Ce dénuement la ferait sûrement rire, elle dont la vie fut un tourbillon de passions, de bonheurs, de malheurs, et d’excès en tous genres et qui sans le chercher fut un exemple pour toutes les femmes rêvant d’être « libérées ».
Star de la littérature à 19 ans, les titres de ses livres invitent au voyage avant même d’en lire une page. Un soir au casino, grâce à un numéro gagnant, elle s’achète une maison de campagne afin d’y accueillir ses amis pour des fêtes inoubliables.
Celle que Mauriac appelait « un charmant petit monstre » conduisait les pieds nus des bolides insolents, était à elle seule les Rolling Stones avant l’heure, mais en bien plus violent puisqu’elle était une femme.
J’ai eu la chance de passer quelques soirées avec elle du temps où avec Brigitte Bardot elle inventait Saint-Tropez.
La dernière fois que je l’ai rencontré, c’était à l’hôtel Lutetia à Paris en 2003. Comme à chaque fois que je l’ai photographié, elle semblait étonnée que l’on puisse s’intéresser à son apparence. Nous avons bu un verre et puis un peu parlé. Si la vie vaut la peine c’est surtout grâce aux gens que l’on affectionne.
Chère Françoise, j’aimerais croire qu’on se reverra un jour dans un quelconque paradis, hélas j’en doute, mais repenser à toi c’est déjà beaucoup.

Jean-Marie Périer