24 Mar

N’abimez pas nos souvenirs !

 

Cette image un peu floue, je ne la connaissais pas. Elle évoque peut-être mon souvenir préféré des années 60. Qui a fait cette photo de moi avec Johnny Hallyday et Sylvie Vartan sur une plage des Canaries ? 

En 1965, alors que je trainais à la terrasse de « La belle Ferronnière » près des Champs-Elysées, une Ferrari s’arrêta en double file, en ces temps-là ça ne dérangeait personne. Johnny en descendit et vint s’assoir à côté de moi. « Avec Sylvie on voudrait que tu sois témoin de notre mariage ! » me dit-il en s’allumant une cigarette. C’était le printemps et ce jour-là il faisait beau dans les rues de Paris. Ensuite il y eu la cérémonie infernale à l’église de Loconville, puis lorsqu’ils partirent pour les Canaries, ils m’emmenèrent avec eux pour faire des photos. Autrement dit on était tous les trois en voyage de noce et le plus insensé c’est que ça nous paraissait normal.

Comment voulez-vous qu’aujourd’hui je ne sois pas nostalgique devant les couvertures de journaux sur cette sinistre histoire d’héritage ? Voir Johnny avec des yeux de diable au-dessus d’un titre pathétique : « Son dernier dîner. ». Par pitié, que la presse arrête de salir les souvenirs. Faisons comme Sylvie Vartan l’autre soir au grand Rex. Elle a chanté les chansons de Johnny pour lui rendre hommage. Voilà. C’est tout. Ça suffit. 

Pendant que des inconnus dorment sur les trottoirs des villes, des parents virent leur môme parce qu’il est homosexuel, on laisse assassiner les Kurdes pendant que des migrants se noient, des filles sont excisées au moyen Orient, les femmes n’ont pas droit à la contraception en Afrique et on transforme les océans en poubelles. En France : « L’album posthume de Johnny sortira-t-il ? » Ça vire au grotesque.

Décidément je ne crois pas en un quelconque Dieu. S’il existait, je suppose qu’il serait intelligent. Et dans ce cas bien sûr, il n’aurait sûrement pas inventé l’homme, les avocats, les juges, les critiques ou les journaux français…

 Jean-Marie Perier

PS : Et voilà que tout à coup, une méchante actualité rend mes propos dérisoires. Un gendarme se hisse au plus haut niveau de l’humain en donnant sa vie pour sauver celle d’une inconnue. Courage insensé d’un homme admirable. Il s’appelait Arnaud Beltrame. Gloire à lui.

 

 

 

28 Jan

Merci Apolline.

Capture d’écran 2018-01-28 à 14.11.57Dimanche dernier j’ai eu le privilège d’être invité par Apolline de Malherbe dans une émission généralement réservée à la politique ou à l’actualité, pour parler de mon livre « Près du ciel, loin du paradis » sorti en octobre 2017. 

Je me doutais qu’en publiant un recueil de nouvelles sur le troisième âge les choses ne seraient pas simples. C’est pourquoi j’ai sauté sur l’occasion de parler de sujets qui me tiennent à coeur, puisque pour une fois j’étais face à des journalistes acceptant que l’on parle d’autre chose que des années 60. 

Après avoir pu évoquer brièvement la disparition de mon ami Johnny Hallyday, j’ai pu m’expliquer sur ma vision de la vieillesse en rupture avec les idées reçues en vogue dans les médias et sur ceux qui, au nom de la politique, se lèvent systématiquement le matin pour être « CONTRE », pour dire « NON ». Ces membres de l’intelligenstia médiatique obsédés par l’idée de ne plus exister, arborant fièrement leurs drapeaux d’indignés de salon. Dans le petit monde du « Paris-qui-chante-et-qui-ricanne » la critique tenant lieu de certificat de forte personnalité, c’est à qui hurlera le plus fort contre le président et ses ministres. Bien que n’ayant pas voté pour François Hollande, je ne l’ai jamais publiquement dénigré une fois qu’il fut élu. Pour moi seul compte le résultat du vote national, le reste ne sert qu’à faire plonger la France. Si vous n’êtes pas content, votez autrement la prochaine fois.

