10 Oct

Porcelaine et chaussure

 

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(c) http://www.roberthaviland-cparlon.fr

C’est sous le Second Empire que Limoges devient véritablement la cité de la porcelaine : les fournées ne cessent d’augmenter, de même que celui des ouvriers (10 000 en 1891). A cela diverses explications complémentaires : prospérité de l’économie française, arrivée du train, innovations techniques et conquête du marché américain, notamment par l’entreprise Haviland. Comme l’a écrit Lucie Fléjou dans sa thèse consacrée à Théodore Haviland : négociants new-yorkais, protestants, les Haviland développent le commerce de la porcelaine française aux États-Unis, avant de s’installer à Limoges au milieu du XIXème siècle, afin de produire des porcelaines spécifiquement adaptées aux goûts nord-américains. A leur suite, de nombreuses fabriques de porcelaine développent le commerce américain, ce qui entraîne une période de très grande prospérité de l’industrie porcelainière limousine. « La ville se spécialise dans les services de table haut de gamme, parvenant ainsi à ne pas être pénalisée sur les marchés extérieurs par le coût élevé de ses produits, mais restreignant ainsi ses débouchés. Au XIXème siècle, l’industrie de la porcelaine tend à devenir une mono-industrie, l’une des seules d’une région rurale en voie de dépeuplement. L’identité de Limoges se confond peu à peu avec la porcelaine, dont elle est la capitale française ». Pour renforcer leur image et développer leur clientèle, les porcelainiers présentent leurs productions aussi bien à l’occasion des expositions universelles qu’à Limoges-même, comme au Palais de l’Industrie de l’exposition industrielle, agricole et artistique du Centre de la France construit en 1858, au Champ de Juillet – c’est notamment le cas de l’entreprise Théodore Haviland, installée avenue de Poitiers (Emile Labussière). Celle-ci ne cesse de prospérer de 1895 à 1907 environ. C’est elle (et celles de Charles Haviland, avenue Garibaldi et au Mas-Loubier) qui commence à produire et à décorer en grande série (en utilisant la décalcomanie). Une évolution qui s’accompagne de conditions de travail plus difficiles pour les ouvriers et ouvrières au travail dans de grands bâtiments où sont installées les machines. Progressivement, certains métiers se déqualifient, en raison de la mécanisation et de la standardisation. Les femmes sont majoritaires dans les ateliers de décoration (21 % de la main-d’œuvre en 1905, avec des salaires inférieurs à ceux des hommes de 20 à 50%). Les employés sont menacés par les accidents du travail, la phtisie ou la silicose. A côté des grandes usines, il existe encore des petits ateliers, qui réalisent souvent des pièces uniques à la demande de certaines familles limougeaudes.

L’industrie de la chaussure s’est également progressivement développée, alimentée par l’élevage des bovins en Limousin. Ses ouvriers sont de plus en plus nombreux dans une vingtaine d’entreprises, mais de moins en moins qualifiés au fur et à mesure que les machines augmentent – après 1900, la compagnie United Shoe loue ses machines contre une redevance calculée sur la production. L’usine Monteux, installée rue de Châteauroux par un industriel parisien, emploie 800 salariés en 1905. La société anonyme Gaston Monteux et Compagnie est au lendemain de la 1ère Guerre mondiale la plus importante usine de chaussures de Limoges, et le resta jusqu’à sa fermeture en 1933 – ses locaux forment alors la plus vaste usine de chaussures de la ville. Comme la plupart des autres usines de Limoges, celle-ci possède une horloge (du constructeur parisien Château Frères), à double cadran, l’un à l’intérieur, l’autre à l’extérieur : la ville est bien à l’heure industrielle, et les ouvriers soumis à sa cadence. En 1920, après avoir bénéficié en 1914-18 des commandes de l’Armée, Limoges compte 46 fabriques de chaussures – dont celle fondée en 1913 par Alfred Heyraud (quatre sites de production dont un à Paris).