14 Déc

Livres: belle pêche dans nos casiers de Noël

C’est cadeau, une sélection de beaux livres et autant d’idées de cadeaux de noël. Une chronique écrite par Bernadette Bourvon.

 Des poissons, des convictions et des recettes 

Surtout ne pas s’arrêter au titre Cuisiner la mer. Ce livre de plus de 400 pages est beaucoup plus qu’un livre de cuisine. C’est comme l’annonce Gaël Orieux « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le poisson (sans jamais oser le demander) « . Gaël Orieux n’a pas toujours été cuisinier, à la tête de son restaurant Auguste à Paris. Après une enfance bretonne suivie d’une première profession de plongeur sous-marin, Gaël fait ses classes auprès de Bocuse, Senderens, Alléno. Désolé par l’absence d’informations concernant la pêche responsable et soucieux de respecter les espèces menacées, il participe activement à la plateforme MrGoodfish. Gaël « est fondu de poissons faisant souvent de la figuration sur l’étal » comme l’écrit Julien Bouré. Il ne dénigre pas non plus le surgelé pour certaines espèces ou le poisson bien élevé dans des exploitations convenables.
La première partie du livre est un cours magistral, dans le sens de remarquable, sur 70 espèces de poissons  et tentacules, suivies des coquillages, crustacés, condiments et légumes marins. Pour chaque sujet, une définition, l’habitat et la pêche, la gestion de la ressource, la saison et le mode d’emploi. De quoi choisir en toute connaissance de cause et de faire un tour du monde des zones de pêche. De quoi courir chez son poissonnier pour lui demander des Vives, des Pagres, des Balistes. Et de revoir sérieusement sa façon de bien cuisiner tous les produits de la mer en général.
La deuxième partie déroule 90 recettes classées en grandes tablées, recettes bourgeoises, canailles, fraîcheur, exotiques, … le tout accompagné de photos comme des tableaux – que l’on encadrerait bien-  qui fait ce ce livre érudit un bonheur pour les yeux.

Cuisiner la Mer, vient de recevoir le Prix du Grand Large du Figaro.

Cuisiner la mer 70 espèces et 90 recettes Gaël Orieux
Rédaction Juien Bouré, Photographies Jean-Claude Amiel
Éditions de La Martinière 45€

Les Cinq voyages de l‘Antoinette

Fils de marin de commerce, petit-fils et arrière petit-fils de marin pêcheur, Maurice Trépos a l’arbre généalogique propice à l’amour du monde maritime. Il y a une dizaine d’années, il s’intéresse aux naufrages en baie d’Audierne dans le Finistère. Celui du trois mâts Antoinette le 6 janvier 1912 n’est pas vraiment documenté. Jusqu’au jour où Maurice Trépos apprend l’existence, dans une malle nantaise, d’une correspondance de 500 lettres entre les trois capitaines successifs et leurs armements.Cinq grands voyages verront Antoinette à Cape Town, La Réunion, Saigon, Cayenne, New York, Saint-Pierre, Lisbonne, Buenos Aires, Ipswich et La Martinique. A son bord, beaucoup de sucre, du pétrole, des engrais, des mules. Le livre retrace toute la vie, toutes les vies du début du 20ème siècle, des dockers nantais aux matelots confrontés aux conditions extrêmes de traversées de plusieurs mois. C’est la vie à bord au quotidien avec ses bonheurs simples. Mais aussi les découvertes d’autres paysages, d’autres cultures une fois le pied à terre. En ce 6 janvier 1912, une forte tempête sur les côtes du Finistère mettra le bateau sur le flanc. Le remorqueur anglais The Warrior n’aura rien pu faire.

Le tour du monde de l’Antoinette fait désormais partie de ces aventures maritimes et humaines impossibles. Le temps de la traversée qui s’étire au gré des conditions climatiques et des avaries diverses a de quoi  engendrer une part de nostalgie. Celle d’une époque que nous n’avons pas connue, mais qui fait toujours rêver.

L’Odyssée d’un trois-mâts autour du monde 1903-1912
de Maurice Trépos
288 pages 49€ Edts Coop-Breizh

Yahne Le Toumelin a connu André Breton et Maurice Béjart, le surréalisme et l’abstraction. La lumière et la mer ont porté l’oeuvre de cette artiste atypique qui à 93 ans continue de peindre.

Dans la famille Le Toumelin il y a Victor le père commandant, le fils Jacques-Yves navigateur*, le petit-fils Matthieu Ricard moine bouddhiste, photographe et auteur,  et sa mère Yahne artiste peintre.Une famille incroyable où chaque membre aura tenté l’aventure, sportive, spirituelle et artistique et toujours avec succès. La famille a passé ses vacances au Croisic des étés durant. C’est là que père et fils font du bateau, quand Yahne préfère appréhender la mer de la côte. « Je passais des journées seule dans une crique. J’aimais beaucoup cet endroit  et je connaissais chaque rocher, je grimpais et personne ne pouvait me rejoindre. Il y avait aussi une grotte, et il parait un souterrain…  » Des journées de solitude où Yahne dessine, « inspirée par tous les éléments, je peignais toujours des vagues et des gouttes. Et dans mon pupitre à l’école, j’avais une photo de mer. »Des dizaines d’expositions se succèderont,  de 1957 à 1969. En 1968 Yahne Le Toumelin fait un voyage en Inde et devient la disciple de Kangyur Rinpoché, un grand maître tibétain, avant de devenir nonne. Elle continue de peindre et ses tableaux s’intitulent  Un océan vertical, Le bateau-ville,  Île aux neufs flambeaux, La barque des vainqueurs, Haute mer.  » En 1969 Yahne travaillera avec Maurice Béjart, réalisant les costumes et les décors du ballet « Les Vainqueurs ». C’est  en Dordogne que Yahne s’est installée depuis 1982. Le livre que les éditions de La Martinière viennent de lui consacrer rend compte de son parcours étonnant. Matthieu Ricard en a écrit les textes.

Yahne Le Toumelin Lumière rire du ciel  
Editions de La Martinière 50€

* Il écrira un livre Kurun autour du monde 1949-1952 paru en 1953