Et puis, pardonnez-moi, mais je préfère ceux qui se lèvent le matin pour dire « OUI » et dont le but premier est de chercher des solutions au lieu de créer des problèmes, contrairement aux suiveurs de mode dont le but est d’attaquer systématiquement le pouvoir en place en ânonnant les éternels dogmes « droite-gauche » et autres éléments de langage. Par nature, je me méfie toujours des gens qui ont « la panoplie » et dont les coups de menton cherchent à « forcer le respect ». 

En fin de compte, les cons déguisés en intelligent, ce sont les pires.

Jean-Marie Périer

PS: Je réalise qu’il est un peu cavalier de parler d’une chaîne concurrente, mais je compte sur l’ouverture d’esprit de FR3 pour excuser cet écart.

Si vous voulez voir un extrait de cette émission:

http://www.bfmtv.com/mediaplayer/video/johnny-hallyday-et-france-gall-je-regrette-qu-ils-soient-parties-jean-marie-perier-1026117.html

21 27 copie

07 Jan

Adieu Marquise.

F.G. 1

Ce message est destiné aux gens des médias.

Pardonnez-moi, mais je n’ai donné aucune interview pour Johnny et je ne dirai rien sur France. Après avoir été le témoin privilégié des années 60, je n’ai pas envie d’en devenir le fossoyeur. Et je refuse de faire partie de la meute de ceux qui se ruent pour passer la tête dans le poste afin de parler surtout d’eux-même.

J’évoquerai ces deux amis-là plus tard, mais pour l’instant, en ce qui me concerne, ce sera leurs chansons et du silence.

Amicalement.

Jean-Marie Périer

F. Gall rayée

F.G.3

28 Déc

Alléluia les pruneaux !

Dulco 1

En cette joyeuse semaine où les instances religieuses nous suggèrent de fêter en famille la naissance de Jésus de Nazareth, me voilà pris d’une générosité soudaine envers l’humanité toute entière. En effet, j’aimerais contribuer à la liesse générale en me penchant sur le destin héroïque d’une personne dont le courage et l’opiniâtreté méritent d’être soulignés. En effet à chaque fois que le calendrier nous pousse aux agapes, la même jeune femme apparait sur les écrans de nos téléviseurs pour se pencher affectueusement sur le sort de nos tripes. Gloire à la belle inconnue qui rythme nos plaisirs cathodiques en assénant ce diktat salvateur: « Dulcolax, le matin relax ! »

Je ne peux empêcher d’avoir une pensée émue pour son mari, sommé d’arborer pour toujours sa fierté au bras de celle à laquelle il a juré fidélité, ignorant, le bougre, qu’il liait son destin à une guerrière de la constipation.

J’espère que la belle est entre les mains d’un agent efficace, lequel aura au moins veillé à ce que sa prestation soit récompensée par une rémunération systématique à chacune de ses apparitions. Vous rendez-vous bien compte des conséquences ? À l’entrée d’un magasin, traversant un restaurant bondé ou pénétrant dans un commissariat, elle doit affronter les regards d’abord dubitatifs (sur quelle chaîne présente-t-elle donc la météo celle-là ?) puis narquois dès que la mémoire revient, le tout accompagné du geste pavlovien de la main sur le ventre synonyme de troubles intestinaux.

Cette femme est une héroïne.

Pourtant il me semble me souvenir que dans ma tendre enfance, ma grand-mère, du haut de sa sagesse, me recommandait souvent les bienfaits du pruneau. Loin de moi l’intention de nuire à la carrière de la Sainte Thérèse de nos entrailles, mais enfin l’usage de ce petit fruit laxatif peut rendre des services appréciables. Finis les regards au plafond de la pharmacie une fois le médicament commandé, adieu l’ingérence de la pilule gâchant par la pensée un magnifique coucher de soleil Bahamien, vive le retour au paradis des sphincters apaisés.

