22 Mar

Limoges pendant la Seconde Guerre mondiale, 2

Description de l'image Filiol, Jean Paul Robert.jpg.

Jean Filliol Le Populaire, organe du Parti socialiste (SFIO), n° 5448, 14 janvier 1938.

En novembre 1942, les Allemands entrent à Limoges et installent la Kommandantur place Jourdan, la gestapo investit une villa à l’angle de l’impasse Tivoli et du cours Gay-Lussac (parmi ses séïdes, une quinzaine de Français). L’Ordrugs Polizei s’installe rue Montalembert. Les Etats-Majors et services investissent le Central Hôtel, l’Hôtel Moderne, l’Hôtel de Bordeaux. La répression s’intensifie, le Service du Travail Obligatoire est mis en place, les pénuries s’accroissent – impression de désolation accentuée par un hiver très rude. Face aux importantes restrictions alimentaires, la presse a donné depuis longtemps des recettes pour utiliser les déchets : feuilles vertes des choux, feuilles de salsifis, de betteraves ou de radis, etc. Les habitants font la queue devant les boutiques lorsqu’un arrivage est annoncé, ils économisent tout ce qu’ils peuvent : vêtements, crayons, papier. Dans les cours et les jardins, on élève des poulets ou des lapins, on cultive un potager. Ceux qui peuvent partent en tramway ou à vélo s’approvisionner à la campagne. Les véhicules fonctionnent surtout au gazogène, des voitures à cheval circulent à travers la ville.

Le dimanche 28 février 1943 a lieu à Limoges l’assemblée constitutive de la Milice, pour la Haute-Vienne et les parties non occupées de la Charente et de la Vienne. Les formations des miliciens se regroupent place de la Cathédrale puis gagnent le cirque-théâtre où le public est nombreux. En guise de décor, un immense portrait du fondateur Joseph Darnand et une banderole : « Contre le communisme, la Milice ». Les miliciens chantent leur hymne et même La Marseillaise ; ils défilent ensuite au square de la Poste puis les autorités et personnalités se retrouvent dans le hall des jardins de l’Evêché pour partager le déjeuner des miliciens. Parmi ceux qui sont favorables au mouvement, le médecin Verger, dont le fils s’engagea dans la Milice, et dont la femme tenait des propos extrêmes – la rumeur locale lui prêtait même le désir d’un « sac à main en peau de maquisard ». En 1944, Jean de Vaugelas est à la tête du mouvement dans la région (mais il a aussi autorité sur la Garde mobile, les G.M.R. et la gendarmerie). Avec lui, Jean Filliol, cofondateur de La Cagoule, est chargé de la Franc-garde et du renseignement. Il a investi, avec ses séïdes, le Petit Séminaire, près de l’Hôtel de Ville : les tortionnaires opèrent au deuxième étage du bâtiment B, chambre 19. Entre deux beuveries, avec acharnement, ils cravachent, frappent à coups de gourdins, de matraques, de nerfs de bœuf, brûlent à la cigarette, lardent de coups de couteau. Parmi les victimes, un Juif meurt défenestré, le résistant Louis Cacaly succombe à une hémorragie interne, des femmes sont violées. On fusille des résistants dans la cour de la prison, place du Champ de Foire. A la fin de la guerre, la Milice s’installe au Petit Quartier du lycée Gay-Lussac. Dans la biographie qu’il a consacrée à l’écrivain limousin Robert (Bob) Giraud, auteur du célèbre Le vin des rues, Olivier Bailly a raconté comment celui-ci, âgé de 23 ans, maquisard, est arrêté en juin 1944 par un ancien camarade du lycée, milicien, et envoyé au Petit Séminaire où il est torturé. Il croise là et réconforte André Schwarz-Bart (futur Prix Goncourt 1959), adolescent résistant lui aussi torturé. Les prisonniers sont sauvés d’une mort certaine par la libération de la ville.

A suivre…