En ces temps de liesse obligée, c’est donc un sain retour à la nature auquel je vous engage et par la même occasion, chers Aveyronnais, je vous souhaite un Noel d’autant plus joyeux qu’il sera, grâce à ces lignes, suivi d’un transit magistral. Alléluia les pruneaux !

Jean-Marie Périer

Dulco 2

Article publié dans « Le Villefranchois ».

07 Déc

Triste semaine.

Jean d'O

J’aimerais remercier le journal « Le Point » d’avoir utilisé pour leur couverture cette photo de Jean d’Ormesson que j’avais faite pour « ELLE » dans les années 90. Ça me touche beaucoup car l’élégance de l’homme comme la musique de ses mots m’ont toujours emballé.

Voyez-vous, c’est l’un des plus grand privilège de la photographie. Si vous avez la chance de travailler pour un journal, vous pouvez rencontrer pratiquement n’importe qui. Ensuite, pendant la séance vous êtes quand même en mesure de demander à votre modèle: « Tournez-donc un peu la tête ou redressez-vous s’il vous plaît ! » alors que vous ne le connaissiez pas une heure avant, et ce, qu’il soit boucher ou président de la république. Ce privilège n’est pas donné à tout le monde. À part dentiste ou gynécologue, je ne vois pas beaucoup de professions présentant cet avantage-là.

Cela dit j’avais déjà croisé Jean d’Ormesson quelques fois mais nous n’étions pas des proches. J’ai surtout passé avec lui trois jours mémorables à Venise à l’occasion d’un sujet pour le journal « ELLE » dans les années 90.

J’avais emmené mon amie Julie Andrieu et bien sûr, au moment même où je la lui ai présenté, la raison de ce voyage devint évidente. Ne pouvant respirer sans séduire, les photos que je devais réaliser passèrent aussitôt au second plan, et il entreprit de lui faire connaître son Venise à lui, autrement dit le vrai.

C’était un spectacle merveilleux de voir cet homme d’un âge certain marcher à vive allure, l’oeil vif et le doigt véloce nous indiquant des détails architecturaux que les touristes ne verront jamais.

À la suite de quoi il va poser pour moi, mais la séance est rapide. Et tandis qu’il me regarde de ses yeux bleus roi, je ne saurais dire s’il me sourit par politesse ou pour me remercier de lui avoir donné l’occasion de connaître une aussi belle personne.

Julie est restée son amie, hélas moi, je ne l’ai jamais revu.

Jean-Marie Périer

30 Nov

Et si on lui foutait la paix ?

Halte au feu. Johnny Hallyday est toujours là, merci pour lui.

Johnny Halliday (Photo : J-Marie Périer)

Johnny Halliday (Photo : J-Marie Périer)

Soutenu par sa famille, il se bagarre contre le crabe maudit avec son courage habituel, sans gémir et, tel que je le connais, habité par l’impossible espoir qu’on lui foute la paix.

Bonne idée. Car il faut savoir que depuis quinze jours l’irrépréssible frénésie des médias nationaux est à nouveau à son comble. C’est le jeu, tous les journaux se préparent « au cas où ». Cette règle que l’on peut juger funeste existe dans la presse depuis la nuit des temps. Quand les foules adorent un artiste, elles se préparent toujours à le regretter.

Je n’ai aucune nouvelle à vous donner et même si j’en avais je ne les donnerais pas. Depuis quelques années, parce que je vis dans l’Aveyron et lui un peu partout, Jojo et moi nous correspondons par mail. Le dernier message que j’ai reçu de lui date de quelques semaines et vu la situation je fus assez surpris qu’il prenne le temps de m’envoyer une lettre aussi gentille. C’est sans doute la plus grande qualité de cet ami-là, il n’a jamais changé. Dans sa tête il est exactement le même que le jeune homme de dix-neuf ans que j’ai rencontré en 1962.

À cette époque déjà, il menait un autre combat, celui de la méchanceté des « grandes personnes » à son égard.

En septembre 1958, alors qu’il passait en première partie de Raymond Devos à l’Alhambra, le soir de la première, dans le parterre du tout Paris du « Music-hall », parmi les grandes vedettes de l’époque certains le huèrent en sifflant, j’en connais même un qui hurla : « Virez-moi ce connard ! ». Je ne le nommerai pas mais Jojo s’en souvient. Comment peut-on proférer une telle horreur à un môme qui débute et dont le rêve n’est autre que de chanter et danser ? J’aimerais rendre hommage à Raymond Devos. Car après le spectacle, devant le tollé des happy-fews, la direction voulait se séparer du jeune Hallyday. Et Devos a répondu : « Si vous virez le môme, je pars ! » La grande classe. Puis vinrent Charles Aznavour qui lui accorda sa confiance, Daniel Filipacchi qui le programma aussi sec dans son émission et Edgar Morin qui, comme toujours, comprit avant les autres ce que Johnny représentait.

Néanmoins, aidés par des « guignols » en tous genre, la majorité des journalistes, des adultes, des parents se moquèrent de lui pendant trente ans malgré son fulgurant succès auprès de la jeunesse. « Je préfère qu’ils me prennent pour un con, comme ça je les vois venir ! » me disait-il dans un sourire.

Ce mépris dura jusqu’au début des années 90, lorsque l’écrivain Daniel Rondeau lui consacra une grande interview dans le journal « Le Monde ». Là, enfin, l’intelligentsia parisienne le regarda d’un autre œil.

Eh bien le 12 décembre, vous verrez sur France 2 un documentaire récent sur Johnny dans lequel il se livre durant presque une heure.

Il y a un an la production m’avait proposé de faire cet interview et j’avais préféré m’effacer, considérant que l’étiquette « Années 60 » collée sur mon front l’aurait replongé dans un bain dont il avait su sortir. De plus, comment aurais-je pu faire semblant de lui poser des questions sur une vie dont je connais la plupart des réponses ? Aussi leur ai-je vivement conseillé de choisir Daniel Rondeau. Tant mieux, pour une fois un média parisien m’aura écouté.

Jojo, j’espère que ce n’est pas mon cadeau d’adieu, car tu l’as oublié mais je suis plus âgé que toi et, va savoir, je pourrais très bien te battre au poteau.

Ce serait bien la première fois !

 

PS : Depuis quinze jours, je reçois des messages de gens des médias me demandant de parler de Johnny. Inutile d’insister. Ne comptez pas sur moi pour aller faire le beau dans le poste si mon ami disparait. Et si par malheur ça arrive, sachez que les interviews qui paraîtront sans doute seront tous anciens.

Ce jour-là je serai très triste et je ne dirai pas un mot.

 

(Article paru dans « Le Villefranchois » le 30 novembre 2017)

 

19 Oct

Près du ciel, loin du paradis.

Pub Livre seul

Interview d’Eric Lashon pour « Le Villefranchois ».

Eric Lashon: Avec ce livre vous signez une oeuvre pleine d’humour mais aussi très féroce dont le thème central est l’inéluctabilité de l’âge et le cortège d’inconvénients qui lui est attaché. Est-ce une forme d’exorcisme ?

Jean-Marie Périer: Oui absolument, ça ne sert à rien, je sais, mais on ne peut pas faire que des choses utiles… En fait, je pensais que je serais toujours jeune. Désolé, je ne vois aucun intérêt à vieillir. Où est-elle la fameuse sagesse ? Moi j’ai 20 ans dans la tête mais la caisse ne suit pas. Et ne me parlez pas de l’expérience, j’ai passé ma vie à refaire les mêmes conneries.

Eric Lashon: Vous avez choisi d’écrire ce livre comme un recueil de nouvelles et de nous présenter une galerie de personnages confrontés à la vieillesse y compris du point de vue de la femme. Pensez-vous qu’il existe une grande diversité par rapport au vieillissement physique et donc aussi entre les sexes ?

Jean-Marie Périer: Oui c’est assez injuste d’ailleurs.  À un moment donné les femmes perdent des armes qui ont fait leur force dans leur jeunesse. Ce changement doit être cruel pour certaines. En même temps quand elles sont jeunes, elles s’en servent aussi pour nous les briser menu. Et nous on plonge comme des grands ! Il faut bien qu’il y ait une justice. Vieillir est peut-être plus simple pour un homme, encore que… Arrêtez de me bassiner avec la beauté des rides. C’est quand même mieux quand il n’y en a pas. La vérité c’est qu’aujourd’hui. Les vieux étant en grand nombre, ils sont devenus un « marché ». Et j’en ai marre qu’à longueur de livres ou d’articles de journaux, on raconte des salades aux gens en leur faisant miroiter que la vie commence à 60 ans, qu’on peut tomber amoureux à 75 ans et baiser à 90. C’est peut-être vrai pour certains, mais comme par hasard ce ne sont pas des « morts de faim », et ils représentent à peine un pour cent de la population, et pour les autres, vieillir c’est surtout très désagréable. Allez voir dans les hospices,  ce n’est pas Disneyland.

Eric Lashon: Presque toutes vos nouvelles placent au centre de la tristesse de vieillir, la difficulté d’assumer son corps et pourtant vous semblez un bel exemple de ce que l’on peut qualifier d’éternel jeune homme…

Jean-Marie Périer: Je n’ai pas écrit ce livre pour parler de moi, c’est pourquoi ce sont des nouvelles, autrement dit, des petites histoires sur ceux qui subissent aussi les inconvénients d’être un « Sénior » (quel mot grotesque ! Ils ne peuvent pas dire « Vieux » ?) D’accord, aujourd’hui j’ai la chance de faire plus jeune, mais quand j’avais 16 ans et que j’en faisais 11, croyez-moi ce n’était pas la joie dans les « surboums », avec les filles qui me caressaient la joue en disant « Oh comme il est mignon ! » avant de se jeter dans les bras du premier crétin venu.

Eric Lashon: Certains de vos personnages sont plus flamboyants que d’autres face à l’âge. Pensez-vous que la vieillesse est un révélateur de la nature de l’Homme ?

Jean-Marie Périer: Mae West disait: « Vieillir est une affaire d’athlète ! ».  Mourir ne m’emballe pas, mais au moins c’est la même danse pour tout le monde et après, hélas comme je ne crois a rien… C’est l’idée de la dégradation que j’ai en horreur. Il faudrait vivre sa vie à l’envers. On serait vieux au début, puis de moins en moins malade, on finirait par la première histoire d’amour, et hop ! À la maison.

Eric Lashon: L’image de la femme est très présente dans votre livre pensez-vous comme Charles Denner dans  » l’homme qui aimait les femmes » que c’est le pas des femmes qui fait tourner le monde ?

Jean-Marie Périer: Sans doute puisqu’elles donnent la vie. Mais elles devraient peut-être marcher moins vite. Quand je suis né on était un milliard et demi d’habitants sur terre, on est sept milliards aujourd’hui. Trop de monde, après on s’étonne qu’ils n’y aient pas assez de places de parkings.

Eric Lashon: Face aux trahisons du corps dans les ébats sexuels, vous avez choisi de vous retirer du jeu. Est-ce la scène finale du Casanova de Fellini qui vous hante ?

Jean-Marie Périer: Non, la vérité c’est que d’abord j’ai été très gâté sur ce plan, ensuite les vieux beaux qui courtisent en recyclant des phrases déjà dites, je trouve ça pathétique. ( Pour rigoler je me suis mis exprès sur la couverture du livre en illustration du « vieux beau ».)

Et puis j’ai toujours vécu avec des femmes très jeunes, la dernière avait 35 ans de moins que moi. Ce que j’aimais c’est découvrir une merveille qui ne se connait pas et l’amener à être elle-même, autrement dit: « pygmalionner ». Finalement ça consistait à les préparer pour un autre. C’est sûrement pour ça que je me suis toujours attaché aux hommes pour lesquels j’étais quitté. Mais surtout, aujourd’hui j’ai une fille de 28 ans qui est ma passion et je ne me vois pas vivre avec une personne plus jeune qu’elle.

Eric Lashon: Le livre s’ouvre avec la première femme, celle qui compte toute une vie et se ferme avec une autre femme, celle qui compte peut-être jusqu’à la mort . Les femmes sont-elles l’alpha et l’oméga de votre vie ?

Jean-Marie Périer : J’ai aimé cinq femmes pour toujours, c’est déjà beaucoup de chance. Je ne parle pas des aventures et des coups de chaud. Ma jeunesse s’est passée dans une époque très différente, moins coincée qu’aujourd’hui. L’amour, on en fait tout un plat, mais j’ai déjà vu le film et je connais la fin, aucun suspense, je sais que c’est le jardinier qui a tué. Désormais c’est ma chienne Daffy qui remplit toutes les cases (enfin pas toutes, rassurez-vous) et j’aime beaucoup l’idée de finir ma vie dans l’Aveyron à écrire des livres.

Eric Lashon: Pouvez-vous concevoir une vie humaine sans la vieillesse ?

Jean-Marie Périer : Non bien sûr, mais peut-être faut-il savoir mourir à temps. (J’ai depuis longtemps adhéré à l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et si ça n’avance pas chez nous, j’ai les plans là où ils parlent français avec un drôle d’accent. Une bouteille de Languedoc, une pilule et bonjour chez vous !) On peut vivre bien pendant assez longtemps de nos jours, mais à partir de 70 ans, les années comptent double, après 80 elles comptent triple et après 90 je ne compte plus, mais je pense qu’à quelques exceptions près les ennuis commencent. La vieillesse c’est lorsqu’on est suffisamment affaibli pour se retrouver entre les mains des autres.

Au fond, ce livre je l’ai écrit pour des gens qui ne le liront jamais, à savoir les jeunes, ce sont eux qui comptent. Afin qu’ils n’écoutent surtout pas ceux qui, en prônant des âneries sur les beautés du troisième âge, risquent de leur faire croire qu’ils ont le temps devant eux.

« Vivez maintenant, tout de suite et le plus vite possible. On ne vit qu’une fois, alors surtout ne soyez pas raisonnable. Essayez de faire ce à quoi vous croyez sans vous occuper de ce que pensent « les autres ». N’écoutez pas les conseils. N’écoutez pas les vieux. Donc ne m’écoutez pas non plus ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

26 Sep

Londres Moscou.

1

D’abord Londres. Dix jours bien sûr c’est un peu court, mais ça en valait la peine. Dans “The little black gallery” de Chelsea à Londres, il s’agissait d’une exposition de mes photos des couturiers des années 90 pour le journal ELLE. Durant la journée du vernissage, je n’ai rien fait d’autre que boire et sourire. Les gens étaient vraiment très sympathiques et si ma petite Daffy ne m’avait pas attendu dans l’Aveyron je serais resté plus longtemps.

 

2

Sur le chemin de l’aéroport, que fait cette fille ? Elle pleure ? Elle regarde son smartphone ? Elle s’allume une cigarette ? Tristesse ou bonheur moderne ? Je ne le saurai jamais.

Ensuite Moscou.

Que sont devenus les aéroports de ma jeunesse ? Pour aller en Russie, on vous passe aux rayons X, on vous déloque, on vous palpe, bientôt on aura droit au toucher rectal…

4

Sur le chemin vers la galerie « Lumière Brothers » où a lieu mon exposition, j’ai juste le temps d’apercevoir quelques bribes de cette ville magnifique.

5

L’expo est composée de tirages des années 60 et des couturiers des années 90. La galerie est dans le grand bâtiment en briques d’une ancienne usine transformée en lieux pour jeunes artistes, je fais un peu tache mais ça ne semble déranger personne. La gentillesse des gens qui m’accueillent est des plus touchante. On me traite comme un roi. Durant trois jours je donne dix interviews et trois conférences devant un nombre incroyable de femmes. Certaines, me dit-on, ont fait huit cents kms pour venir m’entendre. Et toutes ces femmes me sourient ou me prennent photo, j’en ai des crampes aux bras à force de selfies langoureux. Là je vous l’avoue, je regrette de ne pas avoir trente ans de moins, quelle misère d’être un « sénior », ce mot que j’ai en horreur. Il me faudrait au moins dix vies.

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Et pour finir, je ne pouvais manquer d’aller voir l’incroyable statue que les Russes ont érigé au regretté Mr Kalashnikov.

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À première vue c’est assez étrange, mais d’abord presque toutes les statues aperçues en ville sont à la gloire de généraux, de militaires ou de princes. Que voulez-vous, les Russes sont fiers de leur Russie.

Ne jugeons pas trop vite. Le dénommé Kalashnikov était un simple soldat qui voulait que son pays gagne la guerre. Alors il s’était appliqué à fabriquer l’arme à tir automatique la plus létale possible comme un bon ouvrier consciencieux. Bien qu’ayant réussi à inventer l’arme la plus vendue au monde, le flingue préféré de tous les enfoirés de la planète, il ne toucha jamais un rond de son invention, ne fit jamais fortune et finit sa vie dans son petit logement avec sa seule solde de militaire, ses dernières années bercées par le sens du devoir accompli. C’est à un patriote qu’ils ont érigé une statue. Finalement c’est assez normal. Après tout, il y a bien des rues Marcel Dassault un peu partout en France, lui était milliardaire et à ce que je sache il ne fabriquait pas des sucettes à la fraise…

 

11 Sep

Ce mois-ci je ne chôme pas !

Affiche Albi Mail

Si on m’avait dit il y a 50 ans que mes photos des sixties intéresseraient autant de gens aujourd’hui, je n’en n’aurais pas cru un mot. Dans les années 60 les photos n’avaient aucune valeur marchande, elles étaient destinées à être affichées sur les murs des chambres des adolescents et j’en étais ravi.Désormais, tant à la Maison de la photo de Villeneuve que partout ailleurs, mes expositions attirent un monde fou dont au moins 30% de la génération actuelle, ce qui m’étonne un peu. Que des gens de mon âge aiment à se souvenir de leur jeunesse, je comprends, mais rencontrer des jeunes gens qui ont la nostalgie d’une époque qu’ils n’ont pas connu est beaucoup plus surprenant. Lorsque j’avais 20 ans je ne rêvais pas de Mistinguett. C’est dire si ma génération des « baby-boomers » a été gâtée.

Moi, en plus, j’ai eu la chance de m’en rendre compte à l’époque, jamais je ne dirai: « Si j’avais su ! ». Je faisais partie des vernis, ce que je vivais était très exceptionnel et je m’en rendais compte. Mais s’il est vrai que les choses étaient plus légères pour certains, il y avaient quand même beaucoup de gens dont l’existence n’était pas rose. Alors qu’est-ce qui a changé ?

À mon avis, deux choses: D’abord, lorsque je suis né on était une milliard et demie d’humains sur la planète, aujourd’hui on est sept milliards. ( Merci les religions ) Et l’hégémonie des médias n’existait pas. Mis à part les évidents changements climatiques, il se passaient autant de choses dans le monde, mais on ne nous le rabâchait pas à longueur de journée et comme seules les mauvaises nouvelles font vendre du papier…

Et maintenant voilà que mes photos des couturiers des années 90 intéressent aussi le public. Donc j’expose aussi ces images-là un peu partout dans le monde.

Ce mois-ci j’ai trois expositions ( Albi, Londres et Moscou) et en plus je sors un livre dont je vous parlerai en octobre. Donc la retraite, ça attendra !

Jean-Marie Périer

Londres

 